• ♦ LES MOTS DU CRU

       

    J'ai essayé de récolter des expressions verbales de notre cru, de celles sur lesquelles notre village détient une sorte de droit d'auteur  et non de celles qui sont tombées dans le domaine public. J'ai essayé aussi de retrouver l'origine de ces expressions et d'en  expliquer l'usage. C'est toujours une tâche ardue que de chercher à transposer une caractéristique, une originalité de quelque chose sur une chose différente; je demanderai donc à ceux qui visiteront ces pages d'être indulgents envers mon travail et son manque de clarté. Toute traduction contient une grande touche de sentiments et de conceptions propres au traducteur; même si j'ai tout fait pour me mettre en filigrane, il est possible qu'en grattant la couche superficielle on découvre beaucoup d'interprétations qui me sont propres... Je n'y peux rien !

    ♦ LES MOTS DU CRU                           

    1 aela aechrine (l'gah'a ou sabh'a)
    "(il l'a découverte) sur vingt"...  Il fut un temps où les villageois couraient les bosquets à la recherche des œufs de perdrix et les initiés savent que cette charmante hôtesse de nos garrigues laisse tomber son premier œuf n'importe où, en mars (on dit "el h'adjla t'louh elbaïdha llaoula) "la perdrix jette ou égare son premier œuf". La perdrix aménage par la suite son nid sous les jujubiers, les églantiers, les aubépines, les oliviers sauvages, les genévriers ou les lentisques. Elle y pond au maximum 20 œufs. L'expression veut dire: trouver le maximum œufs, en plus clair :  "décrocher le gros lot".
    2 aela garn (idirh'a)
    Il n'y a pas si longtemps, les villageois considéraient presque comme une atteinte à la pudeur le fait de se faire voir tête nue. Les couvre-chefs étaient très variés; ça allait du béret basque au turban et ils renseignaient mieux que toute autre chose sur le statut du porteur. Un khaouni ou un hadj se devaient par exemple d'adopter le turban pour se distinguer du commun du peuple mais aussi parce que le turban s'accroche mieux à la tête et peut se faire embrasser sans risque de tomber... Le port du couvre-chef indiquait par ailleurs l'état d'esprit du villageois... ainsi quand on se trouvait dans son état "normal" on devait s'en affubler "normalement"; dans les moments de colère, on le faisait voir en dégageant le front ou en nouant le turban aléatoirement et quand on voulait montrer qu'on était comblé, on le portait non pas sur le sommet du crane mais penché vers la tempe comme si on le posait sur une "corne"... c'est de la que provient cette expression qui veut dire "porter sur la corne (ou de côté)" .
    3 tegtae gelb erroumi
    "koll ma ydji mel gharb iq'attae el guelb" (tout ce qui vient de l'occident lacère le cœur) c'est peut être de ce proverbe que l'histoire n'a jamais démenti que vient cette expression qui veut dire: "lacérer le cœur d'un occidental" (français ou plus généralement: chrétien), une expression qui veut dire que la situation qualifiée est litteralement insupportable puisqu'elle apitoierait même un "roumi" ce qui signifie implicitement que le "roumi" est impitoyable.
    4 yedh'lamm !
    Exclamation ramenée par feu Ahmed Linduit à la fin des années 60. C'est une sorte de joker verbal qui ponctue n'importe quelle affirmation; sans regard pour le sens du mot qui veut dire dans l'absolu: "il fait preuve d'injustice",  l'effet recherché se mesure à l'intonation... ainsi quand quelqu'un vous félicite pour l'art avec lequel vous avez descendu un adversaire au domino, vous pouvez répondre "lala yedhlamm !" . L'expression française qui s'en rapproche le plus est: "et comment !"
    5 trrrrr ya masser !
    C'est une expression d'avant l'indépendance. Il y'a fort à penser qu'elle provienne de quelque perfide allusion liée à l'agression tripartite de 1956... Elle s'emploie surtout pour prendre en dérision un matamore. On peut la traduire par "taratata ô Égypte" et elle devrait à mon avis signifier que les staccato des mitraillettes égyptiennes ne génèrent que bruits. Exemple d'application: un quidam qui se vanterait d'être capable de traverser oued Djemaa en grande crue se verrait répondre: trrrr ya masser !
    6 khlatt ! (ou khratt !)
    Exclamation très usitée, elle signifie "c'est la désolation" pour "khlatt !" et c'est dans le même sens mais plus en rapport avec le mot de Cambronne pour "khratt !". On l'entend à tout bout de rue, tant pour une défaite en football que pour la crevaison d'un ballon,   pour un accident de la circulation que pour une crevaison de roue, pour le prix du rond à béton qui aurait doublé que pour celui de la sardine qui se serait légèrement redressé, pour une invasion de sauterelles que pour une agressivité inhabituelle des mouches avant la pluie.
    7 yen'gouch errh'a
    Nos ancêtres disposaient en leurs foyers d'une meule (r'ha) en pierre, faite de deux parties; un socle fixe sur lequel on faisait tourner un élément mobile, conçu en forme d'entonnoir à fond plat . On y triturait blé, orge, pois chiches ou fèves. La meule était d'un usage collectif et seules les familles relativement aisées pouvaient se permettre d'en posséder. Elle se faisait inviter à tour de rôle par toutes les maisonnées d'alentours et n'arrêtait donc pas de tourner. Il arrivait que les pierres en contact s'usassent au point où elles glissaient l'une sur l'autre sans accomplir le travail d'écrasement qui leur était demandé car les graines ne trouvaient plus d'arrêtoirs susceptibles de freiner leur course et donc de forcer le passage de l'élément mobile afin de les écraser. C'est là qu'intervenait un artisan aujourd'hui totalement disparu. Son rôle consistait à piquer la pierre de la meule afin de rendre rugueuse sa surface de contact. L'expression vient de ce travail: eng'ouch veut dire "piocher". Elle est utilisée de manière triviale et se rapporte à une perversion sexuelle évidente; mais on l'utilise aussi,  bien que très rarement pour faire de la dérision sur une tâche fastidieuse ou dépassée par le temps.
    8 aem aela boukan'za
    El kan'za c'est le gésier (du poulet). On affirme que c'est l'organe qui rend sensible au froid comme "El kebda" rend sensible à la tendresse. Les possesseurs de "kan'za" (au pluriel "k'naz") sont réputés très frileux, d'aucuns font aussi allusion à cette caractéristique en assimilant certaines manifestations épidermiques à de la "chair de poule"; c'est dire que nous n'avons rien inventé. "aem aela boukan'za" - (sale temps pour les poules !) est une expression qu'on lance en soufflant dans les mains pour dire qu'il fait très froid. On s'exclame ainsi d'autre part en temps de froid et de pluie parce que le poulet fait les frais de ces conditions climatiques car pour adoucir la température des corps on recourt au berkoukes chaud garni au poulet. Le froid constitue donc un double danger pour la gente avicole et cette expression en constitue le constat.
    10 ki h'mar el gayla ou ki aewd en'mel
    "H'mar el gayla" (l'âne du plein soleil) c'est cet ongulé mythique qui traverse en courant et en brayant nos campagnes quand nous sommes enfoncés dans nos méridiennes dans les gosses chaleurs des s'mayem. H'mar el gayla c'est un peu notre Arlésiennes en plus bestial; tout le monde en parle mais seuls quelques parents affirment à leurs enfants trop turbulents qu'ils l'ont bien vu, en chair, en os et en robe blanche. L'expression "qui h'mar el gayla" (comme l'âne du plein soleil) est jetée dans le dos de quelqu'un qui se refuse à aller à la sieste et qui continue à vadrouiller quand tout le monde s'engonce dans la léthargie estivale. Elle qualifie ces chauffeurs de taxis ou ces colporteurs d'eau en citernes tractées et qui, par amour du travail (nous affirmons que c'est par amour de l'argent, na !) continuent à s'adonner à leurs activité quand le soleil tape dur. Quand il s'agit de critiquer un des nôtres pour pareille fébrilité hors normes, on édulcore l'expression qui devient: "ki aewd en'mel" (comme le coursier des fourmis). Aewd en'mel, c'est cette fourmi rouge à longues pattes qui n'arrête pas de courir dans tous les sens quand les laborieuses fourmis noires font les porteuses en tout genre.
    11 chikh el kanoun
    Chikh el kanoun ou "gardien de l'âtre" est un vieillard à barbe blanche, débonnaire pour les enfants sages,   mais extrêmement sévère pour les turbulents. Il a aujourd'hui disparu presque totalement car en guise de chauffage on n'utilise plus ni les cheminées d'antan, ni les âtres ni même les "nafakh"... Il en est resté une expression "ki chikh el kanoun" (comme le vieillard -ou le gardien- de l'âtre) qu'on utilise pour ironiser sur les casaniers pantoufflards quand ils refusent pour trop longtemps de rejoindre nos parties de médisance sur les trottoirs du village ou sous les oliviers de "la SAS",  sur la margelle de la fontaine publique, sur les bancs-dolmen placés devant les épiceries ou autour d'un thé chez "Zaanennou".
    12 ki chouk el aeneb
    Tout le monde sait que les ceps de vigne portent de cruelles épines... C'est justement pour qualifier cette cruauté qu'on n'hésite pas à cligner de l'oeil en affirmant que "flen" (untel) est aussi dangereux que des épines de ceps de vigne...
    13 ki l'ballout (yettartag)
    Les glands se mangent généralement crus. Pour leur conférer plus de velouté, on les fait cuire à la braise. Lors de leur cuisson, la chair qui se dilate finit pas déchirer l'enveloppe sous un bel éclat qui souffle braises et cendres. L'expression "éclater comme un gland" provient d'une allusion à ce coup sec. On l'emploie généralement pour ironiser justement sur les "pète-sec" qui tonnent plus fort que leurs cordes vocales. L'éclat du gland et sa ressemblance avec la balle des armes à feu a par la suite assimilé ce fruit à ces objets indigestes et maintenant que le crépitement de fusils est devenu routinier, on n'hésite plus à qualifier les mitrailles de "pluie de glands" (issob el ballout).  
    14 h'na bel aerab
    "nous autres les arabes !". Les villageois ont la manie de l'autoflagellation; leurs ennemis étant d'abord leurs voisins et cousins, ils savent qu'en jetant l'anathème sur leur propre race, ils le jettent aussi sur leurs ennemis. C'est pour ça qu'ils n'hésitent pas à imputer la paternité raciale de toute incohérence à leur propre groupe social en faisant une moue de derision ponctuée d'un "h'na bel aerab !". Cette reconnaissance peut être plus précise: "h'na bessh'ab el biladj" (nous les villageois !) ou encore "h'na b'esshab la cité x !" (nous les résidents de la cité x"
    Je vous dirai tout dès que possible, sur les expressions qui suivent...
    15 ki h'mar esstah
     
    16 echchekoua lelh'djar
    Expression purement féminine.
    17 yekhli darek
     
    16 yetneffakh ki eddindou
     
    17 marouah' lebra fettben
     
    18 inebbeg (ilaggat en'beg)
     
    19 iwegged
     
    20 ki dh'nabett el farroudj
     
    21 yedjbed men' garn echchkara
    "tirer du coin du sac"
    22 doudou men' aeoudou
     
    23 ichedd elmouss mel'mdh'a
     
    24 yedh'bah' mel'gfa
     
    25 dh'arbatou bel'kh'lal
     
    26 klakh !
     
    27 ghabbar !
     
    28 dir gamoumek
     
    29 boumba ! tayyara ! neggara !
     
    30 errah'dj !
     
    31 bougrou !
     
    32 bennif !
    33 koul ou bazzae
     
    34 bouryoun laema
     
    35 h'emma treggdek !
     
    36 nar tah't errmad
     
    37 edhdhib el madhi
     
    39 Khezzi !
    40 Terka
     
    41 Aela rassek
     
    42 Endeb ! ou Nendeb aelik ou yendeb aela saedou
     
    43 B'gha i'aeouaech !
     
    44 Y'aetik hassra t'h'assrek ou gorh'a tgarrh'ek
     
    45 Y'aetik tar

       

    Mohamed Adjou

                                                                                                                                                                    https://djebahia.tripod.com/les_mots_du_cru.html?fbclid=IwAR2Sq8z-w5a

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