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La prison de Khiam : Visite sur le lieu d’un crime israélien
Il est par hypothèse bien difficile de visiter les prisons israéliennes dédiées à la Résistance arabe, car elles sont toutes sur le territoire d’Israël, et inaccessibles. En violation de la IV° convention de Genève (Art. 76, 4° alinéa) et du statut de la Cour pénale internationale (art. 8, 2, b, viii) les dirigeants d’Israël ont toujours procédé au transfert des résistants arabes sur leur territoire, pour les interroger, les juger et les garder détenus. C’est dire qu’avant même de se poser des questions sur la conformité des procédures au droit (CPI, art. 8, 1, a, vi et art. 8, 1, a, ii), le crime de guerre est déjà établi. Le fait est indéniable, mais que ne pardonnerait-on pas à la seule démocratie du Proche-Orient…
Aussi, la visite de la prison de Khiam dans le Sud-Liban est d’autant plus importante. Israël a depuis ses méfaits bombardé le site, pour le détruire à 90%, mais passer quelques heures sur place, avec les explications d’anciens détenus, permet d’en savoir bien assez sur ce crime d’Etat.
Non-droit absolu
Cette prison était à l’origine une caserne, construite en 1933, du temps du mandat français, sur un promontoire qui domine le Sud-Liban. C’est lors de l’occupation du Sud du Liban, de 1982 à 2000, qu’Israël en a fait une prison dédiée à la résistance libanaise. Au fil du temps, environ 150 personnes y étaient détenues, des hommes, des femmes et des enfants. Au total 5000 personnes, souvent pour de longues années,… et aucune d’elle n’a été jugée.
L’encadrement était le fait d’officiers israéliens, et le fonctionnement reposait sur la sinistre ALS, l’Armée du Liban-Sud, une milice sous-traitante de l’armée israélienne, prête à tout, comme le sont les traîtres.
Khiam était une zone de non-droit absolu : torture systématique, conditions inhumaines de détention, isolement total, privation de lumière, pas de visite, pas d’avocat, pas de juge, pas de correspondance… et pas de procès. Si pour certains le séjour était court, car il fallait intimider, la plupart des détenus l’ont été pour de longues périodes, souvent plus de dix ans… et sans aucun jugement. Un ordre militaire, resté secret, suffisait.
Après dix ans de clandestinité, l’intervention du CICR
Bien protégé par le camp occidental, haut défenseur des valeurs, Israël a menti effrontément pendant plus de dix ans en niant l’existence de cette prison. C’était simplement un centre pour gérer les arrestations… Ajoutez quelques expressions outragées pour contester la propagande de Résistance libanaise, ces terroristes… En 1989, les détenus avaient engagé un mouvement de protestation pour obtenir la visite du CICR, aussitôt réprimé par deux exécutions. Les démarches insistantes du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) ont fini par payer six ans plus tard, et en 1995 le CICR a pu effectuer une première visite. Il s’attendait à l’horreur, et il a vu pire.
L’un des caissons, pour l’isolement
Un détenu pouvait rester des journées entières dans ces coffres
Une cellule collective pour hommes
Soha Bechara
La résistante Soha Bechara a passé dix ans à Khiam. Militante du Parti communiste, elle avait tenté 7 novembre 1988 d’abattre Antoine Lahad, ce général dévoyé qui dirigeait l’ALS. Elle a vécu six ans à l’isolement, dans une cellule d’isolement mesurant 1,80 m de long sur 80 cm de large, avec d’incessants interrogatoires sous la torture : « L’électricité, les tuyaux, l’eau… des décharges électriques durant quatre heures d’affilée. On ne peut que crier dans ces moments-là ». Un jour, ils ont amené sa mère pour qu’elle assiste aux tortures de la fille. A-t-elle pleuré durant ces dix ans ? « Oui, j’ai pleuré quand cette mère et ce bébé criaient parce qu’on les séparait, et aussi quand on entendait les hurlements des hommes et des femmes en train d’être torturés. Pour les hommes, c’était horrible. A Khyam, la torture est hors de pensée ».
En haut de la photo, la partie préservée, qui était le quartier des femmes
Suleiman Ramadan
Suleiman Ramadan a été capturé le 17 septembre 1985, grièvement blessé lors d’une opération militaire. D’abord transféré à l’hôpital militaire de Haïfa, où il a du être amputé d’une jambe, il est revenu le 27 octobre 1985 à Khiam, pour 73 jours d’interrogatoire sous la torture, les menottes aux poings, la tête toujours couverte d’un sac, installé sur un chariot dans un couloir, sans aucun soin pour ses blessures : «De faim, je mangeais mes ongles et la peau de mes doigts. Mais cela n’était rien par rapport aux brutalités et à la torture qui tombaient à n’importe quel moment». Suivra la cellule : neuf mois passés dans une cellule d’isolement de 90 cm sur 90 cm, puis à sept dans une cellule de 2,25 m sur 2,25 m : « C’était l’enfer. Nous étions privés de tout. C’était le règne de la maladie et de la faim. Les douches que nous prenions étaient parfois espacées de deux mois».
Après la visite du CICR, ont été lâchées quelques améliorations minimales d’hygiène, comme un point d’eau dans les cellules, et le rétablissement des correspondances. Dans la première lettre qu’il a reçue de sa famille, Suleiman Ramadan a trouvé une photo de son neveu. «En voyant cet enfant, j’ai su que j’existais en tant qu’être humain. C’est la plus grande joie de ma vie. Même à la libération, je n’ai pas ressenti cette joie-là ».
Libération en mai 2000…
En mai 2000, la Résistance libanaise a gagné. Israël a dû se retirer du Liban, les miliciens de l’ASL se sont liquéfiés et dans la foulée la prison de Khiam a été prise d’assaut : 145 prisonniers ont retrouvé la liberté.
Depuis, cette prison était devenu un mémorial, ouvert au public. Tout était resté, comme figé au temps de tortionnaires.
… et bombardement en juillet 2006
Le 25 juillet 2006, lors de la «guerre de 34 jours» entre Israël et le Hezbollah, l’aviation israélienne a largué une bombe guidée sur le site, qui n’était en rien un objectif militaire, et a pratiquement tout détruit. Quatre bérets bleus de l’ONU – un Autrichien, un Canadien, un Chinois et un Finlandais – qui étaient de permanence ont été tués. L’ONU a ouvert une enquête, et Israël a reconnu une « erreur au niveau opérationnel ».
C’était le geste du criminel qui veut faire disparaître les traces de son crime. Sauf que les crimes commis à Khiam sont entrés dans l’histoire, et que reste-t-il comme pensée à celui qui veut détruire les lieux de mémoire ?
Deux vidéos
La première Khiam ou le temps égrené au Sud-Liban est signée Jean-Marc Sroussi. Elle traite spécifiquement de la prison, et comme elle a été tournée en février 2006, on peut voir la prison avant son bombardement.
La seconde est un reportage publié par Temps Présent, l’émission de la RTS, Soha, retour au pays du Hezbollah, tournée en octobre 2006. Un bon reportage, qui fait comprendre ce qu’était la vie à Khiam, et qui pose très correctement le cadre de ce qu’est la Résistance libanaise, avec le rôle clé du Hezbollah, diabolisé chez nous, mais là-bas pièce essentielle, et respectée, de la défense du peuple libanais. Par Maître Gilles Devers La source originale de cet article est Mondialisation.ca
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