• Abattre des statues ne change pas l’histoire, mais peut contribuer à l’envoyer aux oubliettes et permettre de faire comme si « tout cela ne s’était jamais produit ». D’un autre côté, une statue est généralement érigée à des figures historiques positives, or nombre d’entre elles immortalisent des personnages plus que douteux. Que faire ? Tourner le dos aux iniquités de son histoire, c’est lui passer un coup de gomme mal venu. Laisser ces statues en place sous-entend une approbation envers les tristes sires qu’elles représentent. Le dilemme semble insoluble.

    Nous admettons ne pas avoir la réponse, sinon qu’il y a un remède à l’oubli : mettre à l’honneur l’Histoire telle qu’elle n’est pas enseignée dans les écoles, à savoir telle qu’elle a été, avec ses exploits, ses grandeurs mais aussi ses zones d’ombre et ses épisodes honteux. Les statues ne sont qu’un détail.


    Par Andrew Dickens
    Paru sur RT sous le titre We’re fighting over statues because we don’t learn enough history, warts and all


    L‘histoire ne s’ « efface » pas en abattant des statues. Elle a été effacée au fil des siècles par ceux qui sont au pouvoir. La seule façon de juger correctement le passé est d’enseigner TOUTE l’histoire, qu’elle soit bonne, mauvaise ou carrément hideuse.

    Qui aurait cru que les gens s’intéresseraient autant aux statues en 2020 ? Des gens qui n’en avaient rien à faire il y a quelques semaines pensent maintenant qu’elles sont la meilleure ou la pire des choses. Des générations de professeurs d’histoire, de guides de musée et d’archéologues doivent se demander à quel moment ils se sont trompés.

    Ce ne sont pas toutes les statues, notez – seulement celles de personnages historiques controversés. Beaucoup de ces personnages ont été défendus avec acharnement, la critique de leur vie a été condamnée ou balayée d’un revers de main, sans la moindre nuance. Certaines de ces critiques ont été formulées en termes très absolus, sans contexte ni équilibre. Certains ont affirmé que détruire une statue, c’est « effacer l’histoire », tandis que d’autres ont affirmé qu’il s’agissait de « marquer l’histoire ».

    L’absolutisme du débat actuel est un problème sérieux, et nous en sommes tous coupables. L’Histoire ne traite pas de beaucoup d’absolus, pourtant. Elle est nuancée, compliquée, brumeuse, et pleine de gloire et de honte. Sans toutes ces informations, l’Histoire est dévalorisée, tout vrai jugement est impossible et les probabilités de conflits augmentent. Malheureusement, c’est la norme, et cela n’a rien à voir avec les statues.

    Comme le dit le dicton, l’Histoire est écrite par les vainqueurs. Mais elle est aussi censurée par leurs successeurs. Les politiciens ont fait la queue pour se récrier sur le retrait de quelques sculptures, mais leur espèce – les classes dominantes et les communautés dominantes – effacent l’Histoire depuis que nous avons commencé à l’écrire.

    Enfant britannique, à l’école et à la télévision, j’ai appris l’héroïsme des deux guerres mondiales, des discours exaltants de Winston Churchill jusqu’au sacrifice courageux de jeunes hommes sur le front occidental et sur les plages de Normandie. Les rôles de l’URSS et des États-Unis dans la Seconde Guerre mondiale étaient à peine évoqués.

    Je n’ai pas appris les vues ouvertement suprémacistes blanches de Churchill, le massacre de civils antinazis qu’il a ordonné à Athènes en 1944, ni sa participation à la famine des Indiens « bestiaux » lors de la famine du Bengale en 1943.

    J’ai appris les victoires épiques contre les Français à Azincourt et à Waterloo. J’ai lu sur les grandes dynasties royales, la révolution industrielle et l’invasion normande (tout le monde en Angleterre est très fier de ne pas avoir été envahi depuis près de 1000 ans). J’ai appris notre grand passé naval, avec des explorateurs intrépides comme Cook, avec des marins rusés comme Drake qui a fait tomber la puissante Invincible Armada espagnole.

    Je n’ai pas appris les crimes coloniaux comme le massacre d’Amritsar ou les camps de concentration en Afrique du Sud et au Kenya (les camps kényans ont eu lieu dans les années 50, donc nous n’avions clairement pas appris grand-chose de la Seconde Guerre mondiale). Je n’ai rien appris sur l’esclavage.

    Et ce n’est que lorsque j’ai rencontré ma femme irlandaise et que je me suis intéressé à l’histoire irlandaise que j’ai appris les crimes odieux commis par le gouvernement britannique sur (à l’époque) ses propres citoyens. La famine, les incarcérations et, vous l’avez deviné, encore d’autres massacres – avec aussi Churchill dans le rôle principal. Je n’avais rien appris à l’école sur l’histoire de l’Irlande du Nord.

    Je suis sûr que les enfants américains apprennent comment Christophe Colomb a découvert leur pays. Ils ne sont probablement pas informés de l’esclavage sexuel des enfants que lui et ses hommes pratiquaient, ou du fait qu’il donnait des bébés natifs américains à manger aux chiens.

    Ainsi, mon pays a fait du bien, du mal et du discutable – et c’est le cas pour chaque pays, chaque gouvernement et chaque individu. Mais on nous enseigne si peu de choses qu’il est presque impossible de jauger de l’équilibre entre les trois.

    Ce manque d’information fausse notre opinion. Lorsque nous en apprenons davantage, nous pouvons nous sentir trahis, en colère, voire honteux, et cela nous biaise à nouveau.

    Je sais que je ne cesse de mentionner Churchill, mais sa statue et son héritage sont devenus essentiels à toute cette question. Pour beaucoup, ses efforts en temps de guerre contre l’Allemagne le rendent intouchable. Pour d’autres, ses crimes font de lui un démon. Peut-être devrait-il simplement être Churchill.

    Pour tuer la toxicité de ce débat, les gouvernements doivent enseigner l’Histoire avec toute ses zones d’ombre. Si les faits étaient connus de tous, il y aurait moins de bagarres au sujet de statues et de noms de rues. Éduquez les gens honnêtement et peut-être que les discussions seraient un peu moins mélodramatiques et que les progrès seraient plus rapides.

    L’Histoire est en grande partie publique, mais à moins que quelqu’un ne vous dise ce que vous devez chercher, vous ne la trouverez jamais.

    Andrew Dickens est un auteur primé spécialisé en culture, société, politique, santé et voyages. Il travaille pour des titres tels que le Guardian, le Telegraph, l’Independent, le Daily Mail et Empire.

    Traduction et note d’introduction Corinne Autey-Roussel pour Entelekheia
    Photo : Statue de Winston Churchill, Parliament Square, Londres                                                                                                                                                                                                              http://www.entelekheia.fr/2020/06/11/nous-nous-battons-au-sujet-de-statues-parce-que-nous-napprenons-pas-les-realites-de-lhistoire/ 

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  • Avec cet impeccable travail de recherche, Adam Curtis, réalisateur-chouchou de la BBC – et l’un des seuls à avoir carte blanche au sein de cette antique institution gouvernementale – révèle comment et à quel point les politiciens et les milieux d’affaires ont appris à manipuler la société de consommation de masse. Un film indispensable.

    Documentaire d’Adam Curtis pour la BBC, 2005, 3h54.
    Version sous-titrée en français.

    Le documentaire se compose de quatre parties,

     Happiness Machines (Machines à bonheur). Le premier épisode traite de l’une des personnalités de l’ombre les plus influentes du XXe siècle, le propagandiste américain Edward Bernays, surnommé « le père des relations publiques ». Bernays, un neveu de Sigmund Freud, s’inspirait de quelques-unes des théories de son oncle sur les pulsions sexuelles inconscientes et les mêlait à une discipline plus ancienne, la psychologie des foules, pour manipuler les masses. Issu de la Commission Creel, une gigantesque machine américaine de propagande montée pour emporter l’adhésion des Américains à la Première Guerre mondiale, Bernays a ensuite enchaîné sur une série d’opérations politiques et publicitaires qui ont marqué toute la zone d’influence des USA, Europe de l’Ouest comprise.

     – The Engineering of Consent (La Fabrication du consentement). La deuxième partie retrace les efforts d’Edward Bernays et de la fille de Freud, Anna, pour délivrer l’humain de sa part d’ombre (dans le cas de Bernays, tout en le transformant en consommateur docile), et créer une société capitaliste libre et harmonieuse. Le résultat, toutefois, n’a pas été à la hauteur des espérances.

    – There is a Policeman Inside All of Our Heads, He Must Be Destroyed. (Il y a un policier dans chacune de nos têtes, il doit être détruit). Le troisième segment passe à la nouvelle psychiatrie des années 60, avec son remaniement des théories de l’humain et son développement de méthodes de persuasion inédites. Là où Freud avait insisté sur l’importance d’un surmoi solide et sain (c-à-d, de limites comportementales fondées sur des notions communes et universelles de bien et de mal), les thérapeutes et patients de la nouvelle génération « psy » comptaient en faire tomber les interdits et libérer les désirs refoulés et les pulsions du moi profond. Dans leur sillage, les entreprises et leurs publicitaires avaient axé leur communication sur l’individu « libéré » – une personne débarrassée de ses déterminismes culturels, en prise directe avec son seul ego et n’obéissant qu’à ses instincts primaux. Même si elle a grandement stimulé la consommation de produits inutiles en inscrivant l’acte d’achat par plaisir et/ou pulsionnel dans les moeurs, en termes de bonheur collectif, loin d’apporter les résultats escomptés, cette nouvelle approche s’est révélée une parfaite fabrique à névroses.

     – Eight People Sipping Wine In Kettering. (Huit personnes sirotant du vin à Kettering). Le dernier épisode nous emmène dans le monde de la politique. Au début des années 90, le Parti démocrate américain s’adjoignait les services d’un autre propagandiste parent de Freud, son petit-fils Matthew, pour modeler la campagne d’élection de son candidat à la Maison-Blanche sur les aspirations inconscientes de la population. Peu après, grâce à cette tactique essentiellement publicitaire, Bill Clinton accédait à la présidence.

    A chacun de décider si ces manipulations de masse sont acceptables, voire simplement inévitables dans un monde où l’information peut être biaisée à volonté, et jusqu’à quel point il faut s’y résigner.

    (Une fois votre vidéo lancée, cliquez sur le rectangle en bas et à droite de l’écran pour accéder au mode plein écran).

     

    Premier épisode, Happiness Machines (Machines à bonheur)                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                          Deuxième épisode, The Engineering of Consent (La Fabrication du consentement)                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                              Troisième épisode. There is a Policeman Inside All of Our Heads, He Must Be Destroyed. (Il y a un policier dans chacune de nos têtes, il doit être détruit)                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                     Quatrième et dernière partie. Eight People Sipping Wine In Kettering. (Huit personnes sirotant du vin à Kettering)                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                            Étiquettes :                                                                                                                                                   http://www.entelekheia.fr/2016/11/21/century-self-le-siecle-du-moi/                                                                                     
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  • Vingt soldats indiens, plus de 43 soldats chinois ont été tués ou blessés dans une échauffourée à la frontière de l’Inde et de la Chine, dans la région du Ladakh. Les deux pays sont férocement nationalistes et aucun des deux ne cédera de bon gré le moindre pouce de territoire. La seule solution est la négociation. Modi l’entendra-t-il  ou continuera-t-il d’écouter le chant des sirènes des USA – qui, bien sûr, attisent les tensions entre les deux géants asiatiques ?


    Par Bhim Bhurtel
    Paru sur Asia Times sous le titre India paying price for Modi’s myopic China strategy


    En ignorant les leçons de la guerre sino-indienne de 1962, Modi a mis son pays sur la voie du désastre

    « Ceux qui ne se souviennent pas de l’histoire sont condamnés à la répéter ». Cette célèbre citation du philosophe espagnol George Santayana résonne dans la nouvelle politique du Premier ministre indien Narendra Modi envers la Chine. Modi semble réticent à se souvenir d’une bavure commise par son pays lors de la guerre sino-indienne de 1962.

    Modi est condamné à répéter les erreurs commises par le premier ministre de l’époque, Jawaharlal Nehru, sur sa stratégie à l’égard de la Chine, car il s’était trop appuyé sur les conseils de son conseiller stratégique pro-russe, V K Krishna Menon. Modi s’appuie sur Subrahmanyam Jaishankar, son ministre des affaires étrangères, qui croit ardemment qu’une alliance avec les États-Unis peut répondre au mieux aux intérêts stratégiques de l’Inde.

    Modi s’est écarté de nombre de traditions et de normes en matière de politique étrangère et de stratégie de l’Inde, lors des élections générales de 2019. Pour obtenir son siège de premier ministre pour un second mandat, il a utilisé les affaires étrangères comme aimant à électeurs. Il a utilisé le nationalisme territorial comme programme électoral en manipulant l’attaque terroriste de Pulwama et la frappe chirurgicale subséquente sur Balakot, au Pakistan. Modi s’est engagé à reprendre le Cachemire administré par le Pakistan pendant les élections.

    Malgré des échecs sur tous les fronts dans les affaires intérieures du pays, Modi a réussi à affimer sa popularité avec sa politique étrangère. Il a réussi à dissimuler ses échecs en matière de politique intérieure aux électeurs en les impressionnant par son engagement auprès des dirigeants de superpuissances tels que le président américain Donald Trump, le président chinois Xi Jinping, le dirigeant russe Vladimir Poutine, et d’autres.

    Selon la théorie économique, quels que soient les biens et services offerts sur le marché, ils doivent être payés par les consommateurs, ce qui signifie que personne n’obtient quoi que ce soit pour rien. La théorie est représentée par un célèbre dicton : « les repas gratuits n’existent pas ». Cette maxime s’applique également aux relations internationales et à la stratégie.

    Chaque accolade et poignée de main avec le chef d’une superpuissance est associée à un prix spécifique. Ces prix sont parfois exprimés en termes monétaires. Modi a payé 43 milliards de dollars US pour le système de défense antimissile S-400 pour une accolade et une poignée de mains avec Poutine. Avec le président français Emmanuel Macron, c’était 30 milliards de dollars pour l’accord Rafale. Pour Poutine et Macron, c’étaient des coûts monétaires explicites, et non des coûts stratégiques. Cependant, Modi a dû payer un prix stratégique élevé dans les cas de Trump et Xi.

    Par exemple, Modi a organisé l’événement « Howdy, Modi ! » en fanfare à Houston, au Texas, le 22 septembre 2019, et environ 50 000 personnes d’origine indienne venues de tous les États-Unis y ont participé. La participation de Trump était au centre de l’attraction de l’événement, et il a passé une heure avec Modi.

    De même, Trump a participé à un événement auquel ont assisté 125 000 personnes dans le plus grand stade de cricket du monde, dans l’État indien du Gujarat, le 22 février dernier. Modi a fait preuve de chaleur et d’empressement avec Trump, et le président américain a prononcé un discours dans lequel il a présenté le Premier ministre indien comme « un leader exceptionnel… et un homme que je suis fier d’appeler mon véritable ami ».

    Mais la participation de Trump à ces événements et son admiration déclarée pour Modi n’étaient pas gratuites. Modi doit payer en jouant le rôle d’allié de confiance et d’ami stratégique des États-Unis.

    Trump, un allié digne de confiance ?

    La dernière stratégie de sécurité nationale des États-Unis a déclaré qu’elle s’en tenait toujours à la politique « Une seule Chine » et a affirmé catégoriquement que les États-Unis ne cherchent pas de changement de régime en Chine. Cependant, Modi a envoyé deux membres du Parlement indien à la cérémonie d’assermentation virtuelle du président taïwanais.

    Ni le président américain lui-même, ni aucun des amis et alliés de l’Inde, y compris les pays de la Quadrilatérale (alliance entre l’Inde, l’Australie, les USA et le Japon), n’ont fait de déclaration en faveur de l’Inde sur l’impasse militaire sino-indienne au Ladakh. Le Ladakh n’a même pas été mentionné dans la déclaration commune publiée après le sommet virtuel très médiatisé entre Modi et son homologue australien Scott Morrison, le 4 juin dernier.

    Si une guerre de grande envergure avec la Chine éclate, l’Inde constatera que personne ne la soutient. Les États-Unis étaient déjà en crise avant la pandémie. Leur dette publique représente environ 125 % du produit intérieur brut, et un rapport de Wall Street explique qu’elle pourrait atteindre 2 000 % du PIB.

    L’un des plus grands experts mondiaux sur l’Asie, Stephen Roach, avertit qu’un changement de l’équilibre des pouvoirs mondiaux combiné à un déficit budgétaire galopant des États-Unis pourrait bientôt déclencher un krach du dollar.

    Les États-Unis eux-mêmes veulent un meilleur accord commercial avec la Chine. Après l’élection présidentielle de novembre, l’accord devrait être conclu. Le calcul de Modi selon lequel l’Inde profiterait des pertes de la Chine à la suite de la pandémie et d’un réalignement de la puissance mondiale semble absurde.

    Modi s’attend, à tort, à ce que l’Inde puisse rebondir et se doter rapidement de bons biceps économiques après la pandémie. Il pense que le monde post-pandémique sera témoin d’un réalignement des chaînes d’approvisionnement mondiales.

    Modi espère que les États-Unis, l’Australie et de nombreux pays européens vont dissocier leur économie de celle de la Chine. Ils chercheront à faire de l’Inde un partenaire et un allié. Leurs usines seront délocalisées vers une nouvelle destination, l’Inde.

    Cependant, l’Inde est entrée dans la crise du Covid-19 tout récemment. Les experts indiens de la santé publique estiment qu’il pourrait y avoir au total 670 millions d’infections et 500 000 décès d’ici la fin de l’année.

    De plus, l’économie devrait décliner. Les consommateurs des exportations indiennes sont les familles à faibles et moyens revenus des économies avancées. Ce sont les plus durement touchés par la pandémie de Covid-19, et une nouvelle chute de la demande effective sera à attendre l’année prochaine.

    Avant la pandémie, le commerce extérieur de l’Inde avec l’Union européenne était favorable, et il était également positif avec les États-Unis. Et Modi vise à faire de l’UE et des États-Unis des partenaires commerciaux clés après la délocalisation des entreprises américaines de Chine vers l’Inde.

    Mais rien ne garantit que les entreprises américaines vont se tourner vers l’Inde, car moins de 5 % des entreprises ont été délocalisées en Inde après le début de la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, en mars 2018. Et même s’ils délocalisent, cela ne garantira pas la croissance économique de l’Inde, car la demande effective de produits indiens sur le marché international ne devrait pas augmenter avant quelques années.

    Des économistes comme Michael O’Leary et Carlos Rodriguez estiment qu’une reprise en V des économies avancées est peu probable. La lenteur de la reprise après l’effondrement économique de 2008 suggère une forte probabilité d’une reprise post-pandémique en L dans les économies développées.

    Les soupçons chinois

    Modi a annoncé le 12 mai le concept d’Atmanirbhar Bharat (une Inde autonome) ainsi qu’un plan de sauvetage économique de plus de 260 milliards de dollars pour stimuler une reprise post-pandémique.

    Pékin a perçu que l’intention de Modi était de durcir sa politique sur les investissements étrangers directs en provenance de Chine. L’accueil réservé par l’Inde aux entreprises américaines qui veulent se délocaliser hors de Chine cible sélectivement les investissements chinois.

    La Chine veut découpler l’Inde des États-Unis. Elle est très préoccupée par la démarche de l’Inde en raison de la frontière commune de 3 400 kilomètres entre les deux pays. Les stratèges chinois pensent que l’Inde agit comme un substitut des États-Unis pour contenir la Chine dans l’Himalaya et l’océan Indien.

    Le porte-parole du ministère chinois des affaires étrangères, Zhao Lijian, sans faire référence à un accord particulier, a répété ses propos du mois dernier : « Nous exhortons la partie indienne à travailler avec nous, à respecter l’important consensus de nos dirigeants, à se conformer aux accords signés et à s’abstenir de toute action unilatérale qui compliquerait la situation ». Il faisait allusion à l’accord et au consensus passés entre Modi et Xi lors de leurs deux sommets informels de Wuhan et Mamallapuram.

    Pékin perçoit également que Modi s’est tourné vers les États-Unis, malgré un accord de coopération avec la Chine pour bâtir « le siècle asiatique ». Modi est réticent à voir « l’importance de respecter les sensibilités, les préoccupations et les aspirations de chacun », comme le souligne la déclaration commune publiée après le premier sommet.

    Modi et Xi ont convenu de rechercher un règlement équitable, raisonnable et mutuellement acceptable sur la question de la frontière entre l’Inde et la Chine. Cependant, après avoir révoqué l’article 370 de la constitution indienne, l’Inde a publié une nouvelle carte incluant le Cachemire administré par le Pakistan.

    Dans un discours enthousiaste à la Lok Sabha, la chambre basse du Parlement, l’homme de main de Modi, le ministre de l’intérieur Amit Shah a déclaré qu’il reprendrait Aksai Chin, le Ladakh administré par la Chine. Puis Jaishankar s’est envolé pour Pékin et a rassuré la Chine sur le fait que l’Inde n’avait pas l’intention d’étendre son territoire.

    La Chine a d’abord compris l’incident comme une question de politique intérieure en Inde. Cependant, après une succession d’événements ultérieurs – changements de politique sur la question de Taïwan, resserrement des investissements chinois en Inde, restructuration de l’Organisation mondiale de la santé, enquête sur le Covid-19, Quad et accord de défense avec l’Australie – les soupçons de Pékin se sont intensifiés.

    Les stratèges chinois pensent que Modi a changé d’avis sur son accord concernant « la construction d’un ordre économique mondial ouvert, multipolaire, pluraliste et participatif », qu’il a abandonné le partenariat avec Pékin et qu’il veut abaisser l’influence de ce dernier dans son arrière-cour et sur la rive indo-pacifique, le tout à la demande des États-Unis.

    La Chine veut envoyer un message clair à Modi pour qu’il respecte le consensus et les accords conclus avec Pékin lors des deux sommets informels ou qu’il se prépare à des conséquences pires qu’en 1962, lors de la confrontation militaire au Ladakh.

    Si Modi ne parvient pas à remettre sur les rails le consensus et l’accord obtenus lors des deux sommets, la Chine sanctionnera l’Inde encore plus durement qu’en 1962. Alors le destin de Modi sera probablement celui qu’a décrit l’historien russe du XIXe siècle Vassily Klyuchevsky : « L’histoire ne nous enseigne rien, mais elle nous punit quand nous n’avons pas appris ses leçons ».

    Bhim Bhurtel est professeur de relations internationales et diplomatie à l’université Tribhuvan de Katmandou, et d’économie du développement à l’université ouverte du Népal. Il a été le directeur exécutif du Nepal South Asia Center (2009-14), un think tank sur le développement de l’Asie du Sud basé à Katmandou.

    Traduction et note d’introduction Entelekheia
    Photo : Ladakh, Tashi Kongmaa / Pixabay                                                                                                                                                                                                                                                     http://www.entelekheia.fr/2020/06/17/linde-paie-le-prix-de-la-myopie-de-modi-en-matiere-de-relations-avec-la-chine/

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  • L’article qui suit n’a pas été traduit en tant que plaidoyer pour les USA, mais parce que son effondrement prédit par Emmanuel Todd en 2004, et qui semble aujourd’hui assuré, pourrait entraîner un effet domino désastreux pour nous. De fait, l’histoire n’a jamais connu de chute d’un empire aussi vaste et tentaculaire, avec des structures de pouvoir et financières aussi profondément imbriquées dans celles de ses vassaux et même de ses rivaux géopolitiques. Personne ne peut prédire quand – dans six mois, un an, dix ans – l’empire américain sortira de scène mais une chose est sûre, la question de « l’après » et de la reconfiguration mondiale qui s’ensuivra devrait déjà être à l’étude chez nos économistes, experts en diplomatie et politologues. Mieux vaut prévenir…


    Par Artyom Lukin
    Paru sur RT sous le titre America’s disintegration no longer sounds like a crazy prediction, but no one will like the consequences


    Ayant vécu l’effondrement de l’Union soviétique, je trouve que certaines images et certains récits provenant des États-Unis me sont étrangement familiers ces jours-ci. Mais est-ce que quelqu’un devrait se réjouir de la désintégration des États-Unis ?

    Des émeutes, des démolitions de statues, des hauts fonctionnaires défiant ouvertement le chef de l’exécutif de la nation… À la fin des années 1980, l’URSS était une superpuissance en déclin avec un leadership inepte, déchirée par des contradictions internes croissantes et perdant abjectement la course avec une autre superpuissance beaucoup plus prospère. Il n’est pas étonnant que beaucoup de gens en Russie se demandent aujourd’hui si les États-Unis pourraient connaître le même sort que l’URSS.

    Ce n’est plus un fantasme de cinglé

    Pour mettre les choses au clair, je ne crois pas que la désintégration des États-Unis soit imminente ou probable. Au contraire, l’Amérique pourrait sortir de la crise actuelle sous la forme d’une nation réinventée et rajeunie. Néanmoins, le scénario de l’implosion des États-Unis a maintenant définitivement quitté le domaine de la lointaine hypothèse. En 2008, je m’étais moqué d’un politologue russe, ancien analyste du KGB, qui prophétisait une désintégration des États-Unis en six morceaux à la suite d’une guerre civile déclenchée par une immigration massive, un déclin économique et une dégradation morale. En 2016, lorsque Donald Trump a emménagé à la Maison Blanche, j’ai commencé à avoir des doutes. En 2020, l’idée d’un effondrement des États-Unis ne me semble plus inconcevable. Aujourd’hui, ce ne sont pas les spécialistes russes, mais plutôt les américains qui prédisent une montée du sécessionnisme aux États-Unis, car « la pandémie et les protestations ont mis en évidence les divisions régionales des États-Unis ». Certains vont même jusqu’à affirmer que le soutien au mouvement de sécession des États devrait aboutir à des « entités plus heureuses et moins corrompues », confédérées dans une version nord-américaine de l’UE.

    L’idée que les États-Unis puissent se désintégrer n’est pas uniquement l’apanage d’agents cinglés de l’ancien KGB ou d’universitaires américains dissidents. En 2010, le célèbre professeur de Harvard Niall Fergusson avait publié une tribune dans Foreign Affairs, dans lequel il affirmait que les États-Unis pourraient connaître une fin abrupte en tant que régime unitaire. Selon Fergusson, « qu’il s’agisse d’une dictature ou d’une démocratie, toute unité politique de grande échelle est un système complexe » qui a « tendance à passer soudainement de la stabilité à l’instabilité ». Ceux qui ont vécu les derniers jours de l’Union soviétique peuvent en attester. En 1985, l’Union soviétique était une superpuissance monolithique, mais stagnante. Dans la seconde moitié des années 80, les réformes initiées par Mikhaïl Gorbatchev ont rapidement transformé l’Union soviétique, mais la plupart des Soviétiques – ainsi que les observateurs extérieurs – n’imaginaient pas un instant ce qui allait suivre. En 1991, l’URSS n’existait plus.

    Si les États-Unis tombent, ce sera différent de tout ce que nous avons connu

    Bien sûr, les États-Unis ne sont pas la même chose que l’Union soviétique. Si l’Amérique est condamnée à s’effondrer, elle le fera à sa manière plutôt que de rejouer le scénario soviétique. En 2010, Fergusson a considéré que les déséquilibres financiers et budgétaires constituaient le principal risque pour la survie des États-Unis. En 2020, ces déséquilibres se sont encore aggravés, mettant en péril le statut du dollar américain en tant que première monnaie de réserve mondiale. Toutefois, le déclin de la viabilité financière des États-Unis est aujourd’hui éclipsé par des problèmes encore plus graves, tels que la polarisation politique intérieure et la concurrence croissante de la Chine.

    Appuyons sur le bouton avance rapide jusqu’en 2025. Après une nouvelle élection présidentielle profondément conflictuelle, les États-Unis sont en proie à des troubles massifs exacerbés par une épidémie de Covid-24, une nouvelle souche du coronavirus. La Chine, dont les relations avec les États-Unis sont désormais ouvertement glaciales, décide que c’est le bon moment pour frapper – Pékin met fin à l’utilisation du dollar américain en se débarrassant des actifs libellés en dollars et en arrêtant l’utilisation de la monnaie américaine, ce qui déclenche l’effondrement du système financier américain. (Comme le notait déjà un expert chinois en 2019, « bien qu’il semble inattaquable, le dollar peut être beaucoup plus vulnérable que beaucoup ne le soupçonnent… sa fin peut arriver plus tôt que prévu »). Quelques mois après, le Congrès proclame la dissolution des États-Unis pour les remplacer par un Commonwealth flexible d’États américains… Il s’agit, bien sûr, d’un scénario purement imaginaire. Mais il faut bien admettre que ses éléments constitutifs, à l’exception peut-être du dernier, ne sont plus pour l’instant tout à fait délirants.

    La Russie ne devrait pas applaudir la chute des USA

    Bon nombre de Russes (et pas seulement de Russes) regardent avec joie le chaos qui se déroule en Amérique, certains d’entre eux attendant avec impatience l’effondrement de l’empire américain. Pour ma part, je ne suis pas sûr que la désintégration des États-Unis, si elle se produit un jour, sera bonne pour la Russie.

    D’une part, les États-Unis sont un mal connu. Nous n’avons aucune idée de qui ou de quoi le remplacera. Il pourrait bien s’avérer qu’un monde sans les États-Unis deviendrait un endroit plus malsain à long terme. Une fois encore, le cas soviétique est instructif à cet égard. Comme nous le savons maintenant, la disparition de l’URSS a conduit à un « moment unipolaire » triomphant, mais n’a finalement rien apporté aux États-Unis. L’Amérique est maintenant confrontée à un rival géopolitique sans doute encore plus redoutable que l’ancienne URSS. Je me demande s’il y a des gens à Washington qui pourraient secrètement souhaiter, avec le recul, que l’Union soviétique ait survécu. La survie d’une Union soviétique non agressive et orientée vers le maintien d’un statu quo aurait pu être un élément crucial dans un équilibre mondial des pouvoirs bénéfique aux États-Unis.

    D’autre part, l’effondrement de la superpuissance prééminente, qui a longtemps agi comme le centre du système politico-économique mondial, pourrait avoir des effets hautement déstabilisateurs dans le monde entier. Il pourrait même s’avérer contagieux, déclenchant des processus de fragmentation dans d’autres super-États. La Russie, qui est elle-même un empire multiracial et multiconfessionnel, n’est pas à l’abri. C’est une entité plutôt fragile qui, au cours des cent dernières années, a connu au moins deux fois une désintégration causée par des troubles intérieurs.

    Pour la Russie, le meilleur résultat serait que les États-Unis préservent leur unité, bien qu’avec plus d’humilité et moins d’arrogance. Malheureusement, une telle fin semble être la moins probable de toutes les possibilités.

    Artyom Lukin est professeur associé de relations internationales à l’Université fédérale d’Extrême-Orient à Vladivostok, en Russie.

    Traduction et note d’introduction Entelekheia
    Illustration Pete Linforth / Pixabay                                                                                                                                                                                                                                                               http://www.entelekheia.fr/2020/06/16/la-desintegration-des-usa-nest-plus-de-la-science-fiction-mais-attention-aux-consequences/ 

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  • Louis-Ferdinand Céline. Sept ouvrages, parus en France ou à l’étranger, viennent de lui être consacrés. Emissions de radio ou de télévision, sujets de thèses universitaires, dossiers, articles et livres se multiplient. Céline, suivant une formule de plus en plus reprise, serait-il « avec Proust, notre grand romancier du XXe siècle » ? Certaines polémiques, jadis et naguère, tendaient à obscurcir le débat. Mais, comme l’écrivait Jean-Louis Bory il y a déjà dix ans : « Le temps va jouer en faveur de Céline – avec le temps, les exigences morales perdent de leur susceptibilité… » 
    Le « retour en force » de Céline ne fait que commencer.
     
     
    Ahurissant hommage (voy. la désinvolture de l’orateur) ! Céline, à la fois cocasse et prophétique, développe l’idée que Zola avait en l’homme une foi qui a fait son temps. « La société marxiste aussi bien que nos sociétés bourgeoises et fascistes » aspirent toutes à la grande tuerie. Hitler, qu’il qualifie de « sous-gorille », « n’est pas le dernier mot, nous verrons plus épileptique. »
     
    ***
     
     
     
    On continue d’épurer Céline. Avec le consentement tacite de toutes nos belles consciences. Existe-t-il un seul grand écrivain français dont trois œuvres magistrales soient encore censurées ? Par l’effet d’une censure qui n’ose dire son nom, Bagatelles pour un massacreL’Ecole des cadavres et Les Beaux draps sont introuvables sinon au marché noir. Seuls les riches ont le droit d’acheter les œuvres complètes du plus grand de nos écrivains modernes (avec Proust). Même la Bibliothèque Nationale est démunie de certains de ses ouvrages. Des universitaires bon teint et qui passent pour des « spécialistes de Céline » prennent des airs entendus pour déplorer l’existence de ces trois pamphlets qui, à les entendre, seraient « ce qu’il y a de moins bon chez Céline ». Ce sont d’ailleurs les mêmes qui tiennent le Voyage au bout de la nuit pour le chef-d’œuvre de Louis-Ferdinand. Or, le Voyage est surtout une bonne œuvre d’initiation à la lecture du reste. Céline, relativement timide et appliqué, n’y a pas encore trouvé sa formule, ni « le rendu émotif », ni la « petite musique », ni le « rail biseauté spécial ». Dans Mort à crédit, le moment des découvertes approche. C’est, en fin de compte, dans ses trois grands pamphlets, c’est-à-dire au moment où il laisse libre cours à ses humeurs et à ses fureurs, sur lesquelles chacun est libre de faire ses réserves, qu’il découvre et met au point pour toujours ce qu’il faut bien appeler sa manière ou son style. C’est dans les pamphlets qu’il atteint ce sommet dont on ne le verra jamais descendre, sauf, peut-être, dans les Entretiens avec le Professeur Y, œuvre un peu pâle, très prisée des universitaires.
     
     
    Châtré ?
     
     
     
    Il faudrait que cesse la persécution. Il faut mettre un terme à l’entente cordiale des margoulins qui revendent les pamphlets à prix d’or, et des professeurs de vertu et des ligues d’anciens combattants. L’édition Balland des Œuvres (châtrées) de Céline, illustrées des sinistres gravures de Claude Bogratchew, est une pitié. On regrette que Marcel Aymé lui ait accordé sa caution. La présentation de Jean A. Ducourneau qui tente d’expliquer l’absence de trois pamphlets sur quatre constitue un joyau de papelardise : « Tout en reconnaissant l’inégalable verve du polémiste, nous nous déclarons en opposition avec certaines des idées qu’il exprime. Mais que l’on ne se méprenne pas sur notre réserve. Elle se situe hors de toute politique et de toute passion. » ! Il est vrai que la haine de Céline pour les Juifs est totale, vivace, allègre, mais je connais des Juifs qui s’y font très bien et qui, le lisant, remplacent « Juif » par « Nazi » et « Juivre ou Mourir » par « Nazir ou Mourir ». Bagatelles pour un massacre ne préconise pas le massacre des Juifs (contresens qui a aujourd’hui force de loi), mais prévient du grand massacre général qui s’annonce à l’horizon ; la tuerie de 39-45. Céline, en 1936-37, croit que les Juifs, qu’il ne distingue guère des Riches et des Marchands de Canons, veulent la croisade de tous contre Hitler. Or, la guerre, ce sont les petits d’abord qui la font. Lui-même en a eu sa part en 14. Alors c’est d’un même souffle qu’il crie : « A bas les Juifs ! A bas les Riches ! A bas la Guerre ! ». Bagatelles pour un massacre veut dire : « Petites joyeusetés qui nous préparent le grand Casse-Pipe. » De fait, tout le monde a eu droit à ce casse-pipe-là, à commencer par les Juifs précisément et les Nazis. Trêve de censure, d’où qu’elle vienne ! Il nous faut Céline, tout Céline. Et en collections à bon marché.
     
     
    Affadi ?
     
    Quatre universitaires s’emploient aujourd’hui à nous présenter Céline : une Américaine [1], deux Français [2] et un Canadien [3]. Le résultat est médiocre. Et très significatif de la gravité professorale. Aussi vaut-il la peine d’en parler, ne serait-ce que pour dissiper certains malentendus sur le sens de l’œuvre de Céline.
     
     
    Le livre d’Erika Ostrovsky est une biographie romancée, avec tous les défauts du genre, à commencer ici par la confusion entre la vie propre de Louis-Ferdinand, la vie de certains de ses héros et, enfin, les interventions de la narratrice qui, désespérant sans doute de mettre un peu de clarté dans son travail, semble avoir transcrit le contenu de ses très riches dossiers dans l’ordre où ils s’empilaient sur sa table. Le tableau chronologique des trois dernières pages est très succinct ; on n’y trouve, par exemple, nulle mention de l’équipée de Céline vers La Rochelle, en 1940. On regrette que les nombreux entretiens avec une trentaine de céliniens n’aient pas été plus souvent rapportés sous une forme plus proche de l’originale. Le livre se compose d’éléments très divers que l’auteur a, pour ainsi dire, uniformément aseptisés. Même les extraits de Céline en sont quelquefois affadis. Le ton général est celui de la sympathie mais un peu aussi celui de la commisération à la sauce salutiste. Les Américains ont décidément du mal à comprendre la complication française (voy. Milton Hindus). Cela dit, la fin du livre – la fin de Céline – est poignante. Les jugements portés sur le Docteur Destouches par les témoins de sa vie offrent d’intéressants contradictions, fort bien répertoriées dans les pages 261 à 265.
    Le pensum de F. Vitoux, quant à lui, donne dans le jargon requis pour faire sérieux : une vraie bouillie pour les chats, encore que Bébert n’en aurait certainement pas voulu. Le texte de « prière d’insérer » est, à lui seul, un chef-d’œuvre d’inanité. 
    Nausée de Céline ne manque pas d’intérêt pour la nausée telle qu’elle peut se manifester chez J.P. Sartre ou chez J.P. Richard ou encore chez les bons élèves de Terminale (et de petit tempérament) qui découvrent – ô merveilles – que le monde est absurde et n’a de sens que si on lui en prête un. Le livre n’est dans son fond que la reprise d’un article paru autrefois dans la NRF. Marcel Aymé le qualifiait, je crois, de « savant ». J.P. Richard y analyse philosophiquement toutes les nausées qu’on voudra sauf celle de Louis-Ferdinand. Il semble n’avoir lu, et très mal, que le Voyage et n’avoir parcouru, hâtivement, que Bagatelles et Les Beaux Draps. Il met beaucoup de joliesses dans ses considérations sur « le flot historicisé de la nausée », « le registre de l’altérité », « le schème actif d’individuation », les « champs fantasmatiques », une « topologie » qui « génère une dramaturgie », sans compter des vues un tant soit peu troublantes sur « la relation maîtresse devant / derrière ». On imagine la verve de Céline devant tout ce chiqué, de « mélasserie phrasibole, tout en filaments moisis, en fourrés de bigoudis rhétoriques resucés ». J.P. Richard sent bien toutefois que, parmi vingt autres éléments qu’il néglige pour les besoins de sa thèse, le culte de Céline pour la danse et les danseuses s’accommode fort mal de cette nausée dont l’image serait, paraît-il, à inscrire au centre de son œuvre. Aussi décrète-t-il (p. 47) que « la danseuse ne forme qu’un petit îlot de grâce et de noblesse perdu dans le louche ruissellement de l’être ». On ne saurait se tromper plus complètement, comme je m’efforce de le montrer plus loin. S’il y a une éruption chez Céline, elle est volcanique, geysérienne, bengalienne. Pas glaireuse en tout cas.
     
    La Nuit de L.F. Céline est un livre plus nouveau que ne le laisseraient supposer le titre ainsi que les titres des chapitres qui, tous, donnent dans le pathos et le vague. A. Smith a lu d’assez près SemmelweisL’Eglise, le Voyage et Mort à crédit. Mais pourquoi s’être contenté de si peu pour traiter d’un si vaste sujet ? Que fait-il de la suite anglaise ? Et des quatre pamphlets ? Et de la trilogie allemande ? Et du merveilleux Casse-pipe (dans la nuit !) ? Et de dix autre textes [4] Son chapitre sur « L’écriture » (comprendre : « La manière » ou : « Le style ») est rempli de vues sinon toujours exactes, du moins souvent excitantes. A elles seules, quelques remarques sur le « style analytique » de Céline ou sur la « manière dont il boucle ses propos » témoignent de finesse, encore qu’A. Smith, lui aussi, donne trop souvent dans le tragique sans égard pour la vie intense des écrits. Il a des trouvailles sur les silences des héros, sur l’arrivée des catastrophes, sur la prose d’Auguste dans Mort à crédit. Ailleurs (p. 104 et 105), les céliniens goûteront à coup sûr l’évocation des silhouettes qui traversent si vite, bien trop vite, le champ de notre lecture du Voyage. Le commentaire suscité par certaines expressions chères à Céline témoigne d’une certaine attention portée aux mots.
     
    « Gaieté, ma force »
     
     
     
    Maigre bilan tout de même. Dieu merci, il suffira de retourner – je cite au hasard – à Arletty ou à Michel Simon, Marcel Aymé ou J.L. Bory, K. Epting ou Marc Hanrez, H. Mahé ou A. Paraz, R. Poulet ou L. Rebatet, D. de Roux ou Léo Spitzer pour entendre parler de Céline avec cette diversité, cette couleur, cette absence de vues prétendument profondes qui permettent d’approcher, un peu, le secret de son art.
    Il suffira surtout de se replonger dans la lecture de ses œuvres. Le grand rigodon, le bacchanal célinien aura vite fait de dissiper les pauvretés cérébrales de nos aptères. Tout redeviendra alors musique et danse, ivresse et poésie, réalisme transfiguré, beauté ravissante… et RIRE. Car : « GAIETÉ, MA FORCE… »
    On retrouvera, à tout le moins, Roger-Marin Courtial des Pereires, provoquant le Génie des Larves ; Sosthène de Rodiencourt à la recherche de la Tora-Tohé, fleur magique de l’Himalaya ; Titus van Claben étouffé de pièces d’or ; Cascade et sa Joconde aux castagnettes ; le Sergent Le Meheu qui a perdu le mot de passe ; Sédib Crémoïlle, le roi des boîtes de nuit ; Claire Armelle de Zeusse ; Dieu même, qui est « en réparation » ; Pline l’Ancien flairant le Vésuve ; la « messe au sang » célébrée, sur l’autoroute de l’Ouest, par les gibbons motorisés ; Loukoum et sa « diction cloaque » ; Jean-Baptiste Sartre, le « puceau de l’horreur » ou « l’agité du bocal » ; Roger Vailland, « mon assassin mou » ; Mimi dansant « nue !… plus que nue… chauve orange ! » ; la môme Mésange et ses « nénés tout piqueurs » ; la divine Virginia ; la belle des belles : Nora Merrywin ; l’Hilda von Raumnitz (« elle faisait, jugé sec, ‘16 sur 20’… je parle de tout en vétérinaire »). On retrouvera également la débâcle de 40 avec ses « Bruges-Bayonne, l’échalotte ! maillots-caca ! » ou bien les hauts dirigeants du Kremlin : « l’air assez lucifers, mais pas si sûrs d’eux ! ils chichitent, tortillent du tank, dialectalotent ». Et puis le vrai tragique, à la Grecque, rien à voir avec les nauséeux, le grand poème de l’Allemagne chancelante : Nord avec sa couleur « symphonique, profonde, terrible », « toute la Bochie ». Ne pas oublier, au passage, Marivaux, La Fontaine, Charles d’Orléans, Rabelais (qui, lui, « a raté son coup », tandis qu’Amyot a réussi le sien) et cent autres auteurs, y compris ceux de « la très minusculisante analyse à la Prout-Proust montée nuance en demi-dard de quart de mouche ». Une culture si vaste et si profonde, si merveilleusement assimilée, qu’elle en devient pour le lecteur un plaisir de gourmet. Tout cela « polke, pivote, toupille » dans la langue la plus riche, pulpeuse, éclatante qui soit, dans cette langue française, la seule bénie de dieux (« Politii-gaard, leur Parquet ! vous grattez pas ! politii : police…! gaard : Cour…! tout vient du français ! »).
     
     
    « Agonique, mais marrant »
     
     
     
     
    Qu’on relise le Voyage, pour commencer, encore un peu zolien et traditionnel, c’est sûr, et avec un peu trop d’« idéâs », mais constamment empreint de « cette gouaillerie française qui semble la moelle de notre race » (Maupassant, Notre cœur). Le Voyage : un livre dont pas une phrase ne doit être lue sur un ton grave ou pathétique mais bien à la manière d’Arletty, de Michel Simon et de Brasseur : pudeur, gouaille, courage, drôlerie dans l’adversité ou la méchanceté. Car le récit est frémissant de vie. Ah ! cette noblesse de cuisse des Américaines (« C’est peut-être la Grèce qui recommence ? J’arrive au bon moment ! ») ou ce discours de Princhard sur Poléon allant retrouver dare-dare sa Polonaise après le désastre de la Bérésina (« Partout ! Partout ! Bistouquette ! Napoléon ou pas ! Cocu ou pas ! Plaisir d’abord ! Que crèvent les quatre cent mille hallucinés embérésinés jusqu’au plumet ! Qu’il se disait le grand vaincu, pourvu que Poléon tire encore un coup ! Quel salaud ! Et allez donc ! C’est bien la vie ! C’est ainsi que tout finit ! Pas sérieux ». Rien de pathétique (mais sans glaires !), de profond (mais sans chiqué !), rien de drôle et d’humain comme l’épisode du professeur Baryton, psychiatre devenu fou par l’anglais (« aucune facilité spoken », celui-là). Et toutes ces créatures touchantes ou sublimes ! Louis-Ferdinand n’est pas sinistre ou déprimant. Il est « agonique » (nuance !). « Je suis agonique mais marrant ». Il nous offre, à tout instant, le spectacle de la comédie humaine portée au suprême degré. Avec Courtial, alias Léon-Charles Punais, il a campé un personnage mirobolant, qui est comme notre Don Quichotte, à nous autres Français.
    Je ne connais pas de plus grand styliste que Céline, dont le registre s’étend à toutes les langues françaises : l’argotique, la populaire, la familière, l’académique, la guindée, la fine et la forte. Marier la langue du crocheteur aux imparfaits du subjonctif de la Tante Armide ! Tous les pasticheurs y ont perdu leur encre. Ne l’imite pas qui veut. Il y faut « l’exquisité d’écoute ». De l’ajouré Valenciennes ! De l’alouette qui monte dans le ciel ! Le dénommé Salvador s’est-il avisé de l’agonir dans le style célinien ? « Mais d’abord, qu’il me lise Salvador ! le prudent crayon à la main ! Qu’il m’épelle, qu’il tente de m’ânonner ! Avant de se lancer tout seul ! Qu’il me décalque gentiment ! Attendrissant de patience ! Qu’il me lèche sur tous les pourtours, qu’il m’onguente les rudiments de la violence, dévotieux ! Délicatesses de prémisses ! Fragilités impératives ! Salvador, vous me bouzillez ! »
     
     
    Pas « existenglaireux », en tout cas
     
    Les écolâtres [5]à la façon de J.P. Richard, s’imaginent que la lecture de Céline « introduit » à celle de Sartre. Or, Sartre, en comparaison, rampe dans les idées, dans le « fonds commun ». Céline lui prend son vol et le prend magnifiquement. Il estime que rien n’est plus vulgaire que les idées… Les encyclopédies en sont pleines. Il ne patauge pas dans sa nausée. Relisez Normance (p. 169 et 170) : « je l’avais eu aussi le mal de mer… remarquez, je vous note pas spécialement le détail disgracieux, moi, jamais !... j’ai des petits envieux pour ça, qui s’appliquent et qui en remettent !... et remettent… les ‘existenglaireux’ qu’ils s’appellent… ils me foutent tout en glaires !... moi c’est pas mon cas ! pas du tout !... moi c’est la déesse splendide musclée, mon enthousiasme !... et en musique !... et opérette ! »

    Un haricot dans son bocal. Il pourrit et germe. La seule force du haricot fait éclater le bocal. Céline enfant est médusé par l’expérience. La pourriture et la mort l’intéresseront toujours. On a bien raison de le dire. On a bien raison de parler de sa « nuit », de sa « misère » et de sa « nausée ». Mais on a tort de s’en tenir à cette banalité et à ces pauvretés. Car Céline ne porte d’attention à la mort, toujours présente, que pour autant qu’elle est à la source d’une vie grouillante, germinative, éclatante. Il le fait exploser, lui, le bocal. Voici la vie, son éclat, sa force… le rire de la vie en quelque sorte. Sa nuit, Louis-Ferdinand l’illumine, comme Jules-le-bancalot, le maître des éclairs. On peut même dire qu’il s’est épuisé à la tâche. Quand « la barque à Caron » est venue le cueillir, Céline n’en pouvait plus de convertir la mort en vie (et quelle vie !), la nuit en lumière, et le grand bruit bête des « idéâs » en sa « petite musique » à lui.
    28 mai 1973
     
    Notes 
     
    [1] Céline, Le voyeur voyant, par Erika Ostrovsky, Buchet-Chastel, 319 p.
    [2] Louis-Ferdinand Céline, Misère et parole, par Frédéric Vitoux, Gallimard, 248 p.
    Nausée de Céline, par Jean-Pierre Richard, éd. Fata Morgana, 15, rue Daru, 34000 MONTPELLIER, 102 p.
    [3] La nuit de Louis-Ferdinand Céline, par André Smith, Grasset, 223 p.
    [4] Il est troublant de constater chez les professeurs qui se permettent d’écrire sur Céline une méconnaissance quasi totale des trois quarts de son œuvre. Ils s’en tiennent surtout au Voyage (1932) et à Mort à crédit (1936). Les romans publiés par Céline dans les vingt-cinq années suivantes les déconcertent massivement par l’audace de la langue, du style et de la conception. Féerie pour une autre fois (I) et Normance – vrais festivals céliniens – sont, dans la plupart des cas, sereinement ignorés. Beaucoup de bons esprits, il est vrai, n’aiment la nouveauté que lorsqu’elle est cérébrale, c’est-à-dire, somme toute, parfaitement inoffensive.
    [5] Nos modernes pédagos n’ont guère changé depuis ce jour de février 1905 où Louis-Ferdinand, âgée de 11 ans, quittait l’école publique de la rue Louvois pour entrer en pension. Avec l’aide de M.J. Leroux [directeur aujourd'hui de l'école en question] je viens de retrouver son dossier scolaire. Voici les observations de son directeur d’école : « Enfant intelligent, mais d’une paresse excessive entretenue par la faiblesse de ses parents. Etait capable de très bien faire sous une direction ferme. – Bonne instruction, éducation très relâchée. – En pension. »
         Ce jugement tranche par sa sévérité sur la centaine de dossiers que j’ai pu consulter dans le même registre.                                                                                                                                                                                              Posted by N N
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  •                                    Coronavirus en Algérie : Le malade en fuite retrouvé à Mostaganem                                                                                                                                                                                                                                                                      Tout évolue à son ombre. Depuis son apparition, une parenthèse a encerclé la vie. On agit, on attend, on espère et parfois on meurt. Il a décalé tous les agendas, explosé les poitrines, rendu impuissance toute puissance.


    Les autres pays n'auraient pas fait mieux que nous devant l'intensité de la pandémie. « La situation est sous maîtrise » avait affirmé le président de la république tout au début de la pandémie. Des flottements depuis ont eu lieu et la panique s'est confortablement installée au sein de la santé publique. Des mesures ont été prises. Elles étaient salutaires mais sans nulle opiniâtreté. Sans cette fermeté qui sied à la gravité de situation. Avec un recul l'on peut oser dire que jusqu'ici la gestion de cette crise par l'Etat était de niveau appréciable. Il manquait cependant certaines dispositions devant venir combler beaucoup de distorsions. L'application rigoureuse et stricte des instructions édictées souffrait d'une nonchalance voire parfois d'un sentiment de laisser-faire.

    Une sécurité sanitaire louable

    Une valeur ajoutée vient d'être injectée dans la volonté déclarée de l'Etat de vouloir encore procéder à une reforme de la santé nationale. L'Agence de Sécurité Sanitaire est créée. Confiée au professeur Sanhadji, un éminent spécialiste de renommée internationale dit-on. Va-t-il avoir les coudées franches ? Il avait d'emblée certifié « la souveraineté totale de l'agence ». Illusion ou excès de confiance ? Attendons voir. Comprendra t-il aisément la culture comportementale du citoyen algérien ? Sait-il le profil socio-tensionnel du citoyen-patient algérien, le fonctionnement bureaucratique des caisses d'assurances sociales, le but financier aux dépends du souci professionnel des cliniques privées, les vertus et les vices de la médecine gratuite ? Un lourd et pesant travail. Encore que les frontières du pays recèlent d'innombrables compétences. Il suffit de les dénicher et leur permettre un « contexte » d'épanouissement identique à celui offert à ceux qui ont ailleurs réussi. Ce n'est pas à l'universalité de donner la capacité à quelqu'un mais l'attention et le rendu de mérite.

    Quand l'on parle de sécurité sanitaire, l'on vise une affaire qui intéresse et concerne tout le monde. Dans la santé il n'y a pas que le secteur public qui doit affronter le mal. Ce virus nous a démontré que seul ce secteur, avec sacrifice et abnégation était au four et ou moulin. Au moment où le ravage décime des corps, les établissements privés ont mis la clef sous le paillasson. A l'exception d'un infime échantillon. Donc la santé n'a pas à être au couleur d'une idéologie ou d'un régime économique. Elle est à visage humain et au service du bien-être social. Que l'on n'importe pas de modèles exogènes et que l'on rétablisse la noblesse du local et du capital-expérience.

    L'actualité Covidée

    Quand l'actualité est malmenée et mouillée de plusieurs faits qui ne font pas les divers mais chacun est un essentiel, il est difficile de d'imposer une priorité. Celle-là s'impose cependant par l'angle de lecture qui se fait selon la profession de foi de chacun. D'ailleurs rare est l'événement qui prend la Une et unanimement. Le Covid (je le cite au masculin) persiste royalement à régner sur le trône du quotidien. C'est comme un capteur, il tracte toute l'actualité. Il régente les faits, les décisions et enfante ainsi l'information. Écrire en dehors de ce « contexte » ne semble pas emballer toutes les plumes. Pourtant, il existe bien des choses sur lesquelles beaucoup d'encre peut couler.

    Les affaires de foot, le tiers présidentiel, l'externalisation des missions de l'armée, la communication présidentielle. Mais, tenace qu'il est , le Covid affecte la primauté à ses desseins macabres et ne sen détache pas. Le Hirak et tous les penchants vers sa reprise, le FLN et ses vaines tentatives de se réanimer, le sénat et le silence constitutionnel qui l'entoure, récemment « l'incident » de Tin Zewatine dans le Sud et les complots qui le minent ; tout cela ne peut être traité sans avoir à l'œil le contexte « de la crise sanitaire ». Tout reste lié à la distanciation que prennent les uns par rapport à leur semblables masqués ou non, et les autres par rapport à ce qui se triture dans les hauteurs du pouvoir. En fait c'est ce « contexte » qui a tendance à déterminer durement et pour longtemps les contours de l'avenir. Un débat politique aurait dit-on à se tenir via le net, un achat de sous-vêtements également, un enterrement et des condoléances se font à distance, le café se prend clandestinement au gobelet, la bavette est un autre document de circulation devenu enfin obligatoire.

    Une constitution à déconfiner

    Le dit » contexte » n'a empêché personne d'apporter sa lecture à la mouture du projet constitutionnel. L'on cherche malgré tout à le déconfiner. Lever l'huis-clos. Seulement l'âme n'y est pas. Encore moins le cœur, quand la malédiction hospitalière, le cri des démunis, des damnés de la terre reste tout de même inscrit sur le fronton de ceux qui ne parlent pas trop. Ceux qui prennent le silence majoritaire pour une réponse à ne pas marginaliser. Il est de droit que le débat soit libre, tant est le vœu officiellement émis par le président. En plus, ce texte à discuter en long et en large ne doit pas connaître un confinement uniquement au sein de ses initiateurs. Il est de portée générale.

    Chacun détient naturellement toute possibilité d'émettre son avis sans qu'il ne soit mis à l'index ou puisse crouler sous les pires procédures judiciaires. Si l'on se met à en discuter, il nous faudrait une table et beaucoup de temps.      

    La constitution à ce stade de l'évolution nationale n'est pas une œuvre de tailleur d'habit en sur-mesure nonobstant les furtifs essayages. C'est un livre auquel tout le monde contribue, un contrat de devoirs et de droits qui tient en l'état tout le monde. D'où la totale liberté de dire et de redire ses ressentis, ses marquages et ses appréhensions.

    Une communication fiévreuse

    Toute information peut être objective, la propagande n'est qu'officielle. Ainsi, c'est cette «officialité» qui placerait l'information dans le rang de la propagande. L'histoire de l'humanité est riche en ces exemples. Beaucoup ne croient plus à ce qui se dit dans la sphère officielle. Tout discours est sensé, aux yeux de l'ensemble être entaché de roublardise. A un certain niveau, la communication de l'Etat doit être fiable et ne souffrant d'aucune hésitation. A ce niveau là, hélas on communique mal. La république gagnerait à changer de look communicatif. Une Algérie qui se veut nouvelle s'astreint également à la nouveauté des visages, des profils et des discours. Des voix neuves, innocentes, sans sensations ni spasmes d'un passé révolu auraient à créditer d'un blanc-seing citoyen tout ce qui se dit au nom du président. L'on n'explique pas la constitution, on doit se tenir à booster son explication par les autres, à les faire intéresser et non pas leur imposer une grille de lecture. Pour ce qui de la prévention et de la lutte contre cette saloperie de virus , la communication institutionnelle la traite ordinairement et avec les mêmes modes communicatifs usuels. Un spot sur les voies de transmission, des recommandations d'hygiène et bien d'autres messageries utiles certes, mais sans nulle incidence sur le récepteur. Ne faudrait-il pas passer à une autre vitesse plus effrayante, plus convaincante, plus horripilante ? Une communication qui produit de la peur, qui crée de la crainte. Montrer l'horreur, l'agonie, la mort. En soulignant que cela peut heurter les personnes sensibles. C'est à notre légendaire curiosité après, de faire son œuvre.

    Des chiffres l'on doute, des promesses l'on doute, pourtant du tangible il y en a quelque part. L'information devient douteuse quand elle manque de précision et de détails. Ce qui ouvre les pistes à tout genre de défiance et d'ambigüité.

    Sétif, le suicide collectif

    Ce même « contexte » de crise sanitaire ne fait citer Sétif qu'en ses termes de transmission virale en hausse, de classement en haut de la courbe. Le président de la République l'avait évoqué à maintes reprises dans sa dernière intervention. Ce n'était pas uniquement par exemplarité ou illustration de cas malheureux. Il voulait attirer l'attention sur le grand danger qui rôde et menace la deuxième population en nombre du pays. La wilaya vit la contamination et ne respire que l'horizon de la mort.

    Que font ceux qui officient à sa santé publique ? Peu ou prou. En théorie, en prise de mesures, en discours, en réunions, en sorties, en admonestations, en fermetures ; oui il y a eu du genre. Mais le résultat est là. Une courbe exponentielle. Certains citoyens et nombreux se foutent de l'élan préventif, d'autres n'y adhérent pas quand ils renient l'existence même du virus. Que faire alors ?

    Alors avec l'allégement des horaires du confinement, personne ne pense que la situation va être « maitrisée ». Pourtant, il se dégage à l'apparence une volonté de vouloir bien cerner la chose et bien le faire.

    Voir un responsable distribuer des masques grand public au grand public ,dans la rue , ça c'est du palpable, sauf que, ce n'est pas de ses attributions de le faire. Lire que les hôpitaux sont chargés, les angoisses sont multiples, les tests au compte-goutte c'est aussi du visible.  Que faire donc? Engager rapidement, par une commission nationale spécialisée en la matière une étude des foyers, des enquêtes épidémiologique pour détecter les noyaux de la contamination, les isoler et assurer la suite. Sévir à grande échelle par la loi dans sa totale et rigoureuse application. Limiter la circulation automobile, source qui favorise les regroupements. Enfin, par fatalité, accentuer les prières et dire Allah ghaleb. Le ridicule est à son comble dans une mairie amputée de cœur, ligotée d'esprit quand elle prétendant agir dans le bon sens hygiénique, se suffit à lancer un concours de propriété des cités. Pas trop d'effort à signer un avis, alors que l'effort recommandé et exigé est de mettre à la disposition de ces cités les moyens, de générer le premier pas, de produire de l'exemple et laisser la solidarité citoyenne ainsi faire le reste. Quand, il n'y a pas de bacs à ordures, juste un enlèvement superficiel, faut pas s'attarder sur un prix quelconque ou espérer la vie en co-propreté ou en rose bonbon. Un sourire aimable ou une éducation familiale est insuffisant pour croire être un bon maire de cette ville. Il vaudrait mieux avoir un administrateur sous tutelle qu'un fonctionnaire qui se prend pour un élu.

    ...Et la vie doit continuer

    L'histoire nous raconte qu'en 1918 la grippe dite espagnole aurait fait plus de 50 millions de décès parmi les 500 millions de contaminés. Elle s'étala sur deux ans et se propagea en trois vagues successivement meurtrières. La majorité des décès s'enregistra durant la seconde vague prenant ainsi à leur hérésie les gens qui eurent à se réjouir après le premier déconfinement. Croyant en une fin illusoire de la pandémie ils abandonnèrent, dégoût leur en pris ; tous les gestes de barrière et de distanciation. Pourvu que l'histoire pandémique ne se répète plus eu égard à l'avancée des sciences et des technologies. Cependant la vigilance reste de mise. Mettez un masque face à cette histoire.

    Malgré tout le soleil continue à se lever sur tous les dispensaires et le temps ne s'est pas arrêté au seuil de l'institut Pasteur. Les gens vaquent différemment à leurs déceptions, qui dans une inconscience princière, qui sous la conviction de l'alerte et du danger. On prépare déjà les examens et aussi les candidatures pour les locales, on s'initie au recyclage des personnages usées et on crache sur un passé que l'on tente curieusement de revivifier. L'espoir vit de la confiance que l'on a en soi, en ses profondes croyances que ce qui se passe n'est pas un simple jeu d'ombre.                                                                                                                                                                                                                                                                          par El Yazid Dib                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                 http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5290898                                                                                                                                                                                                                        El Yazid Dib                                                        

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  • Quarante ans ont passé ...

     
    Le 29 décembre 1978 à Paris aura été, pour reprendre une expression bien connue de Stendhal, un coup de pistolet dans un concert. À la page 8 du journal Le Monde paraissait
    La nette brièveté du texte paru en droit de réponse marquait la maturation de la réflexion historique qui était celle, à le penser en grec ancien, d’un physicien qui faisait parler la nature et non d’un rhéteur, au sens ordinaire de celui qui persuade sans toujours démontrer, suggère et non pas découvre.
    Ce qui apparut comme une originalité savante de la personne déjà connue de Robert Faurisson, il y a 40 ans jour pour jour dans les colonnes du Monde, à une époque où l'aristocratie de la liberté de parole subsistait encore, se heurta à un frémissement de la raison d'État chez les historiens en chaire, alors encore sous la surveillance, jusqu'en Sorbonne, du marxisme. Ces derniers ne pouvaient y réagir, le février suivant dans le même journal, que par une espèce de sophisme, proscrivant la recherche au nom du résultat admis, confondant l'opinion et la critique ou jugement constant de ses fondements, en signant un texte qui se terminait comme suit :
    Il ne faut pas se demander comment, techniquement, un tel meurtre de masse a été possible. Il a été possible techniquement puisqu’il a eu lieu. Tel est le point de départ obligé de toute enquête historique sur ce sujet. Cette vérité, il nous appartenait de la rappeler simplement : il n’y a pas, il ne peut y avoir de débat sur l’existence des chambres à gaz (« La politique hitlérienne d’extermination : une déclaration d’historiens »Le Monde, 21 février 1979, p. 23).

    La « réponse » décrétant qu'il ne fallait pas poser la question ni même se poser la question, c’est-à-dire ne point et d’aucune façon interroger un processus dont l’idée était popularisée par de puissants moyens télévisuels (1978 était, rappelons-le, l’année de la consécration médiatique de « l’Holocauste » par la diffusion mondiale du télé-feuilleton de ce nom), fit rire les uns et traduisit l’intimidation générale de tous. A Paris on retournait au procès de Socrate entrepris par les démocrates d’Athènes ! Faurisson, comme sa génération formée aux études classiques, n’en fut pas surpris.
    Malheureusement cette réaction indigne de clercs devint par la suite la position très officielle de ceux qui gouvernent et éduquent les Français, et le reste encore aujourd’hui. 
    Un résumé de l’éclatement, il y a déjà quatre décennies, de « l’affaire Faurisson », avec les références utiles, se trouve dans le présent blog à la date du 20 août 2012 :
     
    Un lecteur du blog
    29 décembre 2018 
     
     

    Saturday, October 27, 2018

    Interview inédite de Robert Faurisson enregistrée le 30 septembre 1999

     

    Note du Blog : Feu le Professeur Faurisson avait perdu de vue cette transcription dun entretien oral avec une personne dont il ne se souvenait pas de l’identité, et a ainsi omis de la faire publier dans le tome V de ses Ecrits Révisionnistes (1999-2004) comme dans les tomes ultérieurs. C’est le 7 septembre 2018 qu’il nous a adressé par voie postale les 16 pages et demi du texte avec la note manuscrite suivante, qui reprend quelques points exprimés dans ladditif sous forme de note quon lira à la toute fin de cette publication :
     
    Je prends connaissance de la transcription de cet entretien treize ans plus tard, en avril 2012. En 2012 j’apporterais des modifications. Par exemple, je serais moins indulgent avec les Américains et je rappellerais le leitmotif de mon père (dans les années 1970) : « Les Américains sont des voyous ; ils nous mènent à l’abîme »). Pour ce qui est des juifs, je mettrais plus en cause les organisations juives que les individualités juives ; j’ai conservé de bonnes relations avec Jacob Assous, que j’ai reçu à Vichy.
     
    ***
     
    Interviewer
     
    Professeur Faurisson, j’aimerais connaître votre sentiment intime sur Hitler et sur les juifs, sentiment que vous n’avez peut-être pas complètement exprimé dans vos écrits et interviews publiés jusqu’ici.
     
    Robert Faurisson
    La question est difficile. Effectivement, j’ai dû être prudent dans mes écrits notamment à cause de la loi Fabius-Gayssot qui interdit de remettre en cause une partie, et une seule, du jugement de Nuremberg et qui prévoit de lourdes peines à l’encontre de ceux qui contesteraient certaines affirmations des juges. J’ai défié cette loi mais je ne suis pas allé jusqu’à exprimer le fond de ma pensée. Vous me prenez en plein combat et il m’est présentement difficile de faire une pause et de faire le point. Faire le point pour aller plus loin suppose que l’on admette qu’il n’y a jamais eu de génocide des juifs ni de chambre à gaz nazie et que le chiffre de six millions de morts est fictif, symbolique, en tout cas faux. Si l’on part de là et du fait qu’un certain nombre d’affirmations aussi bien acceptées que celles-là sont fausses, on est obligé de procéder à une révision si profonde qu’il y faut du temps, du calme et l’absence de crainte. Or, le temps, je n’en ai guère, et la crainte, elle est toujours là. Voilà pourquoi il m’est difficile de vous répondre.
     
    Interviewer
    Je trouve pourtant que vous n’avez pas eu beaucoup de crainte dans vos écrits car, même si vous n’êtes pas allé au fond de votre pensée, vous dites tout de même des choses qui vous ont valu des sévices, des poursuites, des persécutions !
     
    RF
    Oui, mais je vous étonnerai peut-être en vous disant que je pense avoir été raisonnable, que j’aurais peut-être pu aller plus loin et que je me suis réfréné. Vous allez me dire : à ce compte là, vous nous cachez quelque chose, que vous auriez pu dire si vous aviez été libre, comme on l’est par exemple aux Etats-Unis, qui sont le seul pays au monde où l’on soit vraiment libre de s’exprimer sur ce sujet. Il n’est pas vrai qu’en Chine, au Japon ou même dans certains pays arabo-musulmans on soit libre de s’exprimer sur ce sujet-là. Par exemple, si je suis dans un pays arabo-musulman, je pourrai dire que je ne crois ni au génocide ni aux chambres à gaz nazies ni aux six millions. Mais si j’ouvre le chapitre des faux dans l’autre sens – car il faut toujours juger d’un faux par rapport à d’autres faux, en fonction de l’histoire des faux et des croyances – à ce moment-là je risque de dire : « Partout, chez vous, je trouve Les Protocoles des sages de Sion ; c’est un faux grotesque, on s’en aperçoit quand on en a lu trois lignes ». Ou bien : « Vous êtes là à nous parler de la religion musulmane d’une façon qui me paraît, à moi, aberrante. Les propos que je pourrais être amené à tenir sur la religion musulmane pourraient vous offusquer, vous offenser, pourraient me conduire en prison ». Si je dis que je ne fais guère de différence entre toutes les religions, toutes les croyances, il y a beaucoup de gens que je vais offusquer … .
     
    Int.
    Oui, on offense toujours quelqu’un en disant la vérité …
     
    RF
    Je ne sais pas si c’est la vérité mais je dis pour l’instant ce que je crois être exact.
     
    Int.
    Stendhal aurait dit : « Tout bon raisonnement offense. »
     
    RF
    C’est bien possible, je n’en sais rien, c’est trop vague ; alors je ne peux pas dire si je suis d’accord ou non. Mais, voyons, vous me demandez ce que je peux penser d’Adolf Hitler. Je vais vous dire d’abord ce que j’en ai pensé au cours de ma vie. D’abord, beaucoup de mal, puisque j’ai partagé sur ce sujet les opinions de ma famille, de mon entourage, je pourrais presque dire du peuple français tout entier à une époque. J’ai considéré que les Allemands n’étaient pas des êtres humains ; mais ça, ce sont des opinions d’enfant et d’adolescent. Je pourrais dire que j’ai commencé à virer ma cuti peut-être en août 1944, quand j’ai vu en action le glorieux maquis, dans mon coin de Charente limousine. Il y avait des gens que je détestais, les Allemands, et des gens que j’admirais, les Résistants, et, c’est une expérience que tout le monde fait dans sa vie, je me suis peu à peu rendu compte que les gens que j’admirais n’étaient pas à ce point admirables. J’ai vu d’abord la lâcheté de ces glorieux maquisards, battant en retraite devant une unité allemande qui était en train de remonter vers le Nord. Et puis surtout, il y a eu dans ce coin une épuration abominable. Il y a eu des exécutions, des tortures, y compris dans mon petit village de La Péruse. Je viens d’apprendre que celle qu’on appelait la Tueuse vient de mourir, mais avant de mourir, elle a fait mourir bien du monde, cette dame ! Donc, j’ai été déçu déjà en août 44, mais j’ai continué à être très anti-allemand jusqu’au 8 mai 1945. A cette date, j’étais à Paris, 68 rue de Vaugirard, au cinquième étage, lorsque le matin, tout d’un coup, nous avons entendu les cloches ou les sirènes, je ne me souviens plus, qui nous annonçaient la cessation des combats en Europe. Mon père est entré dans ma chambre, nous avons ouvert la fenêtre, nous avions donc compris que c’était la fin, et il m’a posé une question que j’ai trouvée tout à fait gênante. Il m’a dit : « Robert, est-ce que tu es heureux ? ». Je n’étais pas habitué, dans ma famille, à ce genre de question intime. Alors, pour me débarrasser du questionneur, j’ai répondu : « Oui ». Mais sur le moment, j’ai ressenti, pour la première fois de ma vie, une grande tristesse pour ce peuple allemand contre lequel j’étais totalement braqué, prêt à croire n’importe quoi. Le 8 mai 1945, j’ai pensé : ce qui est une joie pour nous doit être au fond terrible pour ce peuple complètement écrasé…
     
    Int.
    Et qui allait subir peut-être des sévices pires que ceux…
     
    RF
    Je n’y ai pas pensé ! Je n’ai pas pensé aux sévices qu’il pouvait subir et je ne crois pas qu’en mai 45 j’aie été au courant des sévices qu’il subissait déjà depuis un bon moment dans la partie occupée soit par les Soviétiques, soit par les Anglo-Franco-Américains. Les sévices n’ont pas commencé dès l’occupation des villes allemandes ; peut-être que les Américains ont eu un comportement à peu près correct à ce moment-là. C’est lorsque a été lancée la grande opération, le show du général Eisenhower à propos des camps de concentration, que les Allemands ont été terriblement maltraités par les Américains, les Anglais et les Français ; pour les Soviétiques, c’était déjà fait. Il faut bien voir que cela commence probablement vers la fin de la première quinzaine d’avril 45. Vers le 10-12 avril s’opère un revirement dans l’occupation de l’Allemagne, occupation qui deviendra totale le 8 mai 1945.

    Je n’ai donc pas pensé aux sévices, j’en suis sûr, mais simplement au fait qu’il s’agissait d’un peuple vaincu, après une terrible bataille. A propos de cette tristesse soudaine, je me suis demandé, longtemps après, si ce n’était pas celle qu’on ressent lorsqu’on vient d’atteindre un but longtemps recherché. Toute l’énergie tendue vers ce but se trouve désœuvrée en quelque sorte, on ne sait plus quoi en faire, c’est presque physiologique. Je me rappelle avoir éprouvé ce sentiment lorsque j’ai passé l’agrégation : j’ai été ensuite complètement démoralisé, j’ai passé un été affreux !
     
    Int.
    On dit que les femmes enceintes, lorsqu’elles ont accouché, ont parfois un moment de dépression, même si le bébé est magnifique.
     
    RF
    Oui, on est en train de faire de la psychologie de comptoir …, mais c’est pour vous dire à quel point c’était sincère. Quelques années après, j’ai commencé à m’intéresser à l’Epuration, que j’ai trouvée abominable. J’ai trouvé, par la suite, terrible qu’on ait fusillé Brasillach, mais sur le moment, le 6 février 1945, je ne l’ai même pas noté. Puis, il y a eu le contact avec certains camarades de cagne et le livre très important de Maurice Bardèche Nuremberg ou la Terre promise (1949). Je me vois près du Sénat, près des grilles du jardin du Luxembourg, avec quelques camarades de cagne, et je dis que ce qu’on fait à Goering, à ce moment-là, à Nuremberg, est infâme, et je me souviens que ceux qui m’ont entendu ont été outrés.
     
    Int.
    Est-ce qu’il a été torturé, Goering ?
     
    RF
    Non, mais ils ont subi cette forme de torture qui consiste par exemple à ne pas pouvoir dormir. A partir d’un certain moment, ils ont eu dans leur cellule une lumière crue le jour et la nuit. De la part des Américains, c’était, paraît-il, pour éviter qu’il y ait un autre suicide, car il y avait eu celui de Robert Ley. Ils ont exigé que les prisonniers dorment dans une seule et même position, sur le dos et les deux mains sur les couvertures et avec la lumière en pleine figure. Pas question de se protéger les yeux. Imaginez ces gens-là : leur pays venait d’être vaincu dans des conditions abominables, leur parentèle était arrêtée ou menacée de l’être, ils ne savaient pas ce que leurs parents étaient devenus ou leurs enfants, il y avait du chantage. On peut prendre l’exemple de l’un d’entre eux qui était père de dix enfants… [Int. Goebbels ?] Non, pas du tout, Goebbels n’était pas au procès de Nuremberg, il s’était suicidé [Int. Oui, avec sa femme après avoir endormi pour toujours leurs six enfants.] Il s’agit de Sauckel, il était chargé du recrutement pour le travail obligatoire. Il y avait aussi toutes sortes de tortures psychologiques…
     
    Int.
    Vous avez le livre de Bardèche, celui de Rassinier aussi ?
     
    RF
    Oui, bien sûr, j’ai tous les livres de Rassinier, les deux livres de Bardèche et sa Lettre à François Mauriac, qui est très bien, sur l’Epuration. J’ai rencontré par la suite Maurice Bardèche, mais beaucoup plus tard. Bref, j’essaie d’en venir à votre question, c’est-à-dire à Adolf Hitler. Je vais vous faire une confidence : je n’arrive pas à être naturel avec les Allemands. J’ai eu trop de haine autrefois pour eux, on m’a raconté trop d’histoires à leur propos et il doit en rester quelque chose. J’apparais à beaucoup comme un défenseur des Allemands ; en réalité, je suis un peu comme François Brigneau à ce sujet. Il parle de l’ironie de l’histoire qui veut que, lui, qui est beaucoup plus porté vers les Anglais que vers les Allemands, il se trouve en quelque sorte en train de défendre les Allemands contre les Anglais. Moi-même, je suis à moitié Anglais ou Ecossais et j’éprouve beaucoup plus d’attirance pour le monde anglo-saxon et en particulier pour les Américains. A l’égard des Allemands, je suis toujours un peu sur la réserve. Je fais exception par exemple pour Ernst Zündel qui est d’origine allemande et reste profondément allemand, mais qui a vécu si longtemps au Canada français et au Canada anglais qu’il en a pris la teinte.
     
    Int.
    Peut-être n’aimez-vous pas chez les Allemands leur esprit systématique, leur manie de l’ordre ?
     
    RF
    Cela se dit d’un mot : la lourdeur.
     
    Int.
    Cela se sent dans le langage, ils ont besoin de précision excessive.
     
    RF
    Ils ont, ces gens-là, beaucoup de qualités, mais cette lourdeur me fait souffrir. Je connais quelques exceptions, elles sont rarissimes. J’ai beaucoup de difficultés notamment avec mes traducteurs allemands. Dès que j’introduis une nuance, elle leur échappe. Maintenant, je suis peut-être mal tombé. J’ai beau leur dire : traduisez-moi en évitant toute formule qui soit un peu familière, par exemple si je dis : cacher ou dissimuler, n’utilisez pas cette expression très courante en allemand : glisser sous le tapis. Non, je ne glisse rien, je ne reproche à personne de glisser quelque chose sous le tapis, je reproche de cacher ou de dissimuler. Que fait le traducteur ? Il me met : glisser sous le tapis ! et il ajoute : c’est très courant en allemand. Je n’ai jamais dit que c’était courant ou pas courant, je lui ai dit : ne faites pas cela. Et il le fait. Non par entêtement mais parce que quelque chose lui a échappé, dès que c’est un peu nuancé. Par exemple, je me souviens d’avoir employé l’expression qui est recherchée et pas très claire de compensation sensorielle. En effet, j’ai remarqué que le faux témoin ne pouvant pas utiliser parmi les cinq sens ceux qui sont les sens privilégiés du témoignage, à savoir la vue et le toucher, compense cela par les trois autres sens. « Il a senti, il a humé, il l’a eu dans la bouche, il l’a entendu. » Par exemple, dans les histoires de crématoire, de gazage, ils n’ont pas vu, ils n’ont pas touché le mur, mais c’était là, c’était dans l’air etc. Donc, j’emploie compensation sensorielle, j’insiste là-dessus, et mon Allemand traduit par confusion des sens !
     
    Int.
    Tout cela pour dire que vous n’avez pas de… pour ce peuple que vous avez été amené à défendre pour des raisons objectives et à la suite de ce que vous avez appris.
     
    RF
    Revenons à Adolf Hitler, pour dire que ses discours me mettent mal à l’aise. Je ne comprends pas ses façons de parler, même si la situation est dramatique. Je ne marche pas, je rentre dans ma coquille, je n’aime pas cela.
     
    Int.
    En tout cas, les Allemands ont marché, eux, ils ont été séduits…
     
    RF
    Moi, cela ne m’aurait pas séduit, cela m’aurait immédiatement fait rentrer dans ma coquille.
     
    Int.
    … et les documentaires qui sont passés à la télévision française montrent en Hitler un personnage convaincu, sincère, enthousiaste, enflammé, et c’est peut-être ce qui a séduit le peuple allemand.
     
    RF
    Oui, je pense que les hommes politiques en général ne donnent pas l’impression qu’ils sont sincères ; Adolf Hitler, quand il parle, donne l’impression qu’il est sincère. Cela me met mal à l’aise ; un tel jugement paraît bien superficiel mais cela va teinter tout le reste…
     
    Int.
    Autrement dit, si vous avez été amené à réviser votre jugement sur Hitler, c’est plus pour des raisons d’enquête intellectuelle que pour un sentiment personnel, inné, subjectif, non communicable, etc. [RF Certainement.] Ce n’est pas une sympathie.
     
    RF
    Non, ce n’est pas une sympathie. Cela va même plus loin, c’est une certaine incompréhension. Il y a des choses que je ne comprends pas. Je ne crois pas du tout à ce qu’on appelle la responsabilité particulière d’Adolf Hitler dans le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. Je ne marche pas. Je trouve que ces responsabilités sont indiscernables. On peut considérer que Roosevelt porte une très lourde responsabilité ou Churchill ou la France ou l’Union Soviétique ou la Pologne. On oublie toujours le comportement de la Pologne.
     
    Int.
    Tout cela, vous l’avez écrit, mais il serait peut-être utile que vous développiez ce point : qui est responsable de cette guerre ?
     
    RF
    Alors, voici. Dans le cas d’un conflit mondial, il n’est pas possible, il n’est pas sérieux de dire que les responsables sont ici et non pas là. J’illustrerai cela par une anecdote. Un jour, ma fille, qui devait avoir neuf ou dix ans, m’a demandé : « Mais, qui est responsable de la guerre de 1914 ? » [Int. Bonne question, question d’enfant.] Alors, quelques jours après, dans une salle des professeurs, j’ai eu la chance de trouver trois ou quatre professeurs d’histoire. Il me semble que, parmi eux, il y avait Jean Lesquibe. Je leur ai dit : voici la question posée par ma fille. Eh bien ! cher ami, vous auriez dû entendre ce silence. Ces professeurs bavards sont devenus muets comme des carpes et ont commencé à bredouiller des explications et, au terme de toute une discussion, sans chaleur particulière d’ailleurs, on pouvait conclure que la responsabilité de la guerre de 14 incombait… au Tsar, tout bien pesé, et encore ils n’en étaient pas sûrs. Cela m’a marqué, cette conversation. Je me suis dit : « Voilà des gens qui se sont étripés, ç’a été un massacre abominable et on n’est pas capable de dire qui a été responsable ! Et encore moins pourquoi cela avait eu lieu ». Je parle de la responsabilité, on ne peut pas le dire, et je pense qu’il est honnête de conclure qu’on ne peut pas le dire.
     
    Int.
    C’est comme dans Les Voyages de Gulliver de Swift où une guerre sans merci éclate entre les Grosboutistes et les Petitboutistes, entre les partisans de ceux qui veulent casser les œufs par le gros bout et ceux qui veulent les casser par le petit bout ! Quant à moi, je pense que l’agressivité humaine étant ce qu’elle est, ainsi que la mauvaise foi qui refuse de voir avec lucidité les responsabilités que l’on peut avoir, sont des explications psychologiques fortes de toutes les guerres.
     
    RF
    Ce qui est important, je crois, c’est de s’abstenir… [Une interruption a lieu dans l’enregistrement. La fin de la phrase doit être : s’abstenir de trouver un bouc émissaire responsable de tous les maux et qui dispense de reconnaître ses propres responsabilités. L’enregistrement reprend ensuite sur les considérations suivantes :] J’en étais à vous raconter l’anecdote suivante : j’étais en voiture entre Los Angeles et San-Francisco et le chauffeur de la voiture, me montrant ces vastes espaces, me dit : « Dire qu’en Europe on s’est battu pour de tout petits lopins de terre, c’est incroyable ! » Et en effet, c’est tout à fait mesquin. Et j’ai pensé que si Adolf Hitler avait fait un tour aux Etats-Unis, s’il avait vu d’abord l’immensité géographique des Etats-Unis – il faut la voir, il ne suffit pas de la contempler sur un globe ou un planisphère – et s’il avait vu la capacité qu’ont les Américains de construire du jour au lendemain une industrie quelle qu’elle soit, il se serait dit : « Méfiance ! Si j’ai ces gens-là contre moi, je risque d’aller dans le mur. » C’est un homme qui a fait la guerre de 14-18 et il n’a pas vu que le XXe allait être le siècle des Etats-Unis, et non le siècle du communisme. Quant au national-socialisme, attention ! Hitler n’a jamais pensé que c’était une denrée à exporter ; il voulait conserver le national-socialisme pour l’Allemagne, l’Autriche, etc.
     
    Int.
    Bien. Je résume ce que je crois être un premier point de ce que vous venez de développer, à savoir le caractère de Hitler qui s’est pris d’enthousiasme pour une entreprise dont il n’a pas vu l’impossibilité et qui a donc commis une erreur stratégique. Mais on pourrait maintenant se demander quel était le projet fondamental de Hitler et ce qu’il valait. Est-ce que c’était un projet fou, monstrueux ou bien est-ce qu’on peut encore le défendre ?
     
    RF
    Ni fou ni monstrueux, mais démesuré, et en même temps cela témoignait d’une certaine étroitesse d’esprit. Démesuré en ce sens qu’il voulait non seulement réparer le traité de Versailles, c’est fondamental, refaire des Allemands une communauté vivante non diminuée, c’est sûr, mais en plus s’étendre vers l’Est, ce qu’il appelait Drang nach Osten, la poussée vers l’Est. C’est très Sturm und Drang tout cela. Drang, cela veut dire : il n’y a rien de stable, il faut faire une poussée vers l’Est. Il n’est pas question de s’en prendre à la France ni à la Grande-Bretagne.
     
    Int.
    Croyait-il à la supériorité du peuple allemand ? Il ne semble pas.
     
    RF
    Si. Je pense qu’il croyait que c’était vraiment le cœur de l’Europe et le meilleur. Mais méfiez-vous à propos du racisme d’Hitler ! Pour lui, la race, ce n’est pas quelque chose qui est en arrière, c’est quelque chose qui est en avant. « Fais ton enfant meilleur que toi », c’est-à-dire qu’il faudra aller vers une race qui soit meilleure que celle qui existe. C’est l’amélioration de la race, pas chevaline mais humaine. Il y a chez cet homme une idée de l’avenir, du mouvement, mais, pour lui, en résumé, les Etats-Unis n’existaient pas vraiment comme puissance dangereuse, capable d’affronter l’Europe et même de la vaincre. L’ennemi, c’était par exemple le communisme, et peut-être partageait-il les peurs de toute une partie de ce siècle, en tout cas pendant soixante-dix-sept ans au moins, la peur, en France, du succès du communisme. Il est évident que si l’on ne parle pas de cette peur du communisme, on ne peut pas comprendre cette guerre. Mais ce qu’il fallait voir, c’était les Etats-Unis. Je pense qu’un homme aujourd’hui qui n’a pas mis les pieds aux Etats-Unis et n’a pas su ouvrir les yeux sur cette puissance ne peut pas porter un jugement aussi bien sur les Etats-Unis que sur le reste du monde.
     
    Int.
    Je vais vous poser une question très indiscrète. Malgré ces erreurs de jugement que vous venez d’expliquer, ce projet de Hitler était-il valable, avait-il raison de lutter contre le communisme, de vouloir s’étendre non pas indéfiniment mais, si j’ai bien compris, un peu vers l’Est, d’améliorer, oui, la race allemande, de réparer le traité de Versailles, faire le bien de son peuple ? Est-ce que, malgré ces erreurs et l’impossibilité de le réaliser, ce projet était bon ?
     
    RF
    Non, il n’était pas bon. Les intentions étaient, pour certaines d’entre elles en tout cas, bonnes, mais s’il y a de l’aveuglement, si on ne prévoit pas les conséquences possibles… Je prendrai une comparaison. Je suis dans la rue et c’est un aveugle qui veut me montrer le chemin. Il peut avoir les meilleures intentions du monde, tenir des propos raisonnables, je peux lui faire confiance, lui confier mon portefeuille, il reste un homme qui ne peut pas vraiment me montrer le chemin à suivre. En France, on est souvent anti-américain d’une façon bête et les intellectuels en particulier se permettent de juger les Etats-Unis d’une façon que je trouve sommaire. Je les vois bien les défauts des Américains, et puis laissez-moi vous dire qu’il n’y a pas mieux pour se moquer des Etats-Unis que les Américains eux-mêmes. Ils ont fait des films en quantité pour tourner en dérision le système de vie américain. Donc Hitler était un peu casanier, il pouvait avoir des vues magnifiques mais il n’avait pas de vision globale. Il voyait un globe terrestre avec des puissances qui pouvaient être pour lui en état de décomposition et qui s’appelaient les démocraties anglaise et française et là, il se trompait un peu, à mon avis. Il voyait des puissances redoutables comme l’Union Soviétique, le communisme international. Il voyait la puissance juive et là je dis qu’il voyait clair. Je me compromets en disant cela. Mais pour le reste, que d’aveuglement, me semble-t-il !
     
    Int.
    Néanmoins, dans ce projet de Hitler, tel qu’on tente de le reconstituer, il y a peut-être de bonnes choses, par exemple sa lutte contre le communisme. Le communisme, d’une certaine manière a gagné, même si l’Union Soviétique s’est effondrée…
     
    RF
    Non, le communisme a perdu.
     
    Int.
    Dans les idées ? Le communisme est ambiant, il est à la télévision, dans les média, partout…
     
    RF
    Non, non, je sais qu’on le dit, mais je n’appelle pas cela communisme.
     
    Int.
    Ou dans sa version affadie du socialisme…
     
    RF
    Oui, mais quand c’est affadi justement, ce n’est plus du communisme. Cela s’est tellement affadi que le parti communiste français, ce n’est plus grand-chose, et ce n’est pas l’avenir.
     
    Int.
    Par son poids politique, peut-être, mais, par l’influence des idées, le parti communiste a gagné…
     
    RF
    Non, non, ce qui gagne, c’est l’idéologie des droits de l’homme, l’antiracisme, etc. mais ce n’est pas le communisme. Vous connaissez le mot de Céline, déjà, à propos de Krouchtchev, Malenkov et Boulganine. (Il les appelait BKM, comme le Bacille de Koch !) Il notait déjà combien par rapport à Staline ils faiblissaient. Staline, c’était ce qu’on appelait la dialectique du tank ! Eh bien, Céline disait d’eux : « Ils tortillent du tank, ils dialectalotent ». Céline, c’était un devin, une chienne de traîneau, en tête, qui savait repérer les crevasses, les abîmes, etc. Mais revenons à Hitler. Il voyait donc dans le communisme un danger énorme, une puissance considérable et il avait raison, mais il y avait quelque chose de beaucoup plus fort que le communisme, c’était les Etats-Unis d’Amérique. Il s’est représenté le fantassin américain qu’il avait pu connaître en 1917-18 et qui probablement n’était pas extraordinaire.
     
    Int.
    Un deuxième point qu’on pourrait peut-être mettre à l’actif de Hitler, c’est l’amour de la nature. Nous constatons aujourd’hui dans nos démocraties un magnifique désintérêt, un mépris envers la nature dont l’homme peut faire ce qu’il veut, puisqu’il est « maître et possesseur de la nature ». Peut-être y avait-il chez Hitler un respect de la nature que nous ne connaissons plus. Un troisième point, c’est la résistance de cet homme face à la montée de l’art moderne que personnellement je considère – dans l’ensemble car il y a des exceptions – comme une profonde décadence et comme la négation même de l’art. De même, Tartuffe niait la religion tout en s’en réclamant. Voyez par exemple ces tas de ferraille qu’on installe comme œuvres d’art avec arrogance et à grands frais aux carrefours. Hitler a essayé de lutter contre cette décadence, maladroitement sans doute, sans succès, avec exagération. J’essaie de faire l’avocat du diable – le diable c’est Hitler ! – et je vous demande si vous iriez dans cette direction ou non.
     
    RF
    Pour ce qui concerne la nature et l’environnement, il semble qu’on soit obligé de vous donner raison. Il apparaît de plus en plus qu’il existait en effet dans le monde national-socialiste un souci de ces valeurs-là qui n’apparaît pas chez nous quarante ans après, et l’Allemagne était en avance dans ce domaine-là comme en beaucoup d’autres. Bien. Mais, encore une fois, vous me parlez d’intentions et moi, je vais vous parler de résultats. Le résultat, c’est une Allemagne qui est complètement dévastée, qui a connu un désastre écologique, environnemental sans précédent.
     
    Int.
    Parce qu’elle a perdu ?
     
    RF
    Parce qu’elle a perdu. Vous comprenez, ce qui compte, c’est la dernière ligne dans la page. On additionne les plus, on retranche les moins, on regarde le total, il est complètement négatif. C’est comme pour Napoléon, qui a pensé ceci, qui a pensé cela. Oui, mais le résultat a été une France exsangue. Il a raté son coup.
     
    Int.
    Un peu comme un joueur d’échec qui part trop vite, mais qui est stoppé à la fin par un autre qui a un jeu plus solide.
     
    RF
    Oui, des coups brillants etc. et, à la fin de la partie, on peut dire : il a perdu parce qu’il n’a pas vu ceci ou cela. De même, vous me parlez de l’art … D’abord, il est difficile de juger de sa propre époque du point de vue de l’expression artistique. Il faut souvent attendre trente, cinquante ans pour savoir ce qui s’est passé. Mais prenons ce que Hitler admirait. Il admirait Arno Breker. Moi, je trouve cela très mauvais ! Ne prenons pas ce que vous trouvez, vous, mauvais, par exemple peut-être Niki de Saint Phalle. Il y a des moments où je préférerais presque un tableau de Chagall à une sculpture d’Arno Breker. Je préfère Brancusi à Arno Breker. Par conséquent, c’est un domaine où il faut se risquer avec beaucoup de précaution.
     
    Int.
    Pourtant, quand nos démocraties arrivent à exposer dans des endroits dont le mètre carré vaut une fortune, un tableau monochrome où il n’y a aucune invention, aucun travail, aucune réalisation … On ne va pas se lancer dans la définition de ce qu’est l’art ou la beauté, dont d’ailleurs on nous dit aujourd’hui qu’elle n’existe pas ! Est-ce que justement Hitler n’aurait pas été un rempart contre ce que je crois être une décadence ?
     
    RF
    Il ne s’agit pas d’être simplement un rempart, il s’agit de promouvoir quelque chose. Je fais l’expérience comme tout le monde de salles de musée consternantes. Je me souviens notamment à Washington d’une salle où l’on pouvait voir quelque chose qui s’appelait, je crois, les quatorze stations du Chemin de Croix. C’était quelque chose d’abominable et d’ailleurs il paraît que les gardiens de cette salle n’étaient pas maintenus plus de huit jours…
     
    Int.
    Voilà qui nous change des gardiens de nos musées qui s’ennuient ferme et somnolent devant les chefs-d’œuvre qu’ils sont censés surveiller !
     
    RF
    … Je me souviens d’un Noir à qui une dame avait dit : « C’est abominable ! Et vous vivez là-dedans ? » Il lui a répondu, non : « Oh ! mais Madame, rassurez-vous, ça ne dure que huit jours ! »
     
    Int.
    Oui, mais attention ! vous allez apporter de l’eau au moulin d’un éventuel contradicteur. On va vous dire : « Donc, cet art-là avait bien une efficacité ! »
     
    RF
    Mais attendez ! Une efficacité, laquelle ? C’était une abomination, mais elle se trouvait dans un musée où par ailleurs il y avait des choses magnifiques. C’est très américain de laisser les gens s’exprimer et puis ce qui est le meilleur peut-être surnagera, mais brider, dire : on ne fera pas ci, on ne fera pas ça … ? Ainsi, à New York, on vient d’exposer des choses, on ne peut même pas dire que ce sont des tableaux, qui viennent d’une exposition qui se tenait à Londres où elle avait fait scandale. A New York, le maire veut couper les crédits au musée qui montre ces choses-là. Je sais notamment qu’il y a des excréments d’éléphant, dont on fait je ne sais quoi. C’est certainement lamentable, mais la question est de savoir si vous avez pour autant à ordonner qu’on fera ceci ou cela dans ce domaine.
     
    Int.
    Non, mais le problème, c’est qu’il y a des journalistes stipendiés pour dire que c’est merveilleux, et convaincre une masse amorphe et assez méprisable, tout compte fait …
     
    RF
    Vous savez, prenez l’histoire de la critique littéraire ou de la critique de peinture, quel sottisier ! On est en plein dedans, vous comprenez, il faudrait avoir je ne sais quel regard …
     
    Int.
    Je vois que sur ce point je suis plus sévère que vous. Une autre question me vient à l’esprit : celle du métissage. En ce qui me concerne, je considère que c’est une mauvaise chose. Je pense que, dans le projet de Hitler, il y avait tout de même le souci de « pureté de la race », c’est une expression très mal vue – d’ailleurs « les races n’existent pas, pas plus que la beauté ! » – en tout cas le désir de ne pas mélanger les hommes de toute origine. Dans nos démocraties actuelles, il y a tout de même, je crois, l’illusion que la paix universelle va naître du mélange universel. Or, l’agressivité des hommes les uns envers les autres ne demande qu’à s’exprimer, sous le premier prétexte venu. Voyez encore une fois la guerre des Grosboutistes contre les Petitboutistes. Au Brésil, paraît-il, des conflits naissent entre les métis plus ou moins noirs ou plus ou moins blancs, avec même, c’est un comble, une suprématie des plutôt blancs ! Le métissage ne me paraît pas une bonne chose pour un peuple, d’autant plus qu’il coupe les racines, il mène à ignorer l’histoire. Or, il y avait tout de même chez Hitler une résistance à ce processus. Est-ce que vous me suivez dans cette direction, ou bien quelle est votre position sur ce sujet ?
     
    RF
    Il est vraiment difficile de vous répondre ! Encore une fois, Hitler ne parlait pas de « pureté de race » au sens de : il y a une race et il faut la préserver. Il parlait d’améliorer, il regardait l’avenir et il souhaitait en effet qu’il n’y ait pas de métissage. Pas de mélange des races, et en tout cas pendant la guerre il y avait des mesures sévères dans ce domaine-là. Mais il faudrait y voir de plus près parce que ce n’était pas seulement dicté par un souci racial, c’était aussi autre chose. Je me souviens qu’à l’un des procès de Zündel [1985 et 1988, à Toronto] était venue témoigner en notre faveur une Autrichienne qui avait été mise en camp de concentration parce qu’elle avait eu des rapports avec un Polonais en Autriche pendant la guerre. Je trouvais cela un peu sévère ! Mais Zündel m’a fort bien expliqué ceci : « Réfléchissez ! Imaginez un instant que ces jeunes hommes de la Wehrmacht qui étaient là-bas sur le front apprennent que leur femme ou leur fiancée pouvait copuler avec les gens de l’arrière, librement. Il fallait bien prendre des mesures contre ce qui était un facteur de démoralisation possible ». C’est un élément pour expliquer en temps de guerre la sévérité de la répression. Cela ne veut pas dire qu’en temps de paix, il en serait allé de même. Il est difficile de juger une idéologie comme le national-socialisme, alors qu’il a été pris dans une formidable tourmente guerrière. Cela en dénature les aspects. On ne sait pas ce qui se serait produit si la paix avait pu continuer. National-socialisme et guerre, guerre et national-socialisme sont constamment liés dans l’esprit des gens.
     
    Int.
    Je crois qu’un homme cherche, d’une manière poétique, à voir dans l’enfant la résurrection de l’aïeul qu’il a aimé. C’est un vieux thème poétique. Or, l’aïeul ne réapparaît plus dans le métissage.
     
    RF
    Il est incontestable qu’Hitler voulait préserver ce qu’on appellera la race blanche. Il n’empêche que dans toutes ses divisions, musulmanes et autres, il y avait des quantités de gens qui n’étaient pas du tout de la race aryenne, y compris dans...
     
    Int.
    Je croyais que vous alliez dire qu’en plus il respectait tout à fait les races noires d’Afrique et des pays dans lesquels il avait envoyé des missions.
     
    RF
    Cela nous ne le savons pas, parce que ce que nous croyons savoir sur le sujet, méfiez-vous, nous vient de ce qu’on appelle le Testament politique d’Adolf Hitler, titre tout à fait abusif donné par François Genoud à de prétendus propos de table d’Adolf Hitler. [Int.  Est-ce authentique ?] Oui, jusque vers 1942, c’est authentique, ensuite, c’est une fabrication de François Genoud, et c’est très grave, beaucoup de gens s’y sont laissé prendre. Moi-même, d’ailleurs, à un moment, j’y ai cru, jusqu’au jour où j’ai voulu voir le texte allemand, et j’ai rencontré François Genoud et j’ai vu sa gêne et je lui ai posé la question. Donc Hitler est raciste, il est pour la préservation de la race blanche et contre le métissage. Et vous me demandez ce que moi, j’en pense…
     
    Int.
    Excusez-moi. Il y a au moins deux acceptions du mot racisme. Croire que la race est une chose intéressante et bonne est une chose et croire qu’une race est supérieure à une autre et a le droit, un peu comme chez Aristote pour les esclaves, de dominer les autres, c’en est une autre.
     
    RF
    Oh ! vous savez, ne soyons pas dupes ! Je trouve que c’est une position de repli et que les gens qui disent : « Ce n’est pas que je considère que ma race soit supérieure, c’est tout simplement que je veux que toutes les races puissent, comme la mienne, être préservées », ces gens-là croient qu’ils appartiennent quand même à une race supérieure. Ils me font penser à ceux qui prônent « les élites ». Bien entendu, ils commencent par se mettre dans les élites. Bon, disons les choses bien franchement. Le racisme est une chose qui me gêne, parce que l’expérience de la vie m’a amené à me rendre compte que je suis prêt à donner toute mon estime à tel homme, telle femme qui n’est pas de race blanche.
     
    Int.
    Ah ! mais moi aussi ! Mais je vous pose la question toute bête : aimeriez-vous avoir un petit-fils de couleur ? Avec des lèvres qui ne seraient pas les vôtres, un nez qui serait différent, et en plus qui ne serait ni d’un type ni d’un autre. Je crois que la notion platonicienne de beauté a quelque chose à voir avec la notion de type.
     
    RF
    Oui, encore qu’il existe des Noirs qui sont absolument superbes, des Noirs abyssins. [Int. Absolument, c’est le fond de ma pensée.] Par conséquent, ils ne sont pas forcément lippus, crépus, etc. Comme tout le monde, j’ai mon idéal de beauté. Probablement, je vais trouver que telle femme est belle et vous trouverez, vous, que ce n’est pas le cas. Je suis incapable d’ailleurs de définir cela. Mais je veux répondre à votre question. Personnellement, lorsque je me trouve dans certains arrondissements de Paris où je vois pléthore d’Arabes et de Noirs, eh bien, je suis gêné, cela ne me plaît pas. Mais je réfléchis là-dessus et je me dis : si je prenais ces gens un par un et qu’au lieu de la tenue lamentable qu’ont la plupart d’entre eux, je leur mette une tenue de prince saoudien ou bien d’intellectuel à cravate, tiré à quatre épingles et que le bonhomme se trouve être fils d’ambassadeur, est-ce que tout d’un coup mon jugement ne va pas changer ? Eh bien, si, il va changer ! Donc, ce qui me gêne là-dedans ne serait-ce pas le spectacle d’une forme de pauvreté répugnante, parce que cela sent mauvais ? Mon attitude ne serait-elle pas comparable à celle des gens qui, au XIXe siècle, se pinçaient le nez quand ils se trouvaient dans les corons ouvriers du Nord, parce qu’effectivement, cela puait ? Et ces gens-là attribuaient les vices que pouvaient avoir effectivement ces ouvriers au fait que ces derniers appartenaient à une classe qui de père en fils avait été méprisée.
     
    Int.
    Soit. Mais je vous répète ma question toute bête : aimeriez-vous avoir un petit-fils de couleur ?
     
    RF
    Je n’aimerais peut-être pas, quoique j’aie une petite-fille…
     
    Int.
    C’est peut-être le cas, d’ailleurs, je m’avance beaucoup ! Si c’est le cas, ne me répondez pas.
     
    RF
    … Mais si ! j’ai une petite-fille qui est à moitié franco-écossaise et à moitié libanaise et elle est très belle ! Et cela m’ennuierait beaucoup qu’arrive un Adolf Hitler qui décrète que demain l’Europe doit être libérée de tous ceux qui n’ont pas une peau blanche. Voilà. Je crois que j’ai répondu à votre question. [Int. Ah oui ! Tout à fait.] Mais je crois que je suis sincère quand je dis que… [Nouvelle interruption de l’enregistrement, due, comme les précédentes, à un appel téléphonique.]
     
    Int.
    Je voudrais savoir maintenant quelle est votre opinion sur le conflit qui a opposé Hitler et les juifs. Quelles sont, selon vous, les responsabilités respectives ? Est-ce que Hitler a été un diable, un monstre, un destructeur ou bien est-ce que les juifs ont aussi des responsabilités qu’il est désormais interdit de désigner ?
     
    RF
    Je répète que, pour juger avec un peu de sérénité du conflit entre Hitler et les juifs, il faut se rappeler que, bien entendu, si les chambres à gaz avaient existé, les Allemands en général et Hitler en particulier auraient été de fieffés criminels. En revanche, si elles n’ont pas existé, les juifs sont de fieffés menteurs. Plus précisément, si les chambres à gaz ont existé, Adolf Hitler s’est comporté pendant trois ou quatre ans en fieffé criminel. Si elles n’ont pas existé, les responsables des organisations juives ont pendant plus de cinquante ans – et elles continuent aujourd’hui – colporté un fieffé mensonge. Donc, d’un côté, vous avez un homme, et on pourrait presque dire un peuple, qui agit en criminel, et puis, de l’autre côté, vous avez des responsables d’un groupe humain qu’on appelle les juifs, quelle que soit leur diversité comme pour les Allemands, qui défendent un abominable mensonge, une horrible diffamation, une atroce calomnie, dont ils font de l’argent. Alors, pour moi révisionniste, comme ces chambres à gaz n’ont pas existé, je vous dis tout à trac, très clairement et les yeux dans les yeux, et je le dirais aujourd’hui devant un tribunal : les juifs, pour moi, ont colporté, colportent et utilisent un abominable mensonge, une atroce calomnie, une horrible diffamation. Et si vous me demandez mon opinion sur les juifs, comment voulez-vous qu’après un constat de ce genre, je puisse m’exprimer sur leur compte avec un peu de sérénité ? Cela m’est très difficile. Je veux bien faire un effort mais vous vous rendez compte de ce que vous me demandez !
     
    Int.
    Oui, mais ce que vous venez de me dire là, d’une manière abrupte, vous l’avez déjà plus ou moins écrit et publié.
     
    RF
    C’est exact. Cela prouve que vous êtes un lecteur attentif parce que je ne l’ai pas tellement dit, mais effectivement je l’ai écrit. Alors, je vais ajouter quelque chose aujourd’hui, qui n’a jamais été dit. Supposez qu’on me pose la question suivante : « Monsieur Faurisson, êtes-vous anti-juif (non pas antisémite mais anti-juif) ? » C’est une question à laquelle il y a cinquante, quarante ans, trente ans, vingt ans, dix ans et même deux ou trois ans, j’aurais répondu : « Non, je ne suis pas anti-juif. » Et maintenant, le 30 septembre 1999, je peux vous dire : je le suis devenu.
     
    Int.
    Ça, c’est nouveau effectivement !
     
    RF
    C’est nouveau parce que c’est encore une question d’expérience. Quittons là aussi le domaine de la chimère, du rêve, des considérations philosophiques et autres. Que m’a enseigné l’expérience, en ce qui concerne les juifs ? Vous connaissez cette expression latine : « Experto crede Roberto », c’est-à-dire : « Crois-en Robert qui en a l’expérience ». J’ai l’expérience des juifs. Dans l’introduction de mes Ecrits révisionnistes, j’ai écrit que pendant des années, j’ai perçu les juifs comme autant d’individualités, qui étaient donc à juger comme telles. Voici Jacques Brunschwig que j’admirais beaucoup lorsque j’étais en cagne, voici Jean Pierre-Bloch, le plus nul, le plus détestable et le plus menteur des hommes. Les juifs avaient le droit d’être jugés individuellement, et puis voici ce que j’appelle le schibboleth, mot que les Hébreux faisaient prononcer aux gens au passage d’un gué. S’ils le prononçaient d’une certaine façon, cela voulait dire qu’ils n’étaient pas hébreux et alors, on les tuait, sans pitié, sans rémission et, s’il était prononcé comme il faut, ça allait. C’était, si vous voulez, la pierre de touche, le critère par excellence. Eh bien ! le schibboleth, dans ce cas-là, c’est tout simplement leur prétendu holocauste, leur prétendu génocide, leur prétendue tentative d’extermination des juifs. Quand on touche à ce sujet, tout d’un coup, je m’aperçois que Jacques Brunschwig et Jean Pierre-Bloch font cause commune, et Jacques Brunschwig devient bête, a des raisonnements imbéciles, tout à fait indignes de l’intelligence qu’il était, et ce que je dis de Jacques Brunschwig, je peux le dire d’une quantité d’autres juifs. Ils tiennent des raisonnements d’une incroyable bêtise, d’une incroyable mauvaise foi. Ils mentent, ils défendent le mensonge à tel point que je me demande si ce personnage antipathique de Victor Hugo qui, dans Marie Tudor, dit à un marchand juif de Bruxelles : « Juif qui parle, bouche qui ment » n’aurait pas raison. Je leur trouve, à ces gens, en tant que membres d’un groupe, une aptitude au mensonge, un goût du mensonge et une capacité à exploiter le mensonge à vous couper le souffle !

    Elisabeth Loftus, juive américaine, spécialiste de l’étude des témoignages, lorsque le procès Demjanjuk est arrivé, a découvert que ce malheureux Demjanjuk allait à la potence alors qu’il était innocent. Analysant les témoignages de ceux qui accusaient Demjanjuk, elle voyait – d’ailleurs qui ne l’aurait vu ? – qu’il s’agissait de faux témoins. Qu’a-t-elle fait ? Elle le raconte ! (A mon avis, il n’y a que les juifs pour raconter de telles histoires). Elle raconte qu’elle s’est tournée vers ses amis juifs pour prendre conseil : « Si je dis la vérité, j’épargne la potence à cet homme mais c’est un désastre pour ses accusateurs israéliens et pour les juifs dans leur ensemble. Que dois-je faire ? » Et son entourage lui a répondu : « C’est mauvais pour les juifs, donc il ne faut pas le faire. » « Et, dit-elle, je me suis soumise, et selon leur recommandation, j’ai accepté cela, et je ne suis pas intervenue. »
     
    Int.
    N’est-ce pas une attitude humaine en général ?
     
    RF
    C’est certainement une attitude humaine en général, puisqu’il existe depuis toujours ce qu’on appelle « le pieux mensonge », mais... [Nouvelle interruption. Le téléphone sonne et au bout d’un moment Robert Faurisson revient en déclarant :] Je viens de recevoir un coup de téléphone de Vincent Reynouard, de Belgique, qui m’annonce qu’un enseignant révisionniste de cinquante-cinq ans vient d’être mis en prison en France. Il s’agit de Jean-Louis Berger, enseignant le français et le latin, à Bitche, en Moselle. On m’a dit ceci : les gendarmes se sont présentés à son domicile pour rechercher une pièce qu’en fait, paraît-il, ils possédaient déjà et ont demandé à Berger de les suivre à la gendarmerie. Une fois là-bas, les gendarmes ont téléphoné à Mme Berger pour lui dire que son mari avait été placé sous écrou. Voilà un certain temps que Jean-Louis Berger connaît de graves ennuis avec l’Education nationale car il est soupçonné d’être révisionniste. Je précise que, d’après les renseignements que j’ai obtenus, les gendarmes disent agir sur le fondement de la loi antirévisionniste Fabius-Gayssot. Voilà. [Jean-Louis Berger a ensuite été relâché, mais radié de l’enseignement le 12 mai 2001.] Telle est la vie à Tel-Aviv. Je l’ai souvent dit, un révisionniste doit s’attendre à une mauvaise nouvelle par jour et une humiliation par semaine. Pour ma part, cela dure depuis vingt-cinq ans.

    Je reviens au conflit d’Hitler avec les juifs et je dis, en ayant bien conscience de la gravité de ce que je dis pour la première fois de ma vie : anti-juif, je ne l’étais pas, anti-juif, je le suis devenu. Et peu m’importe que tel ou tel juif se trouve être totalement antirévisionniste ou à demi ou qu’il se déclare même révisionniste. Il n’entrera pas chez moi, il est interdit, un juif n’a pas le droit de pénétrer chez moi. Je suis désolé d’avoir à prendre des décisions de ce genre, à porter un jugement de valeur de cette nature, qu’on qualifie dans l’argot d’aujourd’hui de « globalisant » et que vous, vous appelez radical. Je suis radical sur ce point-là. J’en ai assez d’avoir à pleurer et à gémir sur des gens qui ont tous les pouvoirs en France et qui le disent, puisque M. Alain Finkielkraut a signé, il n’y a pas longtemps, un article dans Le Monde, commençant ainsi : « Ah ! qu’il est doux d’être juif aujourd’hui en France ! » Oui, il est doux d’être juif aujourd’hui en France. Il est doux également de l’être en Israël où bien sûr il y a des attentats mais qui viennent d’un peuple mis sous le joug depuis plus de cinquante ans, et il est terrible de n’être pas d’accord avec les juifs sur leur interprétation propre et mensongère de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale. Voilà des gens qui, d’un article de foi de leur religion, ont réussi à faire un article de loi de la République française, et si un citoyen français ne croit pas aux chambres à gaz et émet un doute, il peut, comme on vient de le voir à l’instant avec le cas Berger, se retrouver soudainement en prison. Cette loi n’est pas une loi communiste, socialiste, elle est une loi juive. Et puis, on ne me fera pas pleurer sur des gens qui, d’une manière ou d’une autre, parfois avec des nuances, la plupart du temps sans aucune nuance, réclament de l’argent, encore de l’argent et toujours plus d’argent, aussi bien auprès de l’Allemagne et de l’Autriche qu’auprès de tous les pays européens, qu’ils aient été du côté de l’Allemagne et de l’Autriche, qu’ils aient été neutres, ou même qu’ils aient été contre l’Allemagne. Cet argent est réclamé également à la Grande-Bretagne, aux Etats-Unis, aux pays baltes, à l’Union Soviétique, à la Tchécoslovaquie, sous n’importe quel prétexte.
     
    Int.
    Hitler a-t-il eu raison de vouloir extraire de l’Allemagne les juifs qui s’y trouvaient ?
     
    RF
    Ma réponse est : oui, en pleine guerre.
     
    Int.
    Aussi brutale que ma question !
     
    RF
    Ma réponse est oui, considérant le comportement que ces gens sont capables d’avoir en communauté, en troupeau, oui, en troupeau. Eh bien ! je considère qu’on a le droit de prendre des mesures contre une puissance pareille. Je trouve cela normal. Je n’approuve pas forcément telle ou telle mesure, mais je dis qu’on est obligé de pratiquer ainsi, en temps de guerre en tout cas, puisque Hitler avait tout à fait raison de considérer qu’ils étaient des ennemis soit déclarés, soit potentiels de l’Allemagne, peu importe d’ailleurs qu’ils aient été citoyens allemands ou non, puisque sur ces sujets-là, on les voit tout d’un coup s’assembler, exiger, réclamer, gémir. C’est tout à fait incroyable !
     
    Int.
    La tentative de Hitler d’extraire les juifs de l’Allemagne, non pas de les exterminer mais de les déporter, s’est soldée par un échec. D’un point de vue pragmatique, il a eu tort ?
     
    RF
    Hitler en effet a échoué et c’est un grief de plus qu’on peut lui adresser, c’est-à-dire de s’en être pris comme il l’a fait à des gens qui étaient encore beaucoup plus puissants qu’il ne l’imaginait. Je rappelle – n’est-ce pas ? – qu’il n’a jamais envisagé qu’une solution territoriale, c’est-à-dire qu’Hitler était tout à fait d’accord, d’une façon précise, avec les organisations sionistes, les « juifs bruns ».
     
    Int.
    C’est ce qu’on appelle, en en déformant le sens véritable, l’Endlösung, la solution finale.
     
    RF
    Eine territoriale Endlösungune solution finale territoriale.
     
    Int.
    Il s’agit donc de la déportation et non de l’extermination.
     
    RF
    C’est la raison pour laquelle vous avez quantité de juifs qui ont collaboré avec les nationaux-socialistes, que ce soit à Vienne, à Berlin, à Paris.
     
    Int.
    En conclusion et en résumé, vous n’êtes pas tellement contre le projet hitlérien, vous vous abstenez de le juger, vous êtes très nuancé, mais vous condamnez sa stratégie qui a amené à la catastrophe.
     
    RF
    Non, non, on ne peut pas dire que j’approuve le projet hitlérien, parce que je trouve qu’il a été – j’ai souvent employé le mot – chimérique. Par conséquent, je ne peux pas être d’accord avec ce qui est chimérique.
     
    Int.
    Oui, car vous êtes vous-même un pragmatique.
     
    RF
    Je m’efforce de juger le maçon au pied du mur. Je regarde non ce qu’ont été ses discours, ses intentions, mais je regarde le résultat du travail. Vous savez, c’est comme la copie d’élève, pleine de bonnes intentions, pleine de bonnes idées, mais le compte n’y est pas !
     
    Int.
    Mais sa tentative, en elle-même, n’était pas condamnable ?
     
    RF
    Je ne suis pas d’accord. Encore une fois, sauf sur la question juive. Je ne suis pas d’accord, mais je trouve que ça ne doit pas être interdit. On doit laisser libre cours à des idées de ce genre.
     
    Int.
    Et en tout cas, ce régime ne mérite pas d’être fustigé, diabolisé jusqu’à la fin des temps comme …
     
    RF
    Oui, c’est complètement évident, je l’ai toujours dit. A partir du moment où le peuple allemand n’a pas commis le crime des crimes, il n’a pas à être considéré comme s’il avait commis le crime des crimes. Cela change tout ! La chambre à gaz, contrairement à ce qu’on raconte, ce n’est pas un détail, c’est quelque chose de capital.
     
    Int.
    Avez-vous autre chose à ajouter ?
     
    RF
    Je voudrais ajouter ceci. Cet entretien qui avait commencé dans une atmosphère tranquille, où je pouvais me donner le temps de réfléchir à ces questions difficiles que vous m’avez posées, se termine – ce n’est ni de votre faute ni de la mienne – dans une autre atmosphère, puisque maintenant je suis obligé d’interrompre cette conversation pour voir ce que je peux faire de mon côté en faveur d’un révisionniste qui se retrouve en prison, un père de quatre enfants. C’est presque mon pain quotidien.

    Voilà vingt-cinq ans que je suis dans cette galère et je ne m’imagine pas trouver au bout la Nouvelle Terre, comme Christophe Colomb, et je ne crois pas que cela s’améliorera, que cela s’arrangera. J’ai presque toujours été pessimiste et je le suis aujourd’hui. J’entreprends cette tâche sans illusion. Adolf Hitler avait peut-être des illusions, moi, je n’en ai pas, parce que je vois que la puissance à laquelle je me heurte, je le répète, ce n’est pas la puissance américaine, soviétique, anglaise, ce n’est pas non plus le communisme, c’est la puissance juive. Ce n’est pas parce que les gens gémissent qu’ils ne sont pas riches ou puissants. Au contraire, plus vous avez d’argent et plus vous avez de pouvoir, plus vous gémissez, puisque, n’est-ce pas, « Plus je palpe, plus je pleure, plus je pleure, plus je palpe » ! Je considère qu’il y a peu de chance de faire quoi que ce soit contre une puissance pareille. Serge Thion a intitulé l’un de ses ouvrages Une Allumette sur la banquise. Il voulait dire par là que le peu de chaleur et de lumière que le révisionnisme peut apporter dans cet océan, sur cet iceberg d’idées glacées, compactes, est dérisoire : c’est le craquement d’une allumette sur la banquise ! Mais je suis encore plus pessimiste que lui, car j’ajoute : nous avons craqué une allumette sur la banquise et les pingouins et les manchots ont protesté et protestent : c’est trop de lumière, trop de chaleur et il ne sera jamais pardonné d’avoir un jour craqué l’allumette.
     
    Int.
    Eh bien ! je vous remercie de toutes ces précisions, voire de ces confidences. En tout cas, l’impression que j’en retire, c’est que vous n’êtes pas du tout l’homme excessif, diabolisé par les média, et que ce que vous affirmez est raisonnable, appuyé toujours sur des faits, des documents, des choses vues et vérifiées, et que vous visez à acquérir une certitude.
     
    RF
    Oui, c’est bien possible. Mais, de toute façon, je suis à l’heure du doute sur l’efficacité de mon action. Là encore, je reviens les pieds sur terre et je me dis : mais au fond pourquoi... [Ultime interruption. Le sens probable de la fin de la phrase semble être : au fond pourquoi se donner tant de mal pour une cause perdue ?]
     
    Note d’avril 2012
     
    Cet entretien date de 1999. Je viens de prendre connaissance treize ans plus tard de sa transcription. Si j’avais aujourd’hui à répondre aux questions qui m’étaient alors posées, je me montrerais moins indulgent pour les Américains. Quant aux juifs, plus que les individualités ou même le groupe, ce sont les organisations qui prétendent les représenter que je mettrais surtout en cause. Enfin, pour ce qui est de Hitler, on ne cesse de le juger par rapport aux juifs, ce qui, déjà en soi, est absurde. Le Führer, le Guide de l’Allemagne, a eu bien d’autres préoccupations que « la question juive », surtout à l’heure où il lui a fallu combattre sur quatre fronts : ceux du gigantesque combat à mener sur terre, sur mer, dans le ciel et celui de la lutte désespérée pour la survie de son peuple en train de brûler vif sous les bombes au phosphore. Pour lui, il l’a expressément fait savoir, c’est à l’après-guerre qu’il convenait de remettre la recherche d’« une solution finale territoriale de la question juive ».

    Après 1814-1815 la propagande des vainqueurs sur le compte de « l’Ogre » avait fait de Napoléon Bonaparte une incarnation du Mal mais le temps avait assez vite ramené les esprits à une juste « révision » de ces absurdités. Après 1944-1945, la propagande des vainqueurs sur le compte d’Adolf Hitler a fait de ce dernier une incarnation du « Mal absolu » (sic) ; la loi nous oblige à y croire et le tam-tam médiatique nous le répète à la folie mais aujourd’hui enfin, d’une part, les historiens et, d’autre part, l’apparition d’Internet permettent d’espérer que le sens commun va enfin permettre une juste « révision » de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale. La vraie figure de Hitler ainsi que les vraies figures de Churchill, de Roosevelt et de Staline commenceront alors à prendre forme. Et cette guerre mondiale apparaîtra pour ce qu’elle a été : une boucherie au terme de laquelle les vainqueurs apparaîtront surtout comme de bons bouchers et les vaincus comme de moins bons bouchers. Et, bien sûr, il restera toujours assez de bellicistes pour prêcher de nouvelles croisades « au nom de l’amour de l’humanité » ou, en d’autres termes, des guerres perpétuelles « pour une paix perpétuelle ».

    Pour répondre à la question sur Adolf Hitler, je dirai qu’il a été essentiellement le Napoléon Bonaparte des Allemands. Les deux personnages ont été, l’un et l’autre, des hommes politiques d’une exceptionnelle envergure, de prodigieux chefs de guerre, des dictateurs, des sauveurs, puis des naufrageurs de leurs patries respectives. Dans le cas de Hitler, ce que la propagande juive nous en raconte avec tant d’insistance relève largement du mythe. L’histoire est une chose, les histoires en sont une autre. L’historien se doit de rechercher l’exactitude et de s’en contenter.

     
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  •                                                                                                                                                                                                                                                             L’élément terre comme son nom semble l’indiquer fait partie d’un ensemble plus vaste qu’on appelle : l’univers.

    Difficile à gober, mais tout englobant est à son tour englobé parce qu’il n’y a rien d’absolu dans notre globe. Les espaces sont infinis et les temps sont indéfinis : Le battement d’aile d’un papillon peut tout faire vaciller. Qui parle d’effet domino ? L’effet domino…ne veut pas dire que c’est la cause qui domine l’effet mais paradoxalement, que c’est l’effet qui domine la cause. L’envers qui domine l’endroit. Et même si vous êtes assurés, votre train peut à tout moment dérailler. Ce n’est donc jamais rassurant de vous rassurer. Tout peut à tout moment basculer. Tout le réel où tout est lié, mais aussi tout le virtuel où tout est interconnecté… Nous ne sommes pas libres, nous sommes interdépendants. Heisenberg et son principe d’incertitude, Einstein et sa certitude sur la relativité de tout principe sont passés par là. Autrement dit, nous n’atteindrons les cibles que nous visons que si nous cessons de viser des cibles que nous ne pouvons pas atteindre comme la tranquillité, la prospérité ou la félicité. Nous sommes tous des Sisyphe, condamnés à exécuter une peine qui n’en vaut pas la peine. C’est la définition même du verbe vivre… il faut continuer à se battre, même si on n’a nulle envie de se battre. Si on s’arrête, c’est notre cœur qui cessera de battre. Adama, Assa ou moi : même combat. C’est notre lit, le conflit. Nul repos pour nous autres guerriers. C’est ce que l’on redoute le plus, je crois… de devoir reprendre la route… descendre puis remonter la pente sans se démonter… boire un Red Bull ou avaler quelque remontant pour tenir le coup. Ne soyez pas bouleversés que je vous dise que tout est bouleversant ou ce qui revient au même : rien ne l’est ! Relativisez ! Relativisez ! Il n’y a pas plus universel que le particulier comme accélérateur de particules. Il suffit d’un con et non de plusieurs, pour faire tout exploser. Un Tchétchène ou un petit dealer qui répand de la mauvaise graine, peuvent à tout moment mettre le feu aux poudres et tout faire sauter : la baraque et la baraka… la France et toute son espérance. Et alors ? Ça changera quoi ? Notre désarroi sera toujours le même. Nous trouverons d’autres raisons pour être aux abois… Nous nous inventerons d’autres combats. Nous nous remettrons dans l’embarras ! Pourquoi ? Parce que nous sommes les enfants de la nuit qui se renient le jour, non pour faire la lumière mais pour se défaire de l’ennui.  une info scénario

    #Dijon #dijontchetchen #violence #Sisyphe On ne peut pas regarder en face un monde qui vous tourne le dos !

    https://www.lejournaldepersonne.com/2... 

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  • Témoignages de Palestine au temps de la pandémie du Covid 19 1/2                      

    Les regards se portent de nos jours vers la Bande de Gaza sont dans l’attente anxieuse des effets catastrophiques d’une extension fulgurante du codiv.19, au sein du mouvement de solidarité à la Palestine, et au-delà.

    La population de l’enclave est confrontée depuis bientôt 14 ans à une des modalités les plus meurtrières de l’apartheid israélien: l’enfermement et la privation de la liberté de circulation des humains comme des marchandises.

    Des bombardements massifs presque tous les deux ans causant des milliers de mort-e-s et des dizaines de milliers de blessé-e-s dans la population civile confortent le constat d’un génocide progressif. Dans ce contexte il ne fait aucun doute que l’arrivée du virus dans une population épuisée par une crise humanitaire et dont la densité est de 5 400 ha au Km2 (117 en France) ouvre des probabilités effrayantes de catastrophe.

    Comment aborder cette situation? Que peut-on attendre d’Israël et de l’Union Européenne ? Que peut le mouvement de solidarité à la Palestine face à une telle situation? Quelles actions de solidarité et avec qui? Aujourd’hui et dans l’après virus ?

    Nous ne prétendons pas pouvoir répondre seul.e.s et en une seule fois à toutes ces interrogations mais nous souhaitons ouvrir, localement au moins, le débat sur ces questions qui concernent l’ensemble des mouvements sociaux de la société civile. Nous le ferons à partir des repères fournis par le cadre stratégique de la Campagne BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions) sous-direction palestinienne dont BDS France Montpellier est membre via BDS France.

    Se dégager de la fascination paralysante de la catastrophe

    Essayons d’aborder l’ensemble du problème à la lumière du modèle de décryptage qu‘opère Said Bouamama dans «Le Corona Virus comme analyseur : Autopsie de la vulnérabilité systémique de la mondialisation capitaliste». L’auteur explique qu’entre les «aléas» c’est à dire les éléments extérieurs perturbateurs (ici le virus) et la «catastrophe» (les conséquences du virus) il y a la «vulnérabilité» c’est à dire les conditions qui ont plus ou moins contribué à produire ou non la «catastrophe». Il compare « les effets du cyclone Ivan qui touche Cuba en septembre 2004 et ceux du cyclone  Katrina qui s’abat sur la Floride, la Louisiane et le Mississipi un an après (…) Tous deux de catégories 5 c’est-à-dire avec des vitesses de vent dépassant 249 km/h, les deux cyclones se soldent pourtant par des bilans humains aux antipodes: aucun décès à Cuba ; 1836 morts et 135 disparus aux USA.»

    Et l’auteur constate: «Des aléas similaires débouchent ainsi sur des conséquences diamétralement opposées». Ainsi la «vulnérabilité (qui) désigne pour sa part les effets prévisibles d’un aléa sur l’homme dépendant eux-mêmes d’un certain nombre de facteurs: densité de population des zones à risque, capacité de prévention, état des infrastructures permettant de réagir efficacement et rapidement, etc.» va en quelque sorte déterminer la gravité des conséquences des «aléas».

    Le centrage médiatique sur la «catastrophe» (ce que font généralement les gouvernements) est destiné à masquer les éléments de vulnérabilité et donc les décisions et choix politiques responsables de la vulnérabilité face aux aléas.

    Cerner les causes de la vulnérabilité dans la Bande de Gaza.

    L’état des lieux de la «vulnérabilité» de la population de la Bande de Gaza est accablant.

    Près de 2,5 millions d’habitant-e-s sur 360 km2 (5 400 ha au Km2). Près de 1,8 millions de réfugié-e-s (près de 80% de la population de la Bande de Gaza) entassé-e-s dans 8 camps. L’ONU prévoyait en 2012 une crise humanitaire pour 2020. Nous y sommes, la crise humanitaire est là.

    Après 14 ans de blocus : 44% de chômeurs dont 61% chez les jeunes. 80% de la population dépend d’une aide étrangère. 10% des enfants ont un retard de croissance dû à la malnutrition. Un taux de pauvreté de 53 %, un taux de mortalité infantile de 10,5 décès pour 1 000 naissances vivantes.

    97% de l’eau est non potable et les problèmes d’assainissement sont énormes. 800 produits de consommation courante ou destinés aux entreprises selon une liste (changeante) établie par Israël, sont interdits d’entrée à Gaza.

    «L’offre de soins de santé est en déclin constant. Selon l’ONG Medical Aid for Palestinians, depuis l’an 2000 « il y a eu une baisse du nombre de lits d’hôpitaux (de 1,8 à 1,58 pour mille), de médecins (1,68 à 1,42 pour mille) et d’infirmières (2,09 à 1,98 pour mille), avec un surpeuplement et une réduction de la qualité des services». L’interdiction imposée par Israël à l’importation de technologies susceptibles d’être «à double usage» a restreint l’achat d’équipements, tels que les scanners à rayons X et les radioscopes médicaux.

    Des coupures de courant régulières menacent la vie de milliers de patients qui dépendent d’appareils médicaux, avec parmi eux des bébés dans des incubateurs. Les hôpitaux manquent d’environ 40% des médicaments considérés essentiels, et les quantités de fournitures médicales de base, comme les seringues et la gaze, sont insuffisantes.»

    Le bilan des Grandes marches du retour (du 30 mars 2018 à début 2020) est lourd, 301 mort-e-s dont 61 enfants de moins de 16 ans, 27 000 blessé-e-s, 130 amputé-e-s. Déjà les hôpitaux ont eu du mal à faire face à cet afflux de blessé-e-s.

    Et les 5000 prisonniers palestiniens …

    5.000 prisonniers politiques palestiniens sont détenus par Israël dont 180 mineurs. «Notre inquiétude croissante pour les prisonniers et détenus palestiniens pendant l’évolution de la pandémie de COVID-19 vient de la négligence médicale systématique et quotidienne dans les centres de détention et d’interrogatoire israéliens», a dit mardi Addameer, l’association de défense des droits des prisonniers. L’association mène une campagne internationale pour demander la libération de tous les prisonniers.

    Au prétexte de l’épidémie, Israël depuis début mars, multiplie les brimades, renforce l’isolement et viole les droits des prisonniers. Interdictions des visites des familles et des avocats. Refus d’installer des téléphones fixes pour permettre aux prisonniers de parler à leurs familles – comme cela avait été promis auparavant.

    Dénoncer les responsabilités criminelles de l’état d’apartheid.

    Ceci n’est qu’un aperçu sommaire et incomplet de la situation dans la Bande de Gaza dont la responsabilité incombe entièrement à l’État d’Israël qui dès sa création a provoqué l’exode des réfugiés dans des camps, colonisé et occupé l’enclave, puis imposé depuis 14 ans le blocus, mené des bombardements massifs réguliers, des bombardements ponctuels, des assassinats ciblés, des vols permanents de drones, des arrestations arbitraires etc.

    La catastrophe, la Nakba comme disent les Palestiniens, se perpétue depuis 1948. Colonisation de peuplement et nettoyage ethnique dans toute la Palestine dont Jérusalem et génocide progressif dans la Bande de Gaza, sans oublier les Palestiniens de 48 soumis à l’apartheid.

    Israël devra de ce fait être tenu pour directement responsable des mort-e-s et des dégâts humains et matériels qui pourraient advenir du fait du Covid.19 dans la Bande de Gaza.

    A l’occasion de l’épidémie du corona virus israël s’attaque à toutes les composantes du peuple palestinien

    Sans doute l’extrême gravité de ce qui se passe à Gaza en fait un symbole et appelle notre solidarité active. A la fois, en raison de la politique génocidaire menée à l’encontre de sa population mais également en raison de la résistance exemplaire de cette même population. N’a-t-elle pas, après 12 ans de blocus et d’attaques aériennes massives et meurtrières réussi à lancer et maintenir pendant 2 ans, chaque vendredi, les grandes Marches du Retour, pour le Retour des réfugiés et la levée du blocus sous les tirs meurtriers des snippers israélien ? Mais l’attaque de l’occupant est généralisée contre l’ensemble des palestinien.e.s où qu’ils.elles se trouvent.

    Dès la création de l’État d’Israël, par un découpage et des assignations géographiques spécifiques doublées de statuts juridiques différents, Israël a fait éclater l’unité du peuple Palestinien. Les palestinien-ne-s de Cisjordanie et de Gaza, de Jérusalem ou d’Israël sont soumis-e-s à des juridictions israéliennes différentes. La puissance stratégique de l’appel BDS Palestinien de 2005, en posant comme objectif l’autodétermination du peuple palestinien fixe comme condition préalable à une réelle autodétermination la satisfaction de trois revendications, chacune répondant au problème majeur de chacune des composantes du peuple palestinien. La fin de la colonisation (Cisjordanie et Gaza), retour des réfugiés dans leurs maisons (de tous-tes les Réfugié-e-s, extérieurs et intérieurs, Résolution. 194-ONU) et égalité absolue pour les palestiniens d’Israël (Palestiniens de 48). Cette stratégie refonde et reconstruit l’unité du peuple palestinien, condition première pour mettre fin à l’apartheid.

    Palestinien.ne.s de 1948

    Nous manquons (à ce jour) d’informations sur les discriminations et les inégalités subies par les palestiniens d’Israël dans les prises en charge sanitaires face à l’épidémie. Elles sont inévitables au regard de la nature officiellement raciste de l’État d’Israël. La loi fondamentale récemment votée déclarant qu’Israël est l’État nation du peuple juif officialise l’apartheid en faisant des 20% des palestiniens d’Israël des citoyens de seconde catégorie.

    Dans le désert du Neguev, à la mi-mars, les autorités israéliennes ont détruit les plantations de centaines d’ha de terres agricoles dans deux communautés bédouines.

    Alors que ces mêmes autorités appelaient à réductions d’activités et interdisaient les rassemblements de plus de 10 personnes, la police, une douzaine de tracteurs «protégés par des membres de la Patrouille verte, une force paramilitaire appartenant à l’Autorité foncière israélienne qui se concentre sur les problèmes d’application de la loi dans le Néguev, se sont présentés à la périphérie de Wadi al-Na’am, le matin, avec des tracteurs. Ils ont ensuite détruit systématiquement une grande partie des cultures, retournant du nord au sud une vaste étendue de terre où se trouvaient des stocks de blé et d’orge, utilisés pour nourrir les moutons et les vaches.»

    Depuis des dizaines d’années Israël tente chasser les bédouins de leurs terres ancestrales, les confiner dans des «réserves» et de s’emparer de leurs terres.

    Des tracteurs arrivent à Tel Arad pour raser les récoltes mercredi 18 mars (MEE/Me’eqel Al Hawashla)

    Palestinien.ne.s de Cisjordanie

    Par contre nous avons les premiers éléments des réactions israéliennes à l’apparition du virus en Israël où viennent travailler de nombreux ouvriers frontaliers palestiniens, du sabotage des installations palestiniennes de soins et des inquiétudes des réfugiés du camp de Suhafat (Jérusalem-est) quant à l’accès aux soins.

    L’épisode d’un ouvrier palestinien fiévreux et très mal, jeté à même le sol par les force de polices israéliennes du côté palestinien d’un check-point israélien à la périphérie du village de Beit Sira, à l’ouest de Ramallah a fait le tour des réseaux sociaux. Sans même attendre les résultats du test qu’il avait passé son patron l’a fait expulser par la police.

    3 autres cas identiques ont été signalés et gageons que ce n’est que le début : «C’est le vrai visage de l’occupation israélienne», affirme le jeune homme qui a secouru le malade au sol «Ils nous tuent tous les jours, donc ce n’est pas différent pour eux.» «C’est comme si nous étions leurs esclaves», poursuit-il. «Ils nous utilisent quand ils ont besoin de nous, et quand ils ont fini, ils se débarrassent de nous comme des ordures.»

    L’association des droits humains B‘Tselem dénonce l’intervention de l’armée israélienne du 26 mars dans la communauté palestinienne de Khirbet Ibziq, dans le nord de la vallée du Jourdain. Avec bulldozer et deux camions à plateau avec grues, l’armée a confisqué deux tentes destinées à une clinique de campagne contre le virus.

    Les soldats ont également confisqué (volé) une cabane en tôle en place depuis plus de deux ans, ainsi qu’un générateur d’électricité et des sacs de sable et de ciment. Quatre palettes de parpaings destinées aux planchers des tentes ont été emportées et quatre autres démolies.

    Palestinien.ne.s de Jérusalem

    Les Réfugiés du Camp de Suafat, en périphérie de Jérusalem-est ont le statut de résident de Jérusalem et relèvent de la juridiction israélienne. Ils sont très inquiets des barrages et obstacles israéliens dans leur accès aux soins.

    «Le camp n’a qu’une clinique, aucun hôpital», détaille à MEE une porte-parole de l’organisation israélienne de défense des droits de l’homme Association for Civil Rights in Israel. Les hôpitaux les plus proches sont tous israéliens.

    «Nous payons nos taxes, nous demandons donc aux autorités israéliennes qu’elles s’occupent de nous avec le même soin avec lequel elles s’occupent de n’importe quel autre citoyen israélien. En tant qu’État occupant, Israël a le devoir de nous prendre en charge. Car où peut-on aller ? Vers qui peut-on se tourner ?», déplore Khaled al-Sheikh.

    «Nous sommes seuls, nous n’avons aucun appui officiel », insiste-il. Pas de respirateur artificiel, pas de véhicule dédié pour le transport d’éventuels patients infectés par le coronavirus, ni de bâtiment officiel pour placer les cas suspects en quarantaine…

    Même scénario dramatique pour les habitants de Kufr Aqab de l’autre côté du mur mais officiellement rattaché à la municipalité de Jérusalem. «Dans cette zone où s’entassent 70 000 Palestiniens, trois personnes infectées ont été éloignées la semaine dernière par les habitants, qui se sont organisés pour qu’elles soient tenues à l’écart du quartier, rapporte Mounir Zgheir, à la tête du comité qui représente les habitants.»

    «Israël veut depuis des années se débarrasser de ces zones et de leurs habitants. Israël n’a pas construit la barrière de séparation de cette manière sans raison : il voulait couper ces zones de Jérusalem », poursuit le chercheur. En 2015, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou avait d’ailleurs évoqué la possibilité de révoquer le statut de résident des habitants de ces quartiers.

    Palestinien.ne.s – réfugié-e-s de la Bande De Gaza

    Comme toujours Gaza bénéficie d’un régime spécial de répression. Le vendredi 27 mars en soirée trois raids de l’armée de l’air israélienne ont bombardé le nord de la Bande de Gaza où se trouve le camp de réfugiés de Jabalia.

    Qu’attendre d’Israël et de l’Union Européenne ?

    De la part de l’État israélien et son gouvernement raciste rien de bon, cela est évident. Le pire est déjà là et il ne peut qu’empirer. Les bombardements ci-dessus et les quelques exemples cités en ce début d’épidémie montrent qu’Israël fera tout pour tirer partie de l’épidémie au profit de son nettoyage ethnique et du vol des terres palestiniennes. Quand à l’union européenne, la complicité est flagrante et dans cette période où «sauver le capitalisme» sera sa priorité absolue, il n’y en a rien à attendre non plus.

    Mais ce constat ne date pas d’aujourd’hui. C’est ce constat qui a donné jour à l’appel BDS palestinien de 2005, qui constatant la complicité de la «communauté internationale» s’est tourné vers les sociétés civiles de la planète les appelant:

    « Nous, représentants de la Société Civile Palestinienne, invitons les organisations des sociétés civiles internationales et les gens de conscience du monde entier à imposer de larges boycotts et à mettre en application des initiatives de retrait d’investissement contre Israël tels que ceux appliqués à l’Afrique du Sud à l’époque de l’Apartheid.

    Nous faisons appel à vous pour faire pression sur vos états respectifs pour qu’ils appliquent des embargos et des sanctions contre Israël.

    Nous invitons également les Israéliens honnêtes à soutenir cet appel, dans l’intérêt de la justice et d’une véritable paix.

    Ces mesures punitives non-violentes devraient être maintenues jusqu’à ce qu’Israël honore son obligation de reconnaître le droit inaliénable des Palestiniens à l’autodétermination et respecte entièrement les préceptes du droit international en :

    • 1. Mettant fin à son occupation et à sa colonisation de tous les terres Arabes et en démantelant le Mur
    • 2. Reconnaissant les droits fondamentaux des citoyens Arabo-Palestiniens d’Israël à une égalité absolue et
    • 3. Respectant, protégeant et favorisant les droits des réfugiés palestiniens à revenir dans leurs maisons et propriétés comme stipulé dans la résolution 194 de l’ONU

    ALLONS-NOUS RÉPONDRE À CET APPEL ? COMMENT AUJOURD’HUI ? COMMENT DANS L’APRÈS VIRUS ET AVEC QUI ?

                                                                                                                                                                            José Luis Moragues                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  Par Campagne BDS France Montpellier (Boycott, Désinvestissement, Sanctions).

    Pour aller plus loin sur ce thème :

    Image en vedette : Des peintres palestiniens dessinent des graffitis pour attirer l’attention sur la pandémie de coronavirus (COVID-19) à Khan Yunis, Gaza, le 28 mars 2020 [Mustafa Hassona/Agence Anadolu].

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  • L’Art de la guerre                                                                                                                                                                                                                                                      

    De nombreuses industries et sociétés de service sont en train de faire faillite ou de se redimensionner à cause du confinement et de la crise qui s’ensuit. Certains, par contre, ont tiré profit de tout cela. Facebook, Google (propriétaire de YouTube), Microsoft, Apple et Amazon -écrit The New York Times– “sont en train de faire agressivement de nouveaux paris, car la pandémie du coronavirus en a fait des services quasiment essentiels”.

    Tous ces “Tech Giants” (Géants de la technologie) sont étasuniens. Facebook -défini non plus comme social network mais comme “écosystème”, dont font partie aussi WhatsApp, Instagram et Messenger- a dépassé les 3 milliards d’utilisateurs mensuels. On ne s’étonnera donc pas si, en pleine crise du coronavirus, Facebook lance le projet d’un des plus grands réseaux de câbles sous-marins, le 2Africa : long de 37.000 km (presque la plus grande circonférence de la Terre), il encerclera tout le continent africain, en le reliant au nord à l’Europe et à l’est au Moyen-Orient. Les pays interconnectés seront au départ 23. Partant de Grande-Bretagne, le réseau reliera le Portugal avant de commencer son cercle autour de l’Afrique à travers Sénégal, Côte d’Ivoire, Ghana, Nigéria, Gabon, République du Congo, République démocratique du Congo, Afrique du Sud, Mozambique, Madagascar, Tanzanie, Kenya, Somalie, Djibouti, Soudan, Égypte. Dans ce dernier tronçon, le réseau sera relié à Oman et à l’Arabie Saoudite. Puis, à travers la Méditerranée, il arrivera en Italie et de là en France et Espagne.


    Ce réseau à grande capacité -explique Facebook- constituera “le pilier d’une énorme expansion d’Internet en Afrique : les économies fleurissent quand on a un Internet largement accessible pour les entreprises. Le réseau permettra à des centaines de millions de personnes d’accéder à la large-bande jusqu’à la 5G”. Voilà, en somme, la motivation officielle du projet. Une seule donnée suffit à en douter : en Afrique Sub-saharienne n’ont pas accès à l’électricité environ 600 millions de personnes, équivalant à plus de la moitié de la population. 

    À quoi servira alors le réseau à large-bande ? À relier plus étroitement aux maisons mères des multinationales ces élites africaines qui en représentent les intérêts dans les pays les plus riches en matières premières, alors que monte la confrontation avec la Chine qui est en train de renforcer sa présence économique en Afrique. 

    Le réseau servira aussi à d’autres objectifs. Il y a deux ans, en mai 2018, Facebook a établi un partenariat avec l’Atlantic Council (Conseil Atlantique), influente “organisation non partisane”, dont le siège est à Washington, qui “fait la promotion du leadership et de l’engagement USA dans le monde, avec ses alliés”. L’objectif spécifique du partenariat est de garantir “l’utilisation correcte de Facebook dans les élections dans le monde entier, en surveillant la désinformation et l’interférence étrangère, en aidant à éduquer les citoyens et la société civile”. Ce qu’est la fiabilité de l’Atlantic Council, particulièrement actif en Afrique, se déduit de la liste officielle des donateurs qui le financent : le Pentagone et l’OTAN, Lockheed Martin et d’autres industries guerrières (y compris l’italien Leonardo), ExxonMobil et d’autres multinationales, Bank of America et d’autres groupes financiers, les Fondations de Rockefeller et Soros. 

    Le réseau, qui reliera 16 pays africains à 5 alliés européens de l’OTAN sous commandement USA et à 2 alliés USA au Moyen-Orient, pourra jouer un rôle non seulement économique, mais politique et stratégique.

    Le “Laboratoire de recherche digitale juridique” de l’Atlantic Council, à travers Facebook, pourra communiquer chaque jour aux médias et aux personnages politiques africains quelles informations sont “fausses” et lesquelles sont “vraies”. Les informations personnelles et les systèmes de traçage de Facebook pourront être utilisés pour contrôler et frapper les mouvements d’opposition. La large-bande, y compris en 5G, pourra être utilisée par les forces spéciales USA et d’autres dans leurs opérations en Afrique. 

    En annonçant le projet, Facebook souligne que l’Afrique est “le continent le moins connecté” et que le problème sera résolu par ses 37.000 km de câbles. Ils pourront être utilisés, cependant, comme version moderne des vieilles chaînes coloniales.

    Manlio Dinucci

    Article original en anglais :

    Facebook accerchia l’Africa

    Édition de mardi 16 juin 2020 d’il manifesto

    https://ilmanifesto.it/facebook-accerchia-lafrica/ 

    Traduit par Marie-Ange Patrizio

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  • L’avenir de la guerre éternelle, à l’américaine                                                                                                           

     
    Street art au Yemen. Mohammed Hamoud/Getty Images

    Comme c’est étrange. Les États-Unis se battent en Somalie par intermittence depuis le début des années 1990. (Qui, d’un certain âge, ne se souvient pas du fiasco du "Black Hawk Down" ?) Près de 30 ans plus tard, alors que le secrétaire général de l’ONU, soutenu par des dizaines de pays, a raisonnablement appelé à un cessez-le-feu mondial afin que l’humanité puisse se recentrer sur "le vrai combat de nos vies", en mettant Covid-19 sous contrôle, les Etats-Unis y sont toujours en guerre. Alors que les navires de la marine américaine se transforment en zones de pandémie et que l’homme de la Maison Blanche a dénoncé à plusieurs reprises les "guerres sans fin ridicules" de ce pays, la guerre du Pentagone en Somalie contre un groupe terroriste insurgé du nom d’al-Shabaab s’intensifie en fait. Sans blague.

    Bien sûr, si vous ne prêtiez attention qu’aux médias grand public, remplis de peu de nouvelles à part coronavirales (et encore plus virales sur notre président), vous ne le sauriez pas. Vous ne savez peut-être pas du tout que l’armée américaine était impliquée en Somalie. Il faudrait lire le récent article d’investigation de Nick Turse, rédacteur en chef de TomDispatch, dans The Intercept pour découvrir que les frappes aériennes américaines dans ce pays ont fortement augmenté ces derniers temps. Pendant les années Obama, de 2009 à 2017, les États-Unis ont mené un total de 36 frappes de ce type en Somalie. Selon le Commandement américain pour l’Afrique, au début du mois d’avril 2020, soit seulement quatre mois après le début de cette année dévastatrice, 39 frappes de ce type avaient déjà été lancées, ce qui garantit essentiellement que le bilan annuel des destructions sera supérieur au record de 63 frappes établi l’année dernière. Et n’oubliez pas qu’en ce moment même, Covid-19 commence à semer la mort à travers la capitale de ce pays, Mogadiscio.

    Et cela, comme le souligne aujourd’hui Danny Sjursen, major de l’armée américaine à la retraite et habitué de TomDispatch, n’est que la partie émergée de l’iceberg des guerres sans fin que l’Amérique a connues au cours de ce siècle. Qu’elles se transforment maintenant en guerres pandémiques semble peu importer à Washington. C’est dans cet esprit que Sjursen, dont le nouveau livre, Patriotic Dissent : America in the Age of Endless War, qui sera publié cet automne, se plonge dans l’avenir de la guerre américaine dans un monde Covid-19. Accrochez-vous.

    Tom Engelhardt

    * * * *

    L’avènement d’une version socialement distante de la guerre

    Covid-19, une tragédie humaine mondiale en cours, pourrait avoir au moins un point positif. Elle a conduit des millions de personnes à remettre en question les politiques les plus néfastes de l’Amérique, à l’intérieur et à l’extérieur du pays.

    En ce qui concerne la politique de guerre de Washington à l’étranger, il y a eu des spéculations selon lesquelles le coronavirus pourrait, en fin de compte, mettre un coup d’arrêt à de tels conflits, si ce n’est pour prouver qu’il est un artisan involontaire de la paix - et avec raison, puisqu’un Pentagone à la recherche d’argent s’est avéré impuissant pour combattre le virus. Entre-temps, il est devenu de plus en plus évident que si une fraction des dépenses de "défense" avait été investie dans des agences de contrôle des maladies chroniquement sous-financées, la réponse de ce pays à la crise du coronavirus aurait pu être bien meilleure.

    Curieusement, cependant, malgré les plaintes périodiques du président Trump sur les "guerres ridicules sans fin" de l’Amérique, son administration s’est montrée remarquablement peu disposée à accepter ne serait-ce qu’un modeste recul des ambitions impériales américaines. Sur certains théâtres d’opérations - IrakIranVenezuela et Somalie surtout - Washington a même intensifié son militarisme dans un élan d’opportunisme macabre, largement sous le radar de la pandémie.

    Malgré tout, il est évident que le moment est venu de se demander si la "guerre contre la terreur" menée par l’Amérique depuis près de vingt ans (qu’il serait peut-être préférable de considérer comme une série de guerres de terreur) pourrait réellement prendre fin. Faire des pronostics est une affaire délicate. Néanmoins, la diffusion de Covid-19 a offert une rare occasion de soulever des questions, de remettre en cause des cadres et d’examiner de manière critique ce que "mettre fin" à la guerre pourrait même signifier pour ce pays.

    Dans un certain sens, nos guerres de l’après-11 septembre s’atténuent progressivement depuis un certain temps déjà. Même si le nombre total de troupes américaines déployées au Moyen-Orient a en fait augmenté dans les années Trump, ces chiffres sont dérisoires par rapport à l’engagement américain au plus fort des guerres en Irak et en Afghanistan. Ces dernières années, le nombre de soldats américains qui se font tirer dessus à l’étranger est tombé à des niveaux incroyablement bas pour ceux d’entre nous qui sont entrés dans l’armée au moment des attentats du 11 septembre.

    Cela dit, au cours des dernières années, même les guerres inutiles et impossibles à gagner se sont prolongées de façon remarquable. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder l’éternel faucon de guerre, le sénateur Lindsey Graham de Caroline du Sud. Étant donné le manque de succès des différentes campagnes menées par le Commandement américain pour l’Afrique, ou AFRICOM, sur ce continent et la volonté affichée du Pentagone de basculer à nouveau dans la compétition des grandes puissances avec la Chine et la Russie, juste avant que la pandémie n’arrive sur nos côtes, le secrétaire à la Défense Mark Esper a annoncé des plans de réduction modeste des troupes dans certaines régions d’Afrique. Consterné par des restrictions même mineures, Graham, à la tête d’un groupe de législateurs bipartisans, aurait confronté Esper et menacé de faire de sa vie un "enfer" si le secrétaire d’État réduisait les forces américaines sur place.

    Moins de deux mois plus tard, l’AFRICOM a déclaré une urgence de santé publique dans la plus grande des bases africaines de ce pays, à Djibouti, dans un contexte où l’on craignait que même les installations américaines beaucoup plus petites et spartiates de ce continent ne disposent pas de l’équipement médical nécessaire pour lutter contre la propagation du virus. Il reste à voir si la pandémie facilite les réductions envisagées par Esper. (Un communiqué de presse de la mi-avril de l’AFRICOM, qui rassure sur le fait que "le partenariat du commandement perdure pendant le Covid-19", n’augure rien de bon pour une telle transformation).

    Néanmoins, la maladie aura certainement un certain effet. Tout comme les mesures de quarantaine et de distanciation sociale ont transformé la vie et le travail des gens aux États-Unis, les opérations guerrières de Washington devront sans aucun doute s’adapter elles aussi. Au minimum, attendez-vous à ce que le Pentagone mène des guerres (largement cachées à l’opinion publique) qui exigent que de moins en moins de ses troupes se battent au coude à coude avec les alliés et encore moins qu’elles meurent en le faisant. Attendez-vous à ce que Washington donne un mandat et que le Pentagone pratique ce que l’on pourrait de plus en plus considérer comme une guerre de type distanciation sociale.

    Les soldats opéreront en équipes de plus en plus réduites. Tout comme les hauts dirigeants nous conseillaient constamment, à nous les officiers subalternes, dans le mauvais vieux temps, de "placer un visage irakien entre vous et le problème", les soldats d’aujourd’hui et de demain feront de leur mieux pour placer des drones ou des vies par procuration (moins précieuses) entre eux et les ennemis de toute sorte. En attendant, le fossé déjà immense entre le public américain et les guerres menées en son nom ne fera que s’élargir. Ce qui peut émerger de ces années est une version de la guerre si méconnaissable que, bien qu’elle soit toujours sans fin, elle pourrait ne plus passer pour une guerre au sens classique.

    Pour comprendre comment nous sommes parvenus à une version socialement distante de la guerre, il faut remonter au début de ce siècle, des années avant qu’une pandémie comme celle de Covid-19 ne soit sur l’écran radar de quiconque.

    Les guerres américaines ne prennent pas fin, elles évoluent

    Lorsque, jeune lieutenant de l’armée de terre puis capitaine, j’ai rejoint ce qu’on appelait alors les "sursauts" en Irak en 2006 et en Afghanistan en 2011, les fantassins conventionnels comme moi étaient les principaux acteurs dans le coin. La doctrine de la contre-insurrection, ou COIN, régnait alors chez les dirigeants du Pentagone. L’astuce, selon les principaux commandants, consistait à inonder la zone de guerre avec des brigades d’infanterie, en sécurisant le "centre de gravité" du conflit : les locaux. Dans les coulisses, les unités d’opérations spéciales assumaient déjà des rôles de plus en plus importants. Néanmoins, il y a eu beaucoup de "bottes sur le terrain" et des pertes relativement élevées dans les unités conventionnelles comme la mienne.

    Les temps ont changé. Les invasions à grande échelle et les occupations de longue durée, ainsi que le COIN comme remède à la guerre contre le terrorisme, sont depuis longtemps tombés en désuétude. Lors du second mandat de Barack Obama, ces campagnes impopulaires et coûteuses ont été abandonnées. Pourtant, plutôt que de repenser l’efficacité de l’interventionnisme impérial, Washington s’est contenté de substituer de nouvelles méthodes en les faisant passer pour la dernière stratégie de succès.

    Au moment où Donald Trump a prononcé son discours inaugural sur le "carnage américain", le fardeau de la guerre de Washington s’était renversé. Lorsque j’ai servi en Irak et en Afghanistan, environ la moitié de la quarantaine de brigades de combat de l’armée était déployée sur ces deux théâtres régionaux à tout moment. Les autres s’entraînaient en vue de leurs prochaines rotations et figuraient déjà sur le "carte de déploiement" où le logo de chaque unité indiquait son futur déploiement prévu. C’est la vie sur le tapis roulant de la guerre américaine qu’a vécu une génération de soldats comme moi. En janvier 2017, cependant, le nombre de brigades conventionnelles déployées dans la guerre contre le terrorisme pouvait être compté sur les doigts d’une main.

    Par exemple, la dernière série de déploiements de l’armée, annoncée en avril dernier, ne comprenait que six brigades. Deux d’entre elles étaient des unités d’aviation et, parmi les forces terrestres, une se dirigeait vers l’Europe, une autre vers le Koweït. En d’autres termes, seules deux brigades de combat terrestres étaient prévues pour l’Irak, la Syrie ou l’Afghanistan et l’une d’entre elles était une Brigade d’assistance aux forces de sécurité reconstituée - essentiellement un équipage réduit d’officiers et de sous-officiers destiné à former et à conseiller les troupes locales. Pendant ce temps, les forces d’opérations spéciales du Pentagone, qui avaient alors dépassé les 70 000, un chiffre si important qu’on peut se demander si elles sont encore "spéciales". Les commandos américains portent aujourd’hui le fardeau des déploiements de guerre éternelle et des (modestes) pertes.

    Un système de guerre à deux niveaux

    Lorsque le virus a frappé, le Pentagone développait depuis longtemps une machine militaire à double fonction, avec deux rôles séparés et largement distincts. Les commandos - avec l’aide de drones, de paramilitaires de la CIA, de mandataires locaux et d’entreprises de sécurité privées - ont continué à mener la guerre contre le terrorisme. Ils étaient généralement chargés de gérer la partie la plus meurtrière de la guerre américaine, de lancer des frappes aériennes, tout en entraînant, conseillant et parfois même en dirigeant des forces locales souvent violentes.

    Les brigades conventionnelles de service actif - réduites à 32 - se sont vu confier une tâche bien différente : préparer une future guerre froide remaniée avec la Russie et, de plus en plus, la Chine. Cet effectif - infanterie, brigades blindées et escadrons de porte-avions de la marine - avait la "nouvelle" mission, prétendument vitale, de contrôler, contenir ou défier Moscou en Europe de l’Est et Pékin en mer de Chine méridionale. Les hauts généraux et les amiraux étaient à l’aise avec ces tâches de style guerre froide (la plupart ayant été nommés au milieu des années 1980). Cependant, vues de la Russie ou de la Chine, de telles missions paraissaient de plus en plus provocantes, car de plus en plus de soldats, de chars et de navires de guerre américains étaient régulièrement déployés dans les anciennes républiques soviétiques ou, dans le cas de la marine, dans les eaux du Pacifique occidental qui jouxtent la Chine, rendant le risque d’une escalade accidentelle encore plus concevable.

    Pendant ce temps, ces opérateurs spéciaux de l’ombre dirigeaient les guerres meurtrières et autres conflits en cours, qui, bien que n’ayant reçu que peu d’attention dans ce pays, semblaient manifestement contre-productifs, pour ne pas dire impossibles à gagner. Pour le Pentagone et les profiteurs du complexe militaro-industriel, cependant, de tels conflits sans fin, ainsi qu’une nouvelle concentration de pouvoirs, devenaient la poule aux oeufs d’or, un modus operandi à deux niveaux pour un financement de guerre sans fin.

    Puis vint le coronavirus.

    De sang-froid

    D’une certaine manière, la guerre américaine sera, à l’avenir, de plus en plus souvent menée de sang-froid. Alors que le Covid-19 se propage de façon virale par les airs, la maladie de la guerre sans fin continue d’être véhiculée par le sang (même si le sang américain est de moins en moins présent), ce qui fait que le combat de type distanciation sociale de l’avenir pourrait devenir plus abstrait encore.

    En outre, les guerriers post-pandémie préférés de ce futur ne seront peut-être pas des soldats en uniforme, spéciaux ou autres, ou nécessairement américains - ou dans certains cas (pensez aux drones et aux futures armes robotisées) humains. Les combats américains ont déjà été de plus en plus privatisés. Tout récemment, Erik Prince, l’ancien PDG de la société militaire privée Blackwater, un allié influent de Trump ainsi que le frère de la secrétaire à l’éducation Betsy DeVos, a présenté au président un plan farfelu pour privatiser toute la guerre en Afghanistan.

    Donald Trump a décliné l’offre, mais le fait qu’elle ait même été envisagée à un niveau aussi élevé suggère que le rôle des entrepreneurs privés et des soldats de fortune dans les futures guerres américaines pourrait bien perdurer. En ce sens, le récent fiasco d’un raid armé mené par d’anciens bérets verts devenus mercenaires et visant le gouvernement vénézuélien de Nicolás Maduro peut s’avérer être autant un présage de l’avenir qu’une farce.

    Lorsque des membres des services américains en uniforme sont jugés nécessaires, la tendance à n’en utiliser qu’une poignée pour faire fonctionner une machine de guerre de plus en plus par procuration va probablement s’accélérer. Ces équipes s’inscriront bien dans les directives de santé publique limitant les rassemblements à 10 personnes. Par exemple, les stations de contrôle au sol des drones, essentiellement des remorques mobiles, ne nécessitent que deux opérateurs. De même, la dernière branche de la cyberguerre de l’armée (formée en 2015) ne sera peut-être pas composée de hackers tels qu’imaginés par Donald Trump (" un type assis sur son lit qui pèse 200kg "), mais eux aussi travailleront en petites équipes à l’étranger, et à grande distance. Les forces spéciales de l’armée, composées de 12 Bérets verts chacune, pousseront un peu plus loin ces directives, ce qui pourrait s’avérer être la base d’une nouvelle version américaine de la guerre post-pandémique.

    Le plus inquiétant est que les méthodes de guerre américaines de distanciation sociale fonctionneront sans doute assez bien sans que les groupes terroristes n’en souffrent plus qu’ils ne le faisaient dans les versions précédentes de la guerre éternelle, ni que les conflits ethno-religieux locaux soient résolus ou que la vie des Africains ou des Arabes soit améliorée. Comme leurs prédécesseurs, les futures guerres américaines menées de sang-froid échoueront, mais avec efficacité et, du point de vue du complexe militaro-industriel, de façon lucrative.

    Voilà, bien sûr, le paradoxe profond et tragique de tout cela. Comme le coronavirus aurait dû nous le rappeler, les véritables menaces existentielles pour les États-Unis (et l’humanité) - pandémies, un éventuel Armageddon nucléaire et le changement climatique - seront insensibles aux outils militaires habituels de Washington. Quel que soit le nombre de navires de guerre, de brigades d’infanterie et de blindés, ou d’équipes de commando, aucun d’entre eux n’aura une chance contre des virus mortels, la montée des eaux ou les retombées nucléaires. Ainsi, la pléthore de chars, de porte-avions (eux-mêmes des bouillons de culture pour tout virus) et les tonnes d’argent du Pentagone (qui manquent cruellement ailleurs) seront, à l’avenir, les monuments d’une ère de délires américains.

    Un système rationnel (ou moral) avec un semblant de contrôle législatif ou de participation citoyenne authentique pourrait répondre à ces réalités flagrantes en repensant le paradigme de la sécurité nationale et en mettant un terme à l’état de guerre. Malheureusement, si le passé impérial de l’Amérique constitue un précédent, ce qui nous attend, c’est la poursuite de l’évolution de la guerre impériale du XXIe siècle jusqu’à la fin des temps.

    Guerre post-pandémique

    Pourtant, Covid-19 pourrait sonner le glas de la guerre américaine telle qu’elle est imaginée classiquement. Les futurs combats, même s’ils sont largement dirigés depuis Washington, pourront n’être que vaguement "américains". Peu de citoyens en uniforme pourraient y prendre part et encore moins en mourir.

    Au cours de la longue phase finale des guerres qui ne se terminent jamais vraiment, les pertes militaires américaines continueront certainement à se produire dans des cas occasionnels - souvent dans des endroits éloignés où peu d’Américains se rendent compte que leur pays se bat (comme avec ces quatre soldats américains tués dans une embuscade au Niger en 2018 et le soldat de l’armée et deux entrepreneurs privés tués au Kenya au début de cette année). De telles pertes américaines minuscules offriront en fait à Washington une plus grande marge de manœuvre pour intensifier discrètement ses attaques de drones, sa puissance aérienne, ses raids et ses meurtres, comme cela s’est déjà produit en Somalie, avec supposément toujours moins de surveillance ou d’attention de la part du public. Comme dans la Corne de l’Afrique ces derniers temps, le Pentagone n’aura même pas besoin de se donner la peine de justifier l’escalade de ses guerres. Ce qui soulève une sorte d’énigme "si un arbre tombe dans la forêt et qu’il n’y a personne..." : si les États-Unis tuent des basanés dans le monde entier, mais que personne ne le remarque, le pays est-il toujours en guerre ?

    À l’avenir, les décideurs politiques et le public pourraient traiter la guerre avec le même degré de légitimité et d’abstraction qu’une commande passée sur Amazon (surtout en cas de pandémie) : Cliquez sur un bouton, attendez un colis livré à toute vitesse, et ne pensez pas à ce que ce clic a déclenché ni au sacrifice requis pour le passage à l’acte.

    Seulement en temps de guerre, une chose au moins reste constante : beaucoup de gens se font tuer. Le peuple américain peut laisser ses guerres à des "volontaires" professionnels non représentatifs, dirigés par une présidence impériale incontrôlée qui les sous-traite de plus en plus à des machines, des mercenaires et des milices locales. Une chose est cependant garantie : certaines pauvres âmes se trouveront sous les bombes et face aux canons des fusils.

    Dans les batailles contemporaines, il est déjà exceptionnellement rare qu’un Américain en uniforme se retrouve dans une telle situation. Nous sommes au milieu de l’année 2020, et seuls huit militaires américains ont été tués par des tirs hostiles en Irak et en Afghanistan réunis. Pourtant, plusieurs milliers de personnes continuent d’y mourir. Personne ne veut que les troupes américaines meurent, mais il y a quelque chose d’obscène - et de moralement troublant - dans l’énorme disparité des victimes implicite dans le développement de l’American way of war du XXIe siècle, celui qui, dans un monde Covid-19, est de plus en plus combattu d’une manière socialement distante.

    Poussés à un extrême inimaginable, les Américains devront se préparer à un avenir où leur gouvernement tuera et détruira à l’échelle mondiale sans qu’un seul membre des forces armées ne meure au combat. Après la pandémie, en d’autres termes, parler de "mettre fin" aux guerres éternelles de ce pays pourrait ne s’avérer qu’un simple exercice de sémantique.

    Danny Sjursen

    Danny Sjursen est un officier de l’armée américaine à la retraite et rédacteur en chef adjoint de Antiwar.com. Son travail a été publié dans le NY Times, le LA Times, The Nation, Huff Post, The Hill, Salon, Popular Resistance et Tom Dispatch, entre autres publications. Il a servi dans des unités de reconnaissance en Irak et en Afghanistan et a ensuite enseigné l’histoire à son alma mater, West Point. Il est l’auteur d’un mémoire et d’une analyse critique de la guerre en Irak, Ghostriders of Baghdad : Soldiers, Civilians, and the Myth of the Surge. Son livre à paraître, Patriotic Dissent : America in the Age of Endless War est maintenant disponible en précommande.

    Traduction "guerres ? quelles guerres ?" par VD pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles

    »» https://scheerpost.com/2020/06/08/danny-sjursen-the-end-of-war-as-we-know-it/
    URL de cet article 36232
    https://www.legrandsoir.info/la-fin-de-la-guerre-telle-que-nous-la-connaissons.html
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    En répétant comme un perroquet les mensonges concoctés par Israël et son réseau de soutien, von Schnurbein enfreint le statut du personnel de l’UE qui interdit à ses fonctionnaires de suivre les instructions émises par des gouvernements extérieurs.

    Katharina von Schnurbein, coordinatrice de l’Union européenne contre l’antisémitisme, a relevé les défis posés par le confinement COVID-19.

    Dans l’impossibilité de papoter avec les lobbyistes pro-israéliens en face à face, elle est restée en contact avec eux en ligne.

    K. von Schnurbein et ses interlocuteurs privilégiés de B’nai B’rith, qui se décrit comme « la voie mondiale de la communauté juive » et qui, sous couvert de lutte contre l’antisémitisme, est un puissant lobby pro-Israël revendiqué.

    Von Schnurbein semble avoir favorisé les défenseurs d’Israël depuis qu’elle a été nommée à son poste actuel en décembre 2015. Mais a-t-elle – elle est censée être une fonctionnaire – un mandat pour le faire ?

    Après une longue bataille, j’ai finalement réussi à obtenir la description de poste établie pour M. von Schnurbein par l’administration de l’UE (voir ici en fin de l’article original).

    Ce document – qui décrit ses principales tâches et responsabilités – ne fait pas une seule fois référence à Israël.

    Cette omission est curieuse car il y a de fortes raisons de soupçonner que le poste de Mme von Schnurbein a été créé dans le seul – ou du moins le principal – objectif de plaire à Israël et à ses partisans.

    L’idée même de la nomination par l’UE d’un coordinateur contre l’antisémitisme a été proposée lors d’un événement organisé par le ministère israélien des Affaires étrangères au début de l’année 2015.

    Une pensée tordue

    La description du poste de von Schnurbein – publiée ci-dessous – l’engage à « assurer une liaison étroite avec la communauté juive » et à sensibiliser les décideurs politiques de l’UE aux préoccupations de cette communauté.

    L’expression « communauté juive » n’est pas un synonyme d’Israël.

    En effet, traiter la « communauté juive » comme un synonyme d’Israël serait antisémite. Cela rendrait les Juifs d’Europe responsables de l’oppression des Palestiniens par Israël.

    Et si la bureaucratie bruxelloise utilise en fait les termes « communauté juive » et « Israël » de manière interchangeable, elle est coupable de la même pensée tordue qui imprègne l’élite américaine.

    Joe Biden et Donald Trump ont tous deux suggéré que les Juifs des États-Unis sont indissociables d’Israël.

    Les communautés juives ne sont pas monolithiques de part et d’autre de l’Atlantique.

    Les Juifs d’Europe ont des opinions différentes sur Israël, mais von Schnurbein et ses collègues ont cherché à déformer cette réalité. Les Juifs qui critiquent Israël et son idéologie d’État, le sionisme, ont été exclus des délibérations de l’UE sur l’antisémitisme.

    Von Schnurbein travaille au département de la justice de la Commission européenne – l’exécutif de l’UE. Son travail est censé être guidé par une charte des droits.

    Cette charte défend le droit d’avoir et d’exprimer des opinions et des idées « sans ingérence de l’autorité publique ».

    Loin de respecter ce droit, M. von Schnurbein a tenté de contrôler les opinions critiques à l’égard d’Israël.

    Un mensonge scandaleux

    Elle a fait des allégations fausses et malveillantes contre les militants de la solidarité avec la Palestine, en particulier ceux qui appellent au boycott, au désinvestissement et aux sanctions.

    L’année dernière, elle a pris la parole lors du lancement à Bruxelles d’une « étude » du gouvernement israélien sur le mouvement BDS.

    Dans ses commentaires, elle a accusé les militants du BDS de critiquer le chanteur Matisyahu parce qu’il est juif. C’était un mensonge scandaleux.

    La vérité est que Matisyahu a été condamné par les militants parce qu’il a collecté des fonds pour l’armée israélienne et applaudi l’attaque d’une flottille naviguant vers Gaza – et non à cause de sa religion ou de son ethnicité.

    Et en 2018, von Schnurbein a fait fi de la neutralité politique exigée des fonctionnaires européens pour régurgiter les points de discussion du lobby israélien en diffamant un membre élu du Parlement européen comme étant antisémite.

    Le législateur avait organisé un événement avec un orateur palestinien en dépit des objections des groupes de pression israéliens.

    Le statut du personnel de l‘UE interdit à ses fonctionnaires de suivre les instructions émises par des gouvernements extérieurs.

    En répétant comme un perroquet les mensonges concoctés par Israël et son réseau de soutien, von Schnurbein enfreint ces règles.

    Comment s’en tire-t-elle ? L’explication la plus plausible est qu’elle bénéficie du soutien de la hiérarchie de l’UE.

    Pendant la majeure partie des cinq dernières années, Mme von Schnurbein a été responsable devant Vera Jourova, la membre tchèque de la Commission européenne. Jourova a calomnié le mouvement de solidarité avec la Palestine en utilisant des termes extrêmement similaires, voire identiques, à ceux de von Schnurbein.

    J’ai essayé d’obtenir la description de poste de von Schnurbein depuis 2018. Lorsque j’ai fait ma première demande de liberté d’information, la Commission européenne a refusé de divulguer le document.

    Mais elle a fini par accepter de le faire après que j’ai saisi le médiateur de l’UE, qui est en principe un défenseur des droits des citoyens.

    J’avais argumenté que la description de poste devait être mise à disposition afin d’évaluer si Mme von Schnurbein avait été officiellement chargée de poursuivre un programme pro-israélien.

    La réponse de la Commission européenne à cet argument témoigne d’un mépris pour la démocratie.

    Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission, a répondu que c’était le travail de la hiérarchie de l’UE d’examiner le travail de von Schnurbein. Le grand public, a laissé entendre Mme von der Leyen, n’a pas à s’inquiéter de ces questions.

    Il est révélateur que la Commission européenne n’ait pas essayé de nier que von Schnurbein agit dans l’intérêt d’Israël.

    Les preuves pourraient-elles être si solides que personne ne puisse les réfuter ?

      Auteur : David Cronin                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                         Traduction : MR pour ISM                                                                                                                                             - Source : The Electronic Intifada                                                                                                                                 http://www.zejournal.mobi/index.php/news/show_detail/20415

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    L’ancien journaliste de Reuters Dean Yates était responsable du bureau de Bagdad lorsque ses collègues irakiens Namir Noor-Eldeen et Saeed Chmagh ont été tués. Une vidéo de WikiLeaks intitulée "Collateral Murder" (Meurtre collatéral) a ensuite révélé les détails de leur mort

    Malgré les innombrables propos de l’armée américaine sur l’assassinat des journalistes irakiens de Reuters Namir Noor-Eldeen et Saeed Chmagh, leur collègue Dean Yates en a deux à lui : "Tout n’était que mensonges ."

    L’ancien chef du bureau de l’agence Reuters à Bagdad en a également encrés sur son bras - une déclaration permanente sur la façon dont ces mensonges "m’ont foutu en l’air", alors qu’il a d’abord blâmé Namir - injustement - et ensuite lui-même pour les meurtres.

    Le tatouage sur son épaule gauche est un ruban vert bouclé portant les mots "IraqBali et Aceh". Aux points opposés du ruban sont inscrits PTSD et Fight BackMoral injury et 12 juillet 2007.

    L’expérience de Yates lors des attentats à la bombe de Bali en 2002 et du tsunami du lendemain de Noël en 2004 a été à l’origine de son stress post-traumatique, mais le 12 juillet 2007 est le jour qui a changé irrévocablement sa vie - tout en mettant fin violemment à celle de Namir et de Saeed. C’est aussi le jour qui l’a lié par un fil de vérité au co-fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, qui allait devenir, trois ans plus tard, le hacker-éditeur-activiste le plus tristement [sic !- NdT] célèbre du monde avec la divulgation de milliers de secrets militaires américains classés.

    Parmi eux figurait une vidéo de WikiLeaks intitulée Collateral Murder, filmée depuis un hélicoptère Apache de l’armée américaine alors qu’il mettait en pièces Namir, 22 ans, et Saeed, 40 ans, ainsi que neuf autres hommes, tout en blessant gravement deux enfants.

    Les États-Unis poursuivent leurs efforts juridiques pour extrader [kidnapper - NdT] Assange d’une prison britannique, où il est placé en détention préventive dans un état de santé précaire, afin de répondre à des allégations d’espionnage. Il est instructif de noter que l’acte d’accusation américain détaillé de 37 pages ne mentionne pas Collateral Murder - la vidéo qui a causé au gouvernement et à l’armée américains plus de dommages à leur réputation que tous les autres documents secrets réunis, et qui a fait de WikiLeaks et d’Assange le principal ennemi mondial du secret d’État.

    Les États-Unis craignent-ils que la référence à cette vidéo ne donne lieu à des accusations de crimes de guerre contre le personnel militaire impliqué dans l’attaque ? Il est certain que le fait d’inclure la vidéo dans le dossier de l’accusation contre M. Assange ne pourrait que justifier son rôle dans la révélation des mensonges de l’armée américaine sur les meurtres horribles.

    De fortes lamentations ont éclaté

    Au début du 12 juillet 2007, M. Yates s’est assis dans le "bureau des créneaux" du bureau de Reuters dans la zone rouge de Bagdad. Il était prêt à faire face aux événements habituels : un attentat à la voiture piégée alors que les Irakiens se rendaient au travail, une frappe militante sur un marché, la police ou l’armée irakienne. C’était plus calme que d’habitude.

    Yates se souvient : "Je me souviens encore du visage angoissé du collègue irakien qui a défoncé la porte. Un autre collègue a traduit : "Namir et Saeed ont été tués."

    Le personnel de Reuters s’est rendu en voiture dans le quartier d’al-Amin où Namir avait dit à ses collègues qu’il allait vérifier une possible attaque aérienne américaine à l’aube. Des témoins ont déclaré que Namir, un photographe, et Saeed, un chauffeur/réparateur, avaient été tués par les forces américaines, probablement lors d’une attaque aérienne au cours d’un affrontement avec des militants.

    Yates a envoyé un e-mail au porte-parole de l’armée américaine en Irak et a téléphoné à un rédacteur en chef de Reuters pour lui annoncer la nouvelle.

    Alors que le bureau était dans une crise de colère et de deuil, Yates devait encore écrire les premiers articles sur les deux hommes tués sous sa surveillance. Il a d’abord écrit qu’ils étaient morts dans ce que la police irakienne appelait "l’action militaire américaine".

    Yates raconte : "Les photos prises par nos photographes et cameramen montraient un minivan sur les lieux, dont l’avant était mutilé par une puissante force de percussion ... Il y avait beaucoup de choses que nous ne savions pas. Les soldats américains avaient saisi les deux appareils photo de Namir, nous ne pouvions donc pas vérifier ce qu’il avait photographié".

    En début de soirée, le porte-parole militaire n’avait toujours pas répondu. Yates a fait pression pour qu’il réponde - et pour que les appareils photo de Namir lui soient rendus. Peu après minuit, l’armée américaine a publié une déclaration en gros titre : "Lors de combats à New Baghdad, les forces américaines et irakiennes tuent 9 insurgés, en détiennent 13".

    Elle citait un lieutenant américain qui disait : "Neuf insurgés ont été tués lors de la fusillade qui a éclaté. Un insurgé a été blessé et deux civils ont été tués au cours de la fusillade. Les deux civils étaient des employés du service d’information de Reuters. Il ne fait aucun doute que les forces de la coalition étaient clairement engagées dans des opérations de combat contre une force hostile".

    Yates, secouant la tête, déclare : "Les affirmations américaines selon lesquelles Namir et Saeed ont été tués lors d’un échange de tirs n’étaient que des mensonges. Mais je ne le savais pas à l’époque, alors j’ai modifié mon article pour tenir compte de la déclaration de l’armée américaine".

    Ce fut une période choquante pour le personnel local des organisations de presse étrangères à Bagdad. Le 13 juillet, le jour des funérailles de Namir et de Saeed, Khalid Hassan, reporter/traducteur du New York Times, a été abattu.

    Après les funérailles, Yates a fait pression sur l’armée américaine pour obtenir les caméras de Namir et l’accès aux caméras et aux enregistrements air-sol concernant l’Apache qui a tué ses collègues.

    Le 14 juillet, Yates a appris que des militants avaient assassiné un traducteur irakien de Reuters.

    Dans le but de sauver la vie de ses employés, il a commencé à collaborer avec d’autres responsables d’organismes de presse étrangers afin d’engager le dialogue avec l’armée américaine pour mieux comprendre ses règles d’engagement.

    "Nous avons traité avec eux en toute bonne foi", dit-il. "Au final, ce n’était qu’une farce."

    Meurtre de sang-froid

    Le 15 juillet, l’armée américaine a rendu les caméras de Namir. Namir avait photographié les conséquences d’un tir précédent et, quelques minutes plus tard (juste avant sa mort), des Humvees de l’armée américaine à un carrefour proche. Il n’y avait pas de photos de tireurs insurgés ni d’affrontements avec les forces américaines. Les date et heure montrent que trois heures après la mort de Namir, son appareil photo a photographié un soldat américain dans un baraque ou une tente. Les troupes qui ont nettoyé la scène du crime ont manifestement joué avec ses appareils photo après la mort de Namir.

    L’équipe de Reuters avait déjà parlé à 14 témoins à al-Amin. Tous ont déclaré qu’ils n’avaient pas connaissance d’une fusillade qui aurait pu provoquer l’attaque de l’hélicoptère.

    Yates se souvient : "Les mots qui n’ont cessé de se former sur mes lèvres étaient "meurtre de sang-froid"."

    Le personnel irakien de Reuters, quant à lui, craignait que le bureau soit trop mou envers l’armée américaine. "Mais je ne pouvais écrire que ce que nous pouvions établir et l’armée américaine insistait sur le fait que Saeed et Namir avaient été tués lors d’un affrontement", dit Yates.

    La réunion qui l’a mis sur la voie d’une culpabilité et d’un sentiment de culpabilité destructeurs, paralysants - et finalement suicidaires - "qui m’ont fondamentalement foutu en l’air pendant les 10 années suivantes", le laissant dans un état de "préjudice moral", s’est déroulée au quartier général de l’armée américaine dans la zone verte le 25 juillet.

    Yates et un collègue de Reuters ont rencontré les deux généraux américains qui avaient supervisé l’enquête sur les meurtres de Namir et de Saeed.

    Ce fut une longue réunion, officieuse. Les généraux ont révélé une foule de détails, leur disant qu’un bataillon américain avait recherché les milices responsables des bombes de bord de route. Ils avaient fait appel à des hélicoptères de soutien après avoir essuyé des tirs. Un Apache avait l’indicatif d’appel Crazy Horse 1-8.

    "Ils ont décrit un groupe d’hommes repérés par cet Apache," dit Yates. Certains semblaient être armés et le Crazy Horse 1-8 ... avait demandé la permission de tirer parce qu’on nous avait dit que ces hommes étaient des "hommes d’âge militaire" ... et qu’ils semblaient avoir des armes et qu’ils agissaient de façon suspecte. On nous a donc dit que ces hommes sur le terrain ont été attaqués."

    Les généraux leur ont montré des photos de ce qui avait été collecté après la fusillade, dont "deux AK-47 [fusils d’assaut], un lance-roquettes et deux appareils photo".

    "Je me suis demandé pendant de nombreuses années quelle part de cette réunion avait été soigneusement chorégraphiée pour que nous repartions avec une certaine impression de ce qui s’était passé. Eh bien, pendant un certain temps, ça a marché", dit Yates.

    Il y a eu des discussions sur ce qui autorisait Crazy Horse 1-8 à ouvrir le feu alors qu’il n’y avait pas d’échanges de tirs. L’un des généraux a insisté sur le fait que les morts étaient "d’âge militaire" et, parce qu’ils étaient apparemment armés, ils "exprimaient donc une intention hostile".

    Yates dit : "Puis ils ont dit, ’OK, nous allons vous montrer quelques images de la caméra du Crazy Horse 1-8’".

    Les généraux leur ont montré environ trois minutes de vidéo, en commençant par un groupe comprenant Saeed et Namir dans la rue.

    "Nous avons entendu le pilote demander la permission de tirer." Après que le pilote ait reçu la permission, les hommes ne sont plus visibles. L’hélicoptère se déplace pour avoir une vue dégagée.

    Yates raconte : "Lorsque l’hélicoptère tourne en rond, on peut voir Namir se diriger vers un coin et s’accroupir en tenant quelque chose - son appareil photo à objectif long - et prendre des photos de Humvees. L’un des membres de l’équipage dit : "Il a une grenade"... Il est clairement agité. Et puis 15, 20 secondes plus tard, l’équipage a une vue dégagée... Je regarde Namir accroupi avec son appareil photo que le pilote pense être un lance-roquettes et ils sont sur le point d’ouvrir le feu. Je vois alors un homme que je crois être Saeed qui s’éloigne et qui parle au téléphone. Puis des tirs les touchent. J’ai la tête dans les mains ... Les généraux arrêtent la bande."

    Les généraux ont minimisé un incident qui s’était déroulé peu après, en disant qu’une camionnette s’était arrêtée et que le Crazy Horse 1-8 a estimé qu’elle aidait les insurgés, en leur récupérant leurs corps et leurs armes.

    "A un moment donné, après avoir regardé ces images, je me suis dit que si l’hélicoptère avait ouvert le feu, c’était parce que Namir regardait dans le coin. J’en suis venu à blâmer Namir pour cette attaque, pensant que l’hélicoptère avait tiré parce qu’il s’était fait passer pour suspect et cela a juste effacé de ma mémoire le fait que l’ordre d’ouvrir le feu avait déjà été donné. Ils allaient ouvrir le feu de toute façon. Et la seule personne qui a récupéré ça, c’est Assange. Le jour où il a diffusé la cassette [5 avril 2010], il a dit que l’hélicoptère avait ouvert le feu parce qu’il avait demandé et obtenu une autorisation. Et il a dit quelque chose comme : "Si c’est dans le respect des règles d’engagement, alors les règles d’engagement sont mauvaises."

    Reuters a demandé l’intégralité de la vidéo. Le général a refusé, disant que Reuters devait la demander en vertu des lois sur la liberté d’information. L’agence l’a fait, mais ses demandes ont été refusées.

    Au cours de l’année suivante, Yates a vérifié si elle avait été publiée. Pendant ce temps, lui et d’autres dirigeants d’agences de presse étrangères ont continué leurs réunions de bonne foi avec divers généraux américains afin d’améliorer la sécurité de leur personnel à Bagdad.

    À l’occasion de l’anniversaire des assassinats de Namir et de Saeed, Yates a voulu rompre l’accord officieux avec les généraux. Il a fait valoir qu’il s’était écoulé suffisamment de temps pour que le Pentagone remette la cassette à Reuters. Ses supérieurs ont insisté pour que l’accord soit respecté. Un passage de l’article qu’il a écrit pour l’anniversaire disait : "La vidéo de deux hélicoptères américains Apache et des photographies de la scène ont été montrées aux rédacteurs de Reuters à Bagdad le 25 juillet 2007 lors d’un briefing officieux."

    Yates est resté à Bagdad jusqu’en octobre 2008. Il n’a pas reçu la vidéo complète. Reuters a continué à la demander. Yates a été réaffecté à Singapour. Il présentait des symptômes de stress post-traumatique, notamment une aversion au bruit et un engourdissement émotionnel. Il évitait tout ce qui avait trait à l’Irak et avait des troubles du sommeil.

    Le 5 avril 2010, lorsque Wikileaks a publié Collateral Murder au National Press Club de Washington, se rendant ainsi célèbres (et exposant la façon dont les États-Unis ont mené la guerre en Irak sur le terrain), Yates était hors de portée, se promenant dans le parc national de Cradle Mountain pendant des vacances en Tasmanie avec sa femme, Mary, et leurs enfants.

    Namir et Saeed seraient restés des statistiques oubliées dans une guerre qui a tué d’innombrables combattants irakiens, des centaines de milliers de civils et plus de 4 400 soldats américains, sans Chelsea Manning, analyste du renseignement militaire américain à Bagdad. En février 2010, Chelsea Manning, alors âgée de 23 ans, découvre la vidéo Crazy Horse 1-8 et la transmet à WikiLeaks. Le mois précédent, Manning avait divulgué à WikiLeaks 700 000 documents militaires américains classifiés sur les guerres en Irak et en Afghanistan. Assange a dévoilé la vidéo Crazy Horse 1-8 (une version de 17 minutes et la version complète de 38 minutes sont toujours sur le site de WikiLeaks). La vidéo a été reprise par des milliers d’organisations de presse dans le monde entier, suscitant l’indignation et la condamnation mondiales des tactiques militaires américaines en Irak - et faisant de WikiLeaks un diseur de vérité controversé, un éditeur et un ennemi critique du secret d’État. WikiLeaks a ensuite rendu publique la base de données contenant 700 000 documents.

    Regardez ces salauds morts

    Collateral Murder est un spectacle affligeant. Le carnage provoqué par les tirs de canons de 30 mm de l’hélicoptère Apache est dévastateur. La vidéo montre l’artilleur qui suit Namir alors qu’il trébuche et tente de se cacher derrière des ordures avant que son corps n’explose au moment où les projectiles frappent la maison.

    Les paroles de l’équipage sont écoeurantes.

    Il y a cela, après que Namir et d’autres aient été déchiquetés :

    - "Regardez ces salauds morts."
    - "Joli."

    Et ça :

    - "Joli tir."
    - "Merci."

    Saeed survit aux premiers tirs. L’hélicoptère continue de tourner, avec Saeed dans son viseur, alors qu’il rampe, gravement blessé et désespéré de vivre.

    "Allez mon pote... tout ce que tu as à faire, c’est de prendre une arme", dit l’artilleur, impatient d’en finir avec Saeed.

    Une camionnette s’arrête. Deux hommes, dont le chauffeur (dont les enfants sont à l’arrière), aident Saeed, qui est mourant, à monter dans la camionnette.

    On entend encore des discussions agitées au sujet de la camionnette. Le Crazy Horse 1-8 ne tarde pas à l’attaquer.

    "Ouais, regarde ça. En plein dans le pare-brise."

    Deux jours après la diffusion de la vidéo par Assange, Yates émerge de Cradle Mountain. Il a mis des heures à allumer son téléphone et à vérifier ses courriels, pour finalement apprendre l’existence de Collateral Murder dans un journal local.

    "C’était l’horreur totale - Saeed essayait de se relever depuis environ trois minutes quand ce bon samaritain s’est arrêté avec sa fourgonnette et que l’Apache a ouvert le feu et les a simplement éliminés - c’était totalement traumatisant".

    Yates a immédiatement pensé : "Ils [l’armée américaine] nous ont baisés. Ils nous ont juste baisés. Ils nous ont menti. Ce n’était que des mensonges."

    Le jour de la publication de Collateral Murder, un porte-parole du Commandement central américain a déclaré qu’une enquête sur l’incident peu après qu’il se soit produit a révélé que les forces américaines n’étaient pas au courant de la présence des journalistes et pensaient qu’ils engageaient des insurgés armés.

    "Nous regrettons la perte de vies innocentes, mais cet incident a fait l’objet d’une enquête rapide et il n’y a jamais eu de tentative de dissimulation d’un quelconque aspect de cet engagement".

    L’article publié par Reuters sur les meurtres collatéraux reprend la phrase de l’article du premier anniversaire de Yates : "Des vidéos de deux hélicoptères américains Apache et des photographies de la scène ont été montrées aux rédacteurs de Reuters à Bagdad le 25 juillet 2007 lors d’un briefing officieux."

    Le personnel irakien de Reuters, indigné, était resté sous l’impression que Yates avait vu la vidéo dans son intégralité.

    "Je déteste l’admettre, mais c’était pour moi l’occasion de rétablir les faits et je ne l’ai pas fait", déclare Yates. J’aurais dû prendre le téléphone et dire à Reuters "nous ne pouvons pas laisser passer ça et nous devons dire ce que nous savons".

    Dans un courriel adressé à un rédacteur en chef ce soir-là, Yates a écrit : "Je pense que nous devons insister fortement sur la question de la transparence auprès de l’armée américaine ... Quand je repense à cette réunion avec deux généraux à Bagdad ... je me sens trompé ... ils n’ont pas été honnêtes ... Nous avons ensuite rencontré l’armée à plusieurs reprises pour travailler à l’amélioration de la sécurité des journalistes en Irak".

    Le rédacteur en chef a répondu : "Je comprends que c’est terrible pour vous. Prenez bien soin de vous, soyez assurés que nous ne laisserons pas tomber".

    Puis Yates a tourné la page.

    Il s’est installé en Tasmanie, a souffert de PTSD et, après trois séjours à l’hôpital Austin Health’s Pavillon 17 à Melbourne (une unité spécialisée dans le PTSD), il a dû faire face à sa douleur émotionnelle - le "traumatisme" qui s’exprime maintenant dans son tatouage sur l’épaule - après les décès de Namir et de Saeed. Reuters a payé pour son traitement et a accepté de lui créer le poste de responsable de la stratégie de santé mentale et de bien-être lorsqu’il ne pouvait plus travailler comme journaliste (il a maintenant quitté la société).

    C’est dans le Pavillon 17, en 2016 et 2017, qu’il a compris le préjudice moral qu’il subissait en accusant injustement Namir d’avoir poussé Crazy Horse 1-8 à ouvrir le feu. L’autre élément de son préjudice moral était lié à la honte qu’il ressentait de ne pas avoir protégé son personnel en découvrant le laxisme des règles d’engagement dans l’armée américaine avant qu’ils ne soient abattus - et de ne pas avoir révélé plus tôt qu’il savait à quel point les États-Unis avaient menti. Yates a fait la paix avec Namir et Saeed - et avec lui-même.

    Assange, dit-il, a fait connaître au monde la vérité sur les meurtres et a révélé le mensonge, chose que lui et d’autres n’avaient pas fait.

    "Ce qu’il a fait était un acte de vérité à 100%, révélant au monde entier à quoi ressemble la guerre en Irak et comment l’armée américaine mentait".

    Concernant l’accusation américaine contre Assange, Yates déclare : "Les États-Unis savent à quel point Collateral Murder est embarrassant, à quel point il est honteux pour l’armée - ils savent qu’il y a des crimes de guerre potentiels sur cette cassette, en particulier lorsqu’il s’agit de la fusillade du van ... Ils savent que les badinages entre les pilotes font écho au genre de langage que les enfants utiliseraient dans les jeux vidéo".

    Fight Back (Bats-toi), peut-on lire, tatoué sur l’épaule gauche de Yates.

    Dans le cadre de la tentative d’extradition [kidnapping, en réalité – NdT] d’Assange vers les États-Unis, il est probable que de nombreux autres mots seront prononcés sur les événements du 12 juillet 2007, les mensonges de l’armée américaine - et leur exposition par le biais du Collateral Murder.

    Paul Daley

    Traduction "l’armée US a couvert bien d’autres meurtres de journalistes, au cas où vous poseriez la question" par VD pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles

    »» https://www.theguardian.com/us-news/2020/jun/15/all-lies-how-the-us-mi...
    URL de cet article 36230
    https://www.legrandsoir.info/tout-n-etait-que-mensonges-comment-l-armee-americaine-a-couvert-l-assassinat-de-deux-journalistes-en-irak-the-guardian.html
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  • Le mariage de l’après-confinement et des protestations contre la mort George Floyd a nourri une bête sauvage encore immunisée contre toute forme de débat civilisé aux États-Unis : la Commune de Seattle.

    Que sont réellement la Zone Autonome de Capital Hill et la République Populaire ?

    Les communards sont-ils de simples idiots utiles ? S’agit-il d’une expérimentation d’un Occupy Wall Street affiné ? Pourrait-elle survivre, sur le plan logistique, et être reproduite à New York, L.A. et Washington ?

    Un Président Trump indigné l’a décrite comme un complot de « terroristes domestiques » dans une ville « dirigée par des Démocrates de gauche radicaux ». Il a appelé à « LA LOI ET L’ORDRE » (en majuscules, selon sa Tweetologie).

    Des nuances de la Syrie apparaissent visiblement à Seattle. Dans ce scénario, la Commune est une Idlib remixée combattant « les avant-postes anti-insurrectionnels du régime » (en terminologie communarde).

    Pour la plupart des factions de la droite américaine, Antifa équivaut à l’État Islamique. George Floyd est considéré non seulement comme un « martyr des Antifas communistes », comme me l’a dit un agent des renseignements, mais aussi comme un simple « criminel et trafiquant de drogue ».

    Alors quand les « forces du régime » frapperont-elles – dans ce cas sans couverture aérienne russe ? Après tout, comme l’a dicté le Secrétaire Esper, c’est au Pentagone de « dominer le champ de bataille ».

    Mais nous avons un problème. La Zone Autonome de Capital Hill (CHAZ) est soutenue par la ville de Seattle – dirigée par un Démocrate – qui est soutenue par le Gouverneur de l’État de Washington, également démocrate.

    Il n’y a aucune chance que l’État de Washington utilise la Garde Nationale pour écraser la CHAZ. Et Trump ne peut pas prendre le contrôle de la Garde Nationale de l’État de Washington sans l’approbation du Gouverneur, même s’il a tweeté « Reprenez votre ville MAINTENANT ». Si vous ne le faites pas, je le ferai. Ce n’est pas un jeu ».

    Il est intéressant de constater que la « contre-insurrection » peut être appliquée en Afghanistan et dans les zones tribales ; pour occuper l’Irak ; pour protéger le pillage du pétrole/gaz dans l’est de la Syrie. Mais pas à la maison. Même si 58% des Étasuniens y seraient favorables : pour beaucoup d’entre eux, la Commune peut être aussi mauvaise, sinon pire, que le pillage.

    Mais il y a aussi ceux qui s’y opposent fermement. Parmi eux : le « Boucher de Fallujah » le Chien Fou Mattis ; les adeptes de la révolution de couleur, la NED ; Nike ;

    JP Morgan ; tout l’establishment du Parti Démocratique ; et pratiquement tout l’establishment de l’Armée étasunienne.

    Bienvenue au mouvement « Seulement Occuper les Autres ».

    La question demeure : combien de temps « Idlib » pourra-t-elle défier le « régime » ? C’est suffisant pour causer à une « brute » présumée, le Procureur Général Barr, de nombreuses nuits blanches.

    Le vrai Black Power

    Trump et Barr ont déjà menacé de criminaliser Antifa en tant « qu’organisation terroriste » – alors que Black Lives Matter a peint un poignard jaune sur l’asphalte de la 16ème rue à Washington en direction de la Maison Blanche.

    Et cela nous amène à la légitimité générale dont jouit Black Lives Matter. Comment cela est-il possible ? Voici un bon point de départ.

    Black Lives Matter, fondée en 2013 par un trio de femmes noires de la classe moyenne, queer, très virulentes contre « l’hétéro-patriarcat », est un produit de ce que Peter Dauvergne, de l’Université de Colombie Britannique, définit comme la « corporatisation de l’activisme ».

    Au fil des ans, Black Lives Matter a évolué en tant que marque de marketing, comme Nike (qui soutient pleinement le mouvement). Les protestations généralisées de George Floyd l’ont élevée au statut de nouvelle religion. Pourtant, Black Lives Matter n’a aucun véritable attrait révolutionnaire. Rien à voir avec « Say It Loud, I’m Black and I’m Proud » de James Brown. Ce n’est même pas proche du « Power to the People » de Black Power et des Black Panthers.

    L’étalon-or des droits civils, le Dr Martin Luther King, en 1968, a défini de manière concise le cœur – structurel – de la question :

    « La révolution noire est bien plus qu’une lutte pour les droits des Noirs. Elle oblige les États-Unis à faire face à toutes ses failles interdépendantes : le racisme, la pauvreté, le militarisme et le matérialisme. Elle expose des maux qui sont profondément enracinés dans toute la structure de notre société. Elle révèle des défauts systémiques plutôt que superficiels et suggère que la reconstruction radicale de la société elle-même est le véritable problème à affronter ».

    Les Black Panthers, jeunes intellectuels extrêmement éloquents qui avaient mélangé Marx, Lénine, Mao, W.E.B. Du Bois, Malcolm X et Frantz « Les Damnés de la Terre » Fanon ont porté le diagnostic de MLK à un tout autre niveau.

    Comme l’a résumé le Ministre de l’Information des Panthers, Eldridge Cleaver :

    « Nous croyons en la nécessité d’un mouvement révolutionnaire unifié … informé par les principes révolutionnaires du socialisme scientifique ».

    Cela synthétise les idées de MLK, qui était, de manière cruciale, un partisan de l’indifférence des couleurs.

    Fred Hampton, la cible d’un assassinat d’État en décembre 1969, a fait en sorte que la lutte transcende la race :

    « Nous devons faire face à certains faits. Que les masses sont pauvres, que les masses appartiennent à ce que vous appelez la classe inférieure, et quand je parle de masses, je parle des masses blanches, je parle des masses noires, des masses métisses, et des masses jaunes aussi. Nous devons admettre que certains disent que le feu est le meilleur moyen de combattre le feu, mais nous disons que l’eau est le meilleur moyen d’éteindre le feu. Nous disons qu’on ne combat pas le racisme par le racisme. Nous allons combattre le racisme par la solidarité. Nous disons qu’on ne combat pas le capitalisme avec pas de capitalisme noir, mais qu’on combat le capitalisme avec le socialisme ».

    Donc ce n’est pas seulement une question de race. Ce n’est pas seulement une question de classe. Il s’agit du Pouvoir au peuple qui se bat pour la justice sociale, politique et économique dans un système intrinsèquement inégal. Cela développe l’analyse approfondie de Gerald Horne dans « The Dawning of the Apocalypse », où le XVIe siècle est entièrement disséqué, notamment le « mythe de la création » des États-Unis.

    Horne montre comment une invasion sanguinaire des États-Unis a engendré une résistance farouche des Africains et des populations indigènes alliées, affaiblissant l’Espagne impériale et permettant finalement à Londres d’envoyer des colons en Virginie en 1607.

    Comparons maintenant cette profondeur d’analyse avec le slogan modéré, presque suppliant, « Black Lives Matter ». On se souvient, une fois de plus, de l’acuité de Malcolm X :

    « Nous avions la meilleure organisation que l’homme noir ait jamais eue – les nègres l’ont ruinée ! »

    Pour résoudre la question de « Black Lives Matter », il faut, une fois de plus, suivre l’argent.

    Black Lives Matter a bénéficié en 2016 d’une énorme subvention de 100 millions de dollars de la Fondation Ford et d’autres piliers du capitalisme philanthropique tels que JPMorgan Chase et la Fondation Kellogg.

    La Fondation Ford est très proche de l’État Profond des États-Unis. Le conseil d’administration est composé de PDG et de personnalités de Wall Street. En bref, Black Lives Matter, l’organisation, est aujourd’hui totalement aseptisée, largement intégrée dans la machine du Parti Démocrate, adorée par les médias grand public et ne représente certainement pas une menace pour les 0,001%.

    La direction de Black Lives Matter, bien sûr, affirme que cette fois, « c’est différent« . Elaine Brown, la formidable ancienne Présidente des Black Panthers, ne fait pas de détails : Black Lives Matter a une « mentalité des plantations« .

    Try to set the night on fire

    « Set the Night on Fire » est un livre extraordinairement absorbant co-écrit par Jon Wiener et l’inestimable Mike Davis de « City of Quartz » et « Planet of Slums ».

    En cataloguant de manière exhaustive les années 60, nous sommes plongés dans les émeutes de Watts en 1965, le mouvement anti-guerre qui rejoint les Black Panthers pour former un unique Parti Californien pour la Paix et la Liberté, l’unité de la base de l’ethos du Black Power en pleine évolution, le club Che-Lumumba du Parti Communiste – qui deviendra la base politique de la légendaire Angela Davis ; et l’offensive massive du FBI et du LAPD pour détruire les Black Panthers.

    Tom Wolfe a notoirement – et vicieusement – qualifié les partisans des Black Panthers à Los Angeles de « radicaux chics ». Elaine Brown remet une fois de plus les pendules à l’heure :

    « Nous étions en train de mourir, et tous, les plus forts comme les plus frivoles, nous aidaient à survivre un jour de plus ».

    L’une des sections les plus poignantes du livre détaille comment le FBI s’en est pris aux sympathisants des Panthers, dont la sublime Jean Seberg, la star de « Sainte Jeanne » d’Otto Preminger (1957) et de « À bout de souffle » de Godard (1960).

    Jean Seberg a contribué anonymement aux Panthers sous le nom de code « Aretha » (oui, comme Franklin). Le COINTELPRO du FBI n’a pas fait dans le détail pour poursuivre Seberg, enrôlant la CIA, les services de renseignements militaires et les services secrets. Elle a été salie comme « actrice blanche sexuellement pervertie » – qui avait eu des liaisons avec des radicaux noirs. Sa carrière à Hollywood a été détruite. Elle a sombré dans une profonde dépression, a accouché d’un enfant mort-né (le bébé n’était pas noir), a émigré et son corps – décomposé – a été retrouvé dans sa voiture à Paris en 1979.

    En revanche, des rumeurs académiques ont identifié la foule de convertis à la religion Black Lives Matter comme étant principalement le produit du mariage entre la prise de conscience et l’intersectionnalité – l’ensemble des traits interconnectés qui depuis la naissance privilégie les hommes blancs hétérosexuels, qui tentent maintenant d’expier leur culpabilité.

    La génération Z, relâchée en masse des campus universitaires à travers les États-Unis vers le marché du travail, est prisonnière de ce phénomène : en fait, elle est esclave de la politique identitaire – politiquement correcte. Et une fois de plus, elle n’a aucun potentiel révolutionnaire.

    Comparez cela aux immenses sacrifices politiques des Black Panthers. Ou lorsque Angela Davis, déjà une icône de la pop, est devenue la plus célèbre prisonnière politique noire de l’histoire des États-Unis. Aretha Franklin, lorsqu’elle s’est portée volontaire pour payer la caution de Davis, l’a illustré de façon célèbre : « J’ai été enfermée pour avoir troublé la paix, et je sais qu’il faut troubler la paix quand on ne peut pas l’obtenir ».

    Elaine Brown :

    « Je sais ce qu’était le BPP [Black Panther Party]. Je sais les vies que nous avons perdues, la lutte que nous avons menée, les efforts que nous avons déployés, les agressions dont nous avons été victimes de la part de la police et du gouvernement – je sais tout cela. Je ne sais pas ce que fait Black Lives Matter ».

    On peut débattre sans fin pour savoir si Black Lives Matter est intrinsèquement raciste et même intrinsèquement violent.

    Et on peut aussi se demander si le fait de s’agenouiller, désormais un rituel domestique pratiqué par les politiciens (avec des foulards Kente du Ghana), les policiers et les entreprises, menace vraiment les fondations de l’Empire.

    Noam Chomsky s’est déjà aventuré à dire que la vague de protestation n’a jusqu’à présent aucune articulation politique – et a grandement besoin d’une direction stratégique, bien au-delà de la révolte évidente contre la brutalité policière.

    Les protestations s’apaisent au moment même où la Commune émerge.

    En fonction de son évolution, cela pourrait poser un sérieux problème à Trump/Barr. Le Président ne peut tout simplement pas permettre qu’une révolution de couleur se développe au milieu d’une grande ville étasunienne. En même temps, il est impuissant, en tant qu’autorité fédérale, à dissoudre la Commune.

    Ce que la Maison Blanche peut faire, c’est siffler ses propres unités de contre-insurrection, sous la forme de milices suprémacistes blanches armées jusqu’aux dents, pour passer à l’offensive et écraser les lignes de ravitaillement déjà fragiles de la foule prise de conscience-et-intersectionalité.

    Après tout, l’occupation a pris le contrôle de zones clés de 60 villes étasuniennes pendant des mois pour se dissoudre soudainement dans l’éther.

    De plus, l’État Profond a déjà mis en place de nombreux scénarios de guerre pour faire face à des situations de siège bien plus complexes que la Commune.

    Quoi qu’il arrive ensuite, un vecteur clé est immuable. Un état d’insurrection permanente ne profite qu’à la ploutocratie du 0,00001% confortablement installée tandis que la plèbe embrase la nuit.

    Pepe Escobar

     

    Article original en anglais :

    Syria in Seattle: Commune Defies the U.S. Regime. The Capital Hill Autonomous Zone (CHAZ)

    strategic-culture.org, le 12 juin 2020

    Traduit par Réseau International

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  • C’est en tout cas en ces termes qu’Edouard Philippe a décrit le nouveau fléau qui vient de s’abattre sur lui. A peine remis des ravages du Coronavirus, une maladie du corps qui a balayé sur son passage le peu de crédibilité qu’il restait aux dirigeants français, le voilà qui doit faire face à un tsunami venu des Etats-Unis qui menace d’emporter le dernier rempart, la dernière protection, l’ultime soutien de l’oligarchie française et de ses dévoués serviteurs politiques : la police…

    Sans confiance du peuple ni protection de la police, que restera-t-il à nos dirigeants pour sauver leur peau ? S’enfuir à l’étranger en hélicoptère comme Macron a failli le faire en décembre 2019, à l’apogée du mouvement des Gilets jaunes, ou mettre un genou par terre, comme la police étasunienne a été obligée de le faire aux Etats-Unis ?

    Mais revenons à la surprenante déclaration du premier ministre. Quand un des porte-parole d’une oligarchie sans âme se met à nous parler de l’âme, on se dit que l’heure doit être grave. On pourrait même se laisser attendrir, mais attention, dans son esprit, c’est nous qui souffrons de cette maladie de l’âme, pas lui évidemment. C’est encore une manière de nous renvoyer, mine de rien, à notre condition ignominieuse (combien de fois avons-nous entendu les médias nous répéter que nous étions racistes ?) et de se mettre à part, au-dessus de nous ! C’est du racisme, non ?                                                                                                                                                                                                                                         Voilà comment le Larousse définit le racisme :

    « Idéologie fondée sur la croyance qu’il existe une hiérarchie entre les groupes humains, les « races » ; comportement inspiré par cette idéologie. Attitude d’hostilité systématique à l’égard d’une catégorie déterminée de personnes : Racisme antijeunes. »

    Autrement dit, certains se croient supérieurs à d’autres du simple fait de leur appartenance à une race, une classe sociale ou un groupe.

    Je trouve qu’il manque dans la définition la mention du rapport de force. Car le groupe qui se prévaut de sa supériorité raciale pour dominer l’autre, est bien sûr toujours en position de force. C’est sa position de force qui lui permet d’adopter un comportement méprisant et/ou abusif envers des personnes appartenant à un groupe qui, lui, se trouve en position de faiblesse. Le sentiment de supériorité vient de là. Le groupe minoritaire doit être reconnaissable, soit à la couleur de sa peau, soit à son accent, soit à son origine, et il doit être plus ou moins à la merci du groupe dominant. Le racisme des colons étasuniens envers les premières nations n’avait pas de limite. Dernièrement, après la destruction de la Libye par l’OTAN, les noirs, qui y étaient venus travailler du temps de Kadhafi, ont été soudain l’objet de persécutions racistes inouïes. En France, au moment de la guerre d’Algérie, le racisme colonial anti-maghrébin s’est institutionnalisé (comme le prouve la loi sur le voile). Il y a plusieurs autres minorités qui sont l’objet d’attaques racistes, mais l’Etat et la caste en charge du politiquement correct les combattent, ou font semblant de les combattre, et, par conséquent, c’est un racisme plus diffus, qui n’ose pas trop s’afficher, et qui est dénoncé quand il se fait trop voyant.

    Quant à la maladie de l’âme, c’est une expression platonicienne qui désigne une vague tristesse, un taedium vitae, ou même une dépression. Pour les chrétiens, elle a aussi un sens moral, et fait référence, notamment, à la difficulté de distinguer le bien du mal. Une maladie de l’âme n’est pas une idéologie, mais une forme de déséquilibre psychologique ou spirituel.

    Le racisme a-t-il toujours existé ?

    Les deux plateformes : ségrégation raciale aux États-Unis

    Source :  pxhere.com

    Christian Delacampagne fait remonter le racisme antinoir au Moyen Âge dans « Une Histoire de l’esclavage, de L’Antiquité à nos jours » :

    « Même si le mot « racisme » est un mot du XXe siècle, et même si les grandes doctrines racistes structurées comme des systèmes scientifiques datent du XIXe siècle, c’est dans les théories biologiques (ou pseudo-biologiques) du XVIIIe siècle que ces doctrines s’enracinent. Ensuite, c’est dans un fonds fort ancien de croyances « naturalistes » (communes, dès la fin du Moyen Age, au peuple et aux lettrés) que ces théories, à leur tour, trouvent leurs racines. […] Le racisme antinoir des Européens est donc déjà solidement constitué lorsque Colomb aborde aux rivages d’Amérique. C’est pour cette raison que les conquistadores éprouvent si peu de difficultés (et si peu de remords) à introduire l’esclavage dans le Nouveau-Monde. »

    Et aucune difficulté non plus à esclavagiser et assassiner les peuples autochtones, à qui ils refusent d’ailleurs une âme…

    Pierre Pluchon, spécialiste de l’histoire coloniale sous l’Ancien Régime*, fait remonter le concept de racisme aux Lumières :

    « Les concepts de hiérarchie des races, de races supérieures et de races inférieures, ne sont pas l’invention du XIXe siècle, mais la création des Lumières ! Notamment de Montesquieu, découvreur d’un ordre des climats qui range l’humanité en classes d’inégale valeur, et de Voltaire, jongleur en sarcasmes cruels, qui en appelle à un bon sens caricatural qu’il croit étayé ! »

    Marché aux esclaves de Zanzibar, deuxième tiers XIXe. Auteur : Bojan Brecelj/Corbis

    Source : wikipedia.org

    Si le racisme n’a pas toujours existé, comment est-il né ?

    On approche à mon sens de la bonne réponse à cette question, avec George M. Fredrickson, qui écrit dans « Racisme, une histoire » :

    « Le fait que le racisme scientifique prédarwinien se soit davantage épanoui en France et aux États-Unis qu’en Angleterre tient peut-être en partie, aussi paradoxal que cela puisse paraître, à leur héritage révolutionnaire d’États-nations fondés sur l’égalité des droits de tous les citoyens. Face à des normes égalitaires, il fallait trouver de bonnes raisons pour exclure. […] Le seul principe d’exclusion que les tenants de l’égalité civique pouvaient admettre sans difficulté était l’inaptitude biologique à une citoyenneté pleine et entière. Les mêmes arguments qui servaient à refuser aux femmes, aux enfants et aux malades mentaux le droit de vote et l’égalité devant la loi pouvaient être appliqués aux groupes raciaux que la science jugeait incapable d’assumer les droits et les devoirs de la citoyenneté démocratique. En France, le problème restait théorique car il n’y avait pas de minorités raciales importantes. Mais aux États-Unis, une véritable « démocratie de la race des seigneurs » vit le jour. »

    Comme je l’ai déjà expliqué ailleurs les pères fondateurs des Etats-Unis d’Amérique étaient de grands admirateurs des Romains.

    Le racisme n’est donc pas du tout une maladie de l’âme provenant d’un déséquilibre psychologique ou de carences morales, c’est plutôt le fruit délétère d’une autre idéologie, le capitalisme, l’idéologie du profit pour le profit, qui est née elle aussi à la fin du Moyen-Âge avec les Grandes Découvertes et qui, depuis, telle la gangrène, atteint et tue de plus en plus de peuples, de nature et de vie. Il fallait trouver de bonnes excuses, d’excellents prétextes, des raisons scientifiques imparables, pour pouvoir, en bons chrétiens, dépouiller, assassiner ou esclavagiser des millions d’êtres humains, uniquement par cupidité. Le racisme est né du besoin impérieux de justifier l’injustifiable (le génocide des Indiens, la traite négrière et l’esclavage dans les plantations).

    Ou alors, si maladie de l’âme il y a, c’est celle de la soif de l’or. C’est elle qui a poussé l’Occident à inventer le racisme, en tant qu’idéologie au service de l’exploitation de l’homme par l’homme. Une idéologie qui justifie scientifiquement le fait de dénigrer, dévaloriser, inférioriser, vilipender ses victimes, pour se convaincre qu’elles méritent bien le sort inhumain qui leur est réservé par l’Occident, qui se trouve être de race blanche, la race supérieure, la race des exploiteurs, des voleurs, des assassins, des esclavagistes. Une maladie de l’âme qui s’est solidifiée en idéologie, en théorie scientifique, pour les besoins de la cause.

    Mais me direz-vous, aujourd’hui c’est fini, l’esclavage est aboli depuis longtemps, l’apartheid aussi (enfin, sauf en Israël-Palestine) et donc pourquoi tout le monde ne fait-il pas la paix ?

    Déjà l’esclavage à l’ancienne n’a pas disparu. Selon Humanrights.ch :

    « Même après que tous les Etats au monde ont aboli l’esclavage de leur juridiction, celui-ci reste une réalité. Aujourd’hui comme hier, il existe de nombreuses formes d’exploitation de l’homme par l’homme, que l’on appelle l’esclavage moderne et qui concernent près de 40 millions de personnes dans le monde. »

    Source de la carte : esclavagemoderne.canalblog.com

    Ensuite, il s’est développé une forme d’esclavage déguisé, qui ne fait que croître et embellir sous la loi du marché soi-disant libre et non faussé. Il s’agit de l’exploitation de la masse des populations par une minorité de propriétaires qui se cachent dans les structures lointaines et opaques des multinationales pour faire trimer des gens qu’ils maintiennent sous le joug du triple chantage de la dette, de l’emploi, et du chômage. Ces puissants qu’Hollande avait promis de combattre (malheureusement comme ils n’ont pas de visage, il n’a pas réussi à les trouver) :

    « Mon véritable adversaire n’a pas de nom, pas de visage, pas de parti, il ne présentera jamais sa candidature et pourtant il gouverneCet adversaire, c’est le monde de la finance ».

    Ces invisibles, ces planqués, ces marionnettistes, se sont approprié tous les moyens de production, tous les leviers du pouvoir, partout. Ils n’ont jamais assez d’argent, ils ne font jamais assez de profit, ils n’ont jamais assez de pouvoir. Il leur en faut toujours plus pour acheter ou faire chanter tous ceux dont ils ont besoin pour maintenir ou encore augmenter leur fortune et leur pouvoir. Selon le WSWS, fin 2019 :

    « Le Bloomberg Billionaires Index a indiqué que les fortunes des oligarques ont augmenté d’un total combiné de 1200 milliards de dollars, soit une augmentation de 25 % par rapport à 2018. Leur valeur nette combinée s’élève désormais à 5900 milliards de dollars. »

    Le/la Covid-19 leur a permis de s’enrichir encore. Et ils vont pouvoir racheter à vil prix toutes les petites entreprises et les petits commerces dont nos dirigeants serviles semblent avoir organisé la faillite en les obligeant à fermer pendant des mois et en leur interdisant d’ouvrir (et là, pas de tolérance en proportion de l’émotion que ces injustices suscitent !) alors que l’épidémie est finie, sans doute pour pouvoir justifier le maintien d’un état d’urgence qui lui permet d’interdire ou de tolérer les manifestations, selon le bon vouloir du Prince.

    Source :wsoctv.com

    Cette exploitation généralisée des populations par un petit groupe de puissants capitalistes ne fait pas de différence entre les couleurs de peau, les origines, les cultures ; tous ceux qui n’ont que leur force de travail à vendre y passent. Mais, par tactique, pour éviter que ces milliards d’exploités n’identifient la petite minorité-fantôme qui les contraint à perdre leur vie à la gagner, et ne se retournent contre elle, l’exploitation s’appuie, tout comme l’esclavage, sur un racisme culturel, instillé dès l’enfance par la société, les médias, l’école, un racisme qui divise et oppose entre eux ceux qui ne font pas partie de l’Establishment ou qui le combattent.

    Ce n’est pas difficile parce que les gens sont pour la plupart malheureux (la consommation d’alcool, de tabac, d’antidépresseurs, de jeux a encore augmenté pendant le confinement) et la malheur, contrairement à ce qu’on dit, ne rend pas meilleur. Il est facile de greffer la haine de l’autre sur le désespoir. Comme dit l’écrivain et philosophe congolais, Kama Sywor Kamanda :

    « Souvent, le racisme sert de manteau à l’ignorance, à la petitesse, aux frustrations et aux aigreurs des personnes complexées et faibles d’esprit. »

    La classe dirigeante/possédante aussi est élevée dans l’idéologie raciste. Elle se croit supérieure par nature au peuple que sa naissance, sa fortune ou sa position lui permettent de dominer et de persécuter, comme on l’a vu pendant le confinement où nous avons été privés, par pur sadisme, de parcs, de sorties, de nos proches, terrorisés par les médias et inondés d’amendes et de punitions. Macron, dont le costume fait-main n’arrive pas à contenir l’Hubris, nous l’a d’ailleurs, expliqué sans détour : « Il y a ceux qui réussissent et ceux qui ne sont rien ». Et ceux qui réussissent (le plus souvent des héritiers, qui n’ont rien eu à réussir) haïssent et méprisent de tout leur cœur les moins que rien qu’ils exploitent et traitent comme du bétail, tout comme les planteurs leurs esclaves.

    Les esclavagistes racistes actuels ont toujours besoin d’un corpus idéologique. Ce sont les économistes qui s’en chargent à coup de théories fumeuses et grandiloquentes comme le ruissellement, de courbes et de statistiques, de prévisions catastrophiques et de promesses paradisiaques, de vaches sacrées comme le marché, la concurrence, la méritocratie républicaine. Tout cela n’a pour seul but que de dissimuler la réalité : nous sommes, en fait, les nouveaux esclaves d’une nouvelle aristocratie qui est certaine d’appartenir à une race supérieure. Gilles Le Gendre nous l’a expliqué candidement : «Notre erreur est d’avoir probablement été trop intelligents, trop subtils… ».

    Et il n’y a même pas besoin de nous acheter, il suffit de donner juste assez pour ne pas mourir de faim à ceux dont on a besoin pour pouvoir continuer de s’enrichir. Les autres, ceux qu’on ne peut plus exploiter, qu’ils mendient ou que leur famille ou quelque association s’en occupe !

    Ce sont désormais les riches qui bénéficient de l’Etat providence. L’argent de nos impôts, car eux n’en paient pas, leur est distribué sans limite. La concurrence impitoyable, c’est pour les pauvres. Ils sont laissés à eux-mêmes, tandis que l’Etat est aux petits soins pour les riches. Le monde à l’envers !

    Et c’est pour ça que le racisme augmente, partout, entre toutes les classes sociales, les ethnies, les groupes, les minorités. Dans la guerre de tous contre tous, avec des moyens d’existence de plus en plus précaires pour la majorité et des privilèges de plus en plus énormes et garantis pour les plus riches, les gens se regroupent comme ils peuvent, et certains critères sont plus faciles à mobiliser que d’autres, pour former des groupes de pression et essayer par tous les moyens et en utilisant tous les arguments, de surnager, de survivre.

    Si les esclavagistes modernes réduisent en servitude 99% de la population de la planète, pourquoi les 99% ne s’unissent-ils pas contre eux ? Pourquoi s’attaquer aux blancs ?

    D’abord, il faut préciser que ce ne sont pas tous les blancs qui sont cloués au pilori, mais seulement les blancs qui ont commis deux crimes bien précis et à l’échelle industrielle : l’esclavage et la colonisation. Même si d’autres peuples ont pu commettre de pareils forfaits au cours de l’histoire, aucun, sauf erreur, ne l’a fait de manière aussi systématique et scientifique que nous, ni pendant aussi longtemps. Nous avons atteint des sommets dans l’inhumanité, il faut le reconnaître, et il est tout à fait normal que nos victimes nous en veuillent. Que les formes anciennes d’esclavage ou de colonisation aient disparues ne changent rien à l’affaire. Les deux subsistent et se perpétuent, sous d’autres formes moins voyantes et plus hypocrites, qu’il serait trop long de détailler ici mais que tout le monde connait.

    Ce n’est donc que justice, que les peuples que nous avons broyés et martyrisés au nom du profit veuillent se libérer de l’emprise des blancs, même si la plupart des blancs de ces pays sont aujourd’hui exploités de la même manière qu’eux, par une oligarchie mondialisée insaisissable et qui ne tient pas compte de la couleur de la peau, mais uniquement de la fortune et du pouvoir.

    Le fait est que nous et nos ancêtre avons profité du fruit de ces crimes et que beaucoup d’entre nous continuent, par habitude ou frustration, à se sentir supérieurs aux peuples que nous avons réduits par le passé en servitude, bien que notre situation soit désormais à peine plus enviable.

    Mais malgré tout cela, malgré l’horreur et la durée des crimes des blancs, il serait impossible de les dénoncer, ni de se soulever avec succès contre leurs auteurs et les descendants de leurs auteurs, si ces derniers détenaient toujours autant de pouvoir. Ce qui a vraiment changé, c’est que désormais on peut attaquer les blancs sans problème. L’hégémonie blanche, encore bien réelle, touche toutefois à sa fin. L’Occident est détrôné, notamment par la Chine. C’est le début de la fin de la domination de l’homme blanc. C’est le moment pour tous ceux qui ont souffert de la domination des blancs de soulever et de se venger.

    L’Eglise a connu la même dégringolade et le même retour de bâton. D’intouchable, elle est devenue la cible de tous ceux qu’elle avait dominés, sermonnés, humiliés, abusés, de générations en générations. La vengeance l’a frappée, non pas au fait de sa gloire et de ses forfaits, mais plus tard, quand elle a commencé à perdre son pouvoir et sa puissance d’intimidation et qu’elle est devenue la proie des médias et de ceux qui aboient avec les loups. À ce propos, il faut voir comment les jeunes présentatrices blanches et bon chic bon genre de BFM TV ont épousé, en moins de deux, la cause de la famille Traore, jouissif !

    Un autre facteur qui explique ces manifestations raciales ou racisées en France, c’est, comme je l’ai dit plus haut, la propension des pouvoirs à utiliser la tactique « diviser pour régner » en lançant les pauvres contre les pauvres.

    Certains observateurs incriminent le multiculturalisme importé des Etats-Unis qui se répand en France. Outre que la culture étasunienne est omniprésente partout en France, les États-Unis « cajolent » les banlieues que nos dirigeants ignorent. Ils y promeuvent la culture étasunienne à coups de millions de dollars, à travers toutes sortes de programmes d’échanges, de voyage, d’étude, etc. Cela expliquerait que les jeunes des banlieues se soient si vite identifiés à ce qui s’est passé aux Etats-Unis et soient sortis manifester malgré les interdictions, bien qu’ils ne soient pas issus de l’esclavage mais de la colonisation.

    Mais je ne le pense pas, la colonisation est à peine moins douloureuse que l’esclavage. Au lieu d’arracher ses enfants à un pays pour les réduire à l’esclavage dans un pays étranger, on arrache toutes les ressources et la culture d’un pays en réduisant ses habitants à la pauvreté et à la servitude, toujours pour enrichir un pays étranger. C’est peut-être un peu moins dur d’être asservi chez soi que dans un autre pays, mais l’un ou l’autre choix n’a pas été fait par bonté d’âme, mais parce que ça arrangeait le pays prédateur, en l’occurrence occidental…

    Conclusion

    Les vrais pouvoirs, les pouvoirs réels, actifs, sont invisibles ou intouchables. Soit on ne les connaît pas du tout, songez à tous ces cercles de décideurs internationaux qu’on découvre un jour alors qu’ils se réunissent secrètement depuis des dizaines d’années pour décider de notre sort en toute illégitimité, comme le cercle Bilderberg et tant d’autres, soit on les connait, mais comme il est interdit les critiquer, et même de les nommer, sous peine de très mal finir, on finit par les oublier. Les vrais pouvoirs sont occultes et/ou tabous.

    Ce qui se passe en ce moment est le signe de la décadence de l’Occident. Tout comme les statues que l’on déboulonne en ce moment, l’homme blanc est tombé de son piédestal. Il a perdu son pouvoir, mais ce ne sont pas ses victimes qui le lui ont pris. L’Occident est en ruines, ses remparts sont détruits et ses victimes s’engouffrent juste dans les brèches pour tenter d’obtenir réparation. Mais elles n’en auront pas, parce que les blancs qu’elles sollicitent n’ont plus rien, ni richesses, ni pouvoir. Les descendants de ceux qui ont esclavagisé et dépouillé leurs ancêtres sont désormais aussi exploités et démunis qu’eux. D’ailleurs, ils se joignent aux manifestations.

    La seule chose qu’il reste à nos élites blanches autoproclamées, à part les milliards entassés dans les paradis fiscaux, c’est leur prétention. Elles continuent de faire la leçon au monde entier, sans même se rendre compte que plus personne ne les écoute, même pas leurs propres peuples qui ont compris qu’ils étaient fichus et qu’ils ne pouvaient plus compter que sur eux-mêmes et plus du tout sur les extraterrestres qui se croient encore aux manettes.

    Oui, tout ce que nous avions, nos richesses et même notre culture nous ont été volé, avec la complicité de nos élites compradores, par de nouveaux puissants qui n’ont pas de visage et qui sont insaisissables, tout comme nous les avions nous-mêmes volées, et le pouvoir est désormais ailleurs. Il demeurera invisible et/ou intouchable, jusqu’à ce qu’il soit identifié et tombe à son tour, remplacé par un autre.

    Ce cycle infernal peut-il être rompu, pouvons-nous échapper à la dialectique exploiteur/exploité qui semble régir ce monde depuis l’âge de fer ? Voilà toute la question…

    Dominique Muselet

     

    Image en vedette : Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples. Source : wikipedia.org

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    Note :

    *Dans son introduction à « Haïti au XVIIIe siècle: richesse et esclavage dans une colonie française » (1797), d’Alexandre-Stanislas baron de Wimpffen, éd. Karthala, 1993.
     

    Cet article a été publié initialement par  salaireavie.fr                                                                                                                                                                                                                                                                         La source originale de cet article est Mondialisation.ca

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    Notre président a parlé comme il le fait depuis le confinement, à quatre reprises. Pour nous annoncer que nous connaîtrons les mesures attendues en juillet. D’ici là, outre le fait que les restaurants ouvriront dés demain, que les écoles et collèges sont appelées à recevoir plus d’élèves pour accélérer la reprise économique, éléments qui ne surprendront que ceux qui souhaitent s’étonner de pas grand chose, rien de concret dans la parole jupitérienne. Même les promesses faites aux personnels soignants ne sont pas garanties, alors vous pensez que pour les autres salariés, ils pourront se brosser. Par contre les actionnaires boiront le champagne vu que leurs impôts vont baisser, que l’impôt sur la fortune est enterré, que les dividendes ne sont pas touchés. Au contraire, les cotisations sociales qu’ils doivent à la société seront allégées et les aides financières sans contre parties vont se multiplier. Voilà pour le social et la solidarité nationale côté patronal.

    Côté salarial, le président ne lésine pas. Il l’a répété : il faudra travailler plus. L’absolu contraire de ce qui est nécessaire à notre économie. Nous avons besoin de plus de monde au travail d’où l’avancement du départ en retraite et la réduction de la durée du travail pour que les jeunes entrent massivement dans la vie active. Côté rémunérations, il ne s’agit pas de collectionner les médailles, il faut du trébuchant et du sonnant. Macron s’est tu sur cette question comme d’ailleurs sur les questions environnementales, démocratiques, sociales ou économiques. Comment engager l’indépendance du pays, comment se dégager de l’emprise allemande en Europe qui nous corsète par des mesures budgétaires défavorables ? Comment s’extraire du dictât de la banque européenne et comment en finir avec l’endettement du pays ? Pas de réponse si ce n’est un satisfecit donné à l’accord avec Merkel.

    Relocaliser l’industrie ? Pas un mot. Le ministre de l’économie Bruno Lemaire annonce une montée vertigineuse du chômage due aux suppressions d’emplois, Macron n’en pipe rien. Il y avait du grain à moudre pour changer les paradigmes économiques mais le président n’en a cure. Son credo : j’ai bien fait mon job et je ne changerai rien.

    Mais ce serait mentir que d’affirmer qu’il n’a pas répondu aux inquiétudes des gens. Sur un point, il s’est fait précis et incisif. L’ordre républicain qui pour lui ne passe que par l’utilisation de la police et de la gendarmerie donc par la répression et la violence policière qu’il a absous en une phrase forte. En demandant que la nation s’unisse pour soutenir ce corps dont les fissures gangrenées se dévoilent peu à peu. Pense-t-il ainsi rassembler le peuple dans un élan unanime ? Le mépris, le dédain à l’égard d’une grande partie de la population française issue du mélange et du brassage social se retournera contre lui même. On ne dirige pas la France comme au temps des "colonies".

    Bref faisons court : un discours bien construit mais uniquement un discours. Il nous a habitué à écouter du vide, du creux. Le pays attend autre chose d’un dirigeant national. Macron mouline dans le néant. L’espoir est dans nos luttes et dans le rassemblement populaire.                                                                                                                                                                                                              Jose ESPINOSA                        

    URL de cet article 36229
    https://www.legrandsoir.info/le-truisme-mode-d-action-macronien.html
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    La rencontre de l’homme noir avec son congénère blanc fut souvent malencontreuse. Serait-il judicieux de rappeler la veulerie de ce dernier lors du commerce triangulaire pour faire de son vis-à-vis une marchandise, ou lors du déferlement colonial pour lui spolier ses biens ou alors la discrimination raciale dont souffre l’homme de couleur dans les sociétés interraciales ?

    La puissance militaire et technologique des sociétés occidentales est considérée parmi les raisons principales d’un sentiment de hauteur et de supériorité chez les Blancs ; même dans le subconscient de ceux qui ont les meilleures prétentions. Un sentiment dont ils n’arrivent pas à se défaire vu l’écart du prestige, mais surtout par l’ordre immuable du système capitalisme libéral qui interpelle un féodalisme dominé par des seigneurs blancs. Devant le complexe de supériorité, se dresse le complexe d’infériorité chez le Noir appartenant généralement à classe ouvrière marginalisée qui peine à disposer de ses droits d’égalité et de considération. De ce fait, une hiérarchie s’installe entre les deux races pour aboutir à une société compartimentée séparant les dominants des dominés.

    Cette disparité raciale ne date pas d’hier. Un retour vers le passé impérialiste de l’Occident fait valoir ces propos. Dans chaque pays conquis, l’administration coloniale intime à ses ressortissants l’ordre de garder leurs distances et de maintenir leur statut de supériorité vis-à-vis des aborigènes même si, théoriquement parlant, ils sont leurs concitoyens. C’est ce que confirme l’aveu d’un administrateur colonial qui affirme que quelques soient les sentiments à l’égard de l’indigène, quand l’un d’eux semble vouloir relever la tête, je la lui rabaisse avec brusquerie [...] je veux bien dire, moi : "vous avez les mêmes droits que nous." Mais quand, eux, ils disent : "nous avons les mêmes droits que vous...", halte-là !

    Aujourd’hui, les choses ont évolué...mais pas assez. Encouragés en cela par une société compartimentée, conformiste et rigide, les Blancs vivent à l’aise dans leur monde supérieur où le Noir s’efforce de trouver une place. Et le capitalisme sauvage ne lui rend les choses que plus difficiles. S’il en trouve une, ce serait comme employer par milliers dans tous domaines pour développer la richesse au service d’une minorité propriétaire des multinationale sans en bénéficier.

    L’objectif de cette minorité ne se limite pas à posséder le capital, il est encore plus dominateur. Le système éducatif par exemple est soigneusement conçu pour en servir les intérêts et maintenir cette classe capitaliste monopolistique de la richesse avec une armée de travailleurs à son service en propageant la mentalité de consommation sans laquelle le capitalisme perdrait énormément ; ou en enracinant la pensée défaitiste qui tue l’ambition ou alors en généralisant ce « modèle de vie » selon lequel il faudrait avoir un travail ou une voiture à un certain âge et se marier à certain autre ; ce qui pèse sur les jeunes et influence leur choix pour opter finalement à des études qui donneront accès à un travail « docile » leur permettant d’atteindre leurs objectifs. De ce fait, la prochaine génération n’aura plus l’ambition du travail libre qui pourrait créer des concurrences ou mettre en danger ses intérêts.

    Il en est de même pour le domaine de la santé. Le système libéral garantie les soins au plus payant. Les inégalités dans le domaine sanitaires sont énormes. Les soins dentaires d’une personne de quartier démuni sont-ils pareils à ceux de celui d’une classe sociale aisée ? Certainement pas, sans parler des molécules qui déterminent la qualité d’un médicament et en déterminer par conséquent le prix et le marché. La thérapeutique progresse à l’aune de l’économie et la pandémie du COVID19 en est la meilleure démonstration.

    A chaque action il y’a une réaction égale ou opposée. C’est ce que nous indique la troisième loi de Newton. Avec ce capitalisme sauvage, il n’y a pas de justice sociale, de la révolte se révèlent peut être violentes. Or ce n’est que la contrepartie qui se manifeste après des longues décennies de privation des droits usurpés et empiétés par ses compatriotes du premier choix... Il est temps que ça s’arrête.                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  Adil GOUMMA

    URL de cet article 36216
    https://www.legrandsoir.info/racisme-et-neocapitalisme-that-s-enough.html
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    "Julian Assange est-il un journaliste ?". Question souvent posée et souvent suivie par une réponse négative ou pour le moins dubitative, par les journalistes eux-mêmes. Intéressante réaction car, si on y réfléchit, combien de journalistes sont réellement des journalistes selon la définition couramment comprise par vous et moi ?

    Alors, selon cette définition, est-ce que Christophe Barbier qui, à ma connaissance, n’a jamais effectué la moindre enquête, le moindre reportage, qui passe son temps à "commenter" du haut de son tabouret, est vraiment un journaliste ? Est-ce que les présentateurs des journaux télévisés, dont l’activité principale consiste à lire sur un prompteur un texte préparé par d’autres, sont des journalistes ? A part interviewer des gens, que fait d’autre Jean-Jacques Bourdin ?

    Il y a probablement aujourd’hui plus de journalistes dans les médias alternatifs (ou électrons libres ou sans emploi) que dans les médias dits dominants. Et c’est normal. Un vrai journaliste n’a tout simplement pas sa place dans une entreprise commerciale à but strictement lucratif (pour ses actionnaires) ou propagandiste (pour ses propriétaires).

    En réalité, la plupart des "journalistes" les plus connus, tous médias confondus, ne sont pas des journalistes. Ils sont peut-être diplômés d’une école de journalisme, ils ont peut-être effectué dans leur passé professionnel un travail de journaliste, mais aujourd’hui ? Ce sont des commentateurs, des interviewers, des présentateurs, que l’on appelle des "journalistes". Et si on rajoute la plupart des journalistes moins connus qui se contentent en réalité de mettre en forme les dépêches des agences de presse, combien reste-t-il dans le métier qui peuvent prétendre être plus journaliste que Julian Assange ?

    En d’autres termes, c’est quoi exactement leur légitimité à ces gens-là ? Car à part de s’identifier abusivement à un métier, de s’auto-qualifier de ce qu’ils ne sont pas, de posséder une carte de presse qui s’apparente dans leur cas plus à une carte de membre d’un club qu’à une certification quelconque, quel est le pourcentage de journalisme réel en eux ? Zéro. Commentateurs, intervieweurs, rédacteurs, lecteurs de prompteurs. Merde. Si ces branquignoles ont le droit de se faire appeler journaliste, et d’avoir la protection qui va avec, alors Julian Assange n’est pas un journaliste (ne mélangeons pas les serviettes et les torchons) mais un super-journaliste, un méga-journaliste, que dis-je, un uber-journaliste...

    Et ce n’est probablement pas pour rien que les plus grands journalistes du moment sont, ce n’est pas un hasard, aux côtés de Julian Assange, et pas eux.

    CQFD, finalement.

    Viktor DEDAJ

    URL de cet article 36188
    https://www.legrandsoir.info/julian-assange-est-il-un-journaliste-merci-de-poser-la-question.html
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  • Par une nuit de mai de tous les dangers, à Bondy, dans le 93, Gabriel Djordjevic, un jeune garçon de 14 ans, n’est pas ressorti indemne de sa première confrontation des plus rudes avec la police, et c’est un euphémisme encore bien trop doux…

    Profondément meurtri dans sa chair et son âme, l’adolescent, unanimement décrit comme sans histoires, portera longtemps les stigmates, visibles et invisibles, de son interpellation d’une violence extrême, où les coups de pieds ont plu sur lui, visant notamment la tête, au point de tourner au lynchage. Rien ne pouvait justifier ce déchaînement de violences policières à son encontre, pas même le vol du scooter dont il s’était rendu coupable, ce soir funeste du 25 mai, avec l’un de ses amis, ni sa fuite devant l’arrivée des forces de l’ordre.

    C’est aux urgences pédiatriques de l’hôpital Jean Verdier que sa mère et son frère, morts d’inquiétude, le retrouveront au lendemain de son arrestation d’une brutalité inouïe, dont ils ignoraient tout. Et pour cause ! Etreinte par l’angoisse à mesure que les heures passaient, la maman de Gabriel Djordjevic, sans nouvelles de son fils pendant une bonne partie de la soirée du 25 mai, reçut un appel du commissariat de Bondy qui mit fin momentanément à sa torture, l’informant de son placement en garde à vue.

    Cette maman, rongée par l’anxiété, s’est immédiatement enquise de l’état de santé de son enfant. A chaque fois (elle a contacté le commissariat à deux autres reprises), elle s’est entendue répondre que tout allait bien et que son fils allait même pouvoir l’appeler, alors que la terrible réalité, inavouable, était tout autre : il avait été transporté par les pompiers à l’hôpital.

    Aussi est-ce une mère littéralement sous le choc qui s’est précipitée, ce mardi 26 mai, au chevet de son enfant, et qui a senti ses jambes se dérober sous elle en découvrant son visage tuméfié et la gravité des blessures qui lui avaient été infligées la veille. Le rapport médical fait, en effet, froid dans le dos : il mentionne, sans la moindre équivoque, un traumatisme facial et crânien accompagné de vomissements, de trois dents cassées et une « fracture maxillaire gauche étendue au plancher de l’orbite ». Le jeune Gabriel pourrait perdre son œil. Il s’est vu prescrire 14 jours d’ITT (incapacité totale de travail). Il est à noter que le certificat médical, établi le 28 mai sur réquisition d’un officier de police dans le cadre de l’enquête, recommande 30 jours d’ITT.

                                            Photo prise par la famille

    « Il y avait trois garçons et une femme. Ils m’ont plaqué au sol, ils ont mis un genou sur ma tête, un genou sur mes épaules, ils m’ont mis les menottes. La femme qui est blonde tenait mes chevilles pendant qu’un agent barbu, assez gros, me donnait des coups de bottes dans la tête », a relaté péniblement l’adolescent sur son lit d’hôpital, en précisant que l’interpellation de son ami s’est déroulée normalement. A sa souffrance physique s’ajoute le profond traumatisme psychologique, que viennent accentuer l’incompréhension totale (pourquoi lui et pourquoi une telle violence ?) et le sentiment d’injustice qui en découle.

    « J’aurais préféré qu’ils l’attrapent et le mettent en prison plutôt qu’ils me le massacrent comme ça », s’est désolée sa mère très affectée, quelques heures après avoir porté plainte contre X pour « Violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique sur mineur », dans les locaux de l’IGPN.

    De son côté, Me Thomas Maïer, l’avocat de la famille de la victime, a déclaré : « Personne n’a rien contre le fait que la police arrête des gens, c’est évidemment naturel », renchérissant : «  Ce qui me paraît moins naturel, c’est la disproportion entre arrêter et éclater la tête d’un jeune de 14 ans. Mais on a fréquemment des personnes qui ressortent de garde à vue avec la tête au carré ».

    C’est en ambulance que le jeune Gabriel Djordjevic, qui a été transféré à l’hôpital Necker pour enfants, au sein du service de chirurgie maxillo-faciale, est ressorti de son placement en garde à vue, énième victime des violences policières en banlieue. Des violences policières dont le vernis de légitimité finit par se craqueler de toutes parts.                                                                                                                                                                                           https://oumma.com/bondy-gabriel-14-ans-roue-de-coups-par-la-police-lors-dune-interpellation-il-en-gardera-de-lourdes-sequelles/?utm_medium=oumma&utm_source=pushnotification&utm_campaign=pushnotification 

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  • Touche pas à mon Algérie

    L’Algérie mon amour :1830-1962 est l’histoire d’une colonisation génocidaire avec comme objectif avéré le remplacement d’une population algérienne dite indigène par des colons français ou apparentés venus d’Europe.

    Ce projet diabolique n’est pas sans rappeler l’extermination des Indiens d’Amérique et leur remplacement par des populations venues d’Europe en majorité d’Angleterre.

    Cette politique coloniale n’a pu réussir face à la résistance acharnée du peuple algérien . Bien que la France ait tenté à plusieurs reprises de diviser le pays en régionalisme sous la direction d’exterminateurs tels que Bugeaud et Lavigerie.                                                                                                                                                                                                            Les nombreuses tentatives de divisions utilisant le régionalisme ou les origines berbères d’une grande partie du peuple algérien sont restées vaines sans oublier la politique visant á détruire l’Islam .

    Il ne faut pas oublier que le pire génocide de l’Histoire a eu lieu en Algérie , plus de 8 millions d’habitants de ce pays ( appelés indigènes par la France ) ont été exterminés pendant toute la période de la colonisation.

    En regardant le documentaire „Algérie mon amour „sur TV5 le mardi 26 mai 2020 , le rapprochement avec ce titre du documentaire„Algérie mon amour „ n’est pas sans rappeler le cri de désespoir que les colons français ont eu lors de leur départ définitif d’Algérie en 1962 quand les chaînes des bateaux ,les ramenant vers la France, ont claqué comme un fouet. Ce claquement signifiait : »Repartez comme vous êtes venus »

    Le titre du documentaire de TV5 avait pour objectif de ranimer la flamme du Neo-colonialisme en utilisant comme au temps de la période coloniale, des indigènes instrumentalisės tel que le réalisateur du documentaire Mustapha Kessous qui d’ailleurs revendique avec fierté son statut de Neo-colonisé pour faire en sorte que l’Algérie reste le prolongement de la France coloniale.

    Ce fantasme hantera á jamais cette France coloniale qui ne peut se consoler de la perte de L’Algérie, le joyau de son empire colonial .

    Madame la France vous nous avez exterminé, violė nos femmes, colonisé nos terres, transformė nos mosquées en églises ou cathédrales et bombardé la population non armée. En mai 1945 plus de 45000 personnes ont été massacrées , les crânes de nos ancêtres ont été confisqués et exposés dans vos musées comme on exposerait l’animal á son braconnier, vous avez déporté des populations entières vers le bagne de Cayenne et vers la Nouvelle Calédonie en éparpillant un peuple soudé pour mieux le démembrer.

    Et maintenant vous voulez, avec la complicité d’un sioniste criminel Bernard Henri Lévy , nous voler notre Hirak béni en le dénaturant car c’est votre habitude de mentir , de dresser les uns contre les autres, de désinformer, révélant votre nature peu scrupuleuse et haineuse.

    Eh bien apprenez , Madame la France, que tous vos efforts de destabilisation de notre Algérie éternelle, celle de nos valeureux Martyrs , resteront vains à tout jamais .

    Le Hirak béni construit chaque jour avec patience et determination sa nouvelle Algérie forte d‘un peuple uni et une armée populaire qui le protège de tous les dangers, et son meilleur général reste son peuple.

     Par Docteur A.Boudemagh                                                                                                                                                                                                                                 https://algerie54.com/2020/05/28/algerie-france-4/?f

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