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♦ États-Unis : Autour de Biden, consultants, profiteurs de guerre et faucons de la sécurité nationale
Les membres des équipes d’évaluation des agences du nouveau président Biden font s’évanouir les espoirs d’une poussée à gauche de l’administration Biden, selon Kevin Gosztola.
Le président élu Joe Biden a nommé un nombre effarant de consultants d’entreprise, de profiteurs de guerre et de faucons de la sécurité nationale au sein des équipes d’évaluation des agences qui établiront le programme de son administration. Un pourcentage important d’entre eux travaillait au sein du gouvernement américain lorsque Barack Obama était président.
Ces nominations devraient constituer un réveil brutal pour tous ceux qui pensaient qu’une administration Biden pourrait être contrainte d’aller dans une direction progressiste, notamment en matière de politique étrangère.
Si l’on en croit les équipes d’évaluation, Biden sera fermement protégé de toute pression visant à lui faire quitter le statu quo néolibéral. Au contraire, il est probable qu’il sera poussé dans la direction opposée, vers une politique étrangère interventionniste dictée par les intérêts des Barons de la Beltway [L’Interstate 495 est une autoroute inter-états américaine qui entoure le Washington et ses banlieues du Maryland et de Virginie. Elle est aussi connue sous le nom de Capital Beltway ou the Beltway, NdT] et alimentée par la fièvre de la Guerre froide.
Dépendants aux changement de régime
Lisa Sawyer Samp est l’excellent exemple d’une de ces parsonnalités à l’esprit interventionniste nombreuses au département de la Défense de Biden-Harris. Elle a été directrice des affaires stratégiques européennes et de l’OTAN pour le Conseil national de sécurité de 2014 à 2015, et a travaillé pour JPMorgan Chase de Wall Street en tant que conseillère en politique étrangère.
Lisa Sawyer Samp a fait partie de la Task Force on the Future of US Coercive Economic Statecraft du Center for a New American Security, ce qui signifie essentiellement qu’elle a participé à des réunions portant sur les méthodes de guerre économique qui pourraient être utilisées pour déstabiliser les pays qui refusent de s’incliner devant l’empire américain.
Elle estime que le gouvernement américain n’en fait pas assez pour dissuader « l’agression » russe, que les niveaux de troupes américaines en Europe devraient revenir à ceux de 2012, et que les livraisons d’armes offensives à l’Ukraine devraient se poursuivre et augmenter, et ce en violation des accords de Minsk.
« Au lieu de dire que nous lèverons les sanctions lorsque la Russie décidera de se conformer au prochain accord, dites que nous les augmenterons jusqu’à ce qu’elle le fasse. Au lieu de se prosterner devant les prétendues sphères d’influence de la Russie, nous fournirons à l’Ukraine l’assistance vitale dont elle a si désespérément besoin et augmenterons le soutien américain aux nations vulnérables de la zone grise », a-t-elle déclaré lors de son témoignage devant la commission sénatoriale des services armés en 2017.
La secrétaire d’État adjointe américaine aux Affaires africaines, Linda Thomas-Greenfield, a été nommée à la tête de l’équipe Biden-Harris du département d’État. Elle est une alliée inconditionnelle de l’ancienne conseillère à la Sécurité nationale américaine Susan Rice, qui a milité pour la guerre en Libye, soutenu l’invasion de l’Irak et participé à la décision de retirer les soldats de la paix de l’ONU du Rwanda, ce qui a permis le génocide.
En tant que développeuse et gestionnaire de la politique américaine en l’Afrique subsaharienne, elle a applaudi le Millennium Challenge Account du président George W. Bush, une politique néocolonialiste conçue pour privilégier les entreprises américaines et faciliter l’exploitation des économies africaines dites émergentes.
Thomas-Greenfield a fait partie du Albright Stonebridge Group, une société de conseil mondiale présidée par l’ancienne secrétaire d’État Madeleine Albright qui fait pression en faveur de l’industrie de la défense.
Dans la liste des clients d’Albright Stonebridge on compte la société de gestion du prédateur capitaliste et méga-donateur du Parti républicain, Paul Singer. Lorsque les initiés de la Beltway ont fait équipe pour mettre l’économie argentine à sec lors de la dernière crise de la dette du pays, la présidente de l’époque, Cristina Kirchner, a accusé Albright de l’avoir menacée de financer ses opposants à moins qu’elle ne cède à ses exigences.
Le groupe du département d’État comprend également Dana Stroul, membre de l’Institut néoconservateur de Washington pour la politique au Proche-Orient (WINEP), qui a été fondé à l’origine par le Comité américain des affaires publiques pour Israël (AIPAC).
Comme l’a rapporté Ben Norton de Grayzone, Dana Stroul a été enrôlée par les Démocrates du Sénat en 2019 pour rejoindre le « Groupe d’étude sur la Syrie » afin d’aider à définir la phase suivante de la sale guerre américaine en Syrie. Les recommandations prévoyaient le maintien d’une occupation militaire d’un tiers du pays, la « partie riche en ressources de la Syrie », afin de donner aux États-Unis un moyen de pression pour « influencer un règlement politique. »
Elle a demandé de nouvelles sanctions économiques contre Damas et le blocage de l’aide à la reconstruction, qui a déjà conduit à des pénuries de pétrole et de pain.
Ali Abunimah de l’Electronic Intifada a noté que Farooq Mitha, ancien fonctionnaire du Pentagone de l’administration Obama, a été nommé dans l’équipe de transition de Biden au Pentagone. Mitha était membre du conseil d’administration d’Emgage, un comité d’action politique [Political Action Committee, NdT] américain musulman qui a tissé des liens avec le lobby israélien, provoquant la condamnation furieuse des défenseurs de la solidarité avec la Palestine. Farooq Mitha aurait participé aux conférences de l’AIPAC.
De nombreuses personnes recrutées par Biden-Harris soutiennent un changement de régime au Venezuela. Paula Garcia Tufro a été membre du Conseil national de sécurité d’Obama et fait partie de l’équipe du CNS. Elle était au CNS lorsque Obama a déclaré que le Venezuela était une «menace pour la sécurité nationale » et a collaboré avec un groupe de Washington qui représente le putschiste Juan Guaido dont le coup d’état a échoué.
Kelly Magsamen, vice-présidente de la sécurité nationale et de la politique internationale au Center for American Progress et ancienne fonctionnaire du Pentagone et du Département d’État, fait partie de l’équipe du Conseil national de sécurité de Biden-Harris. Lorsque la représentante Ilhan Omar a mis sur le grill Elliott Abrams, envoyé spécial au Venezuela, Magsamen s’est empressée de défendre de son ancien patron, qualifiant Abrams de « farouche défenseur des Droits humains ». (Abrams a soutenu les escadrons de la mort en Amérique centrale dans les années 1980).
L’ancienne ambassadrice des États-Unis au Mexique, Roberta Jacobson, est membre de l’équipe de transition du département d’État. Se présentant comme une experte en « politique commerciale latino-américaine », elle a également travaillé pour la société de conseil Albright Stonebridge Group.
Roberta Jacobson a contribué, pour l’administration Obama, à définir la qualification du Venezuela comme menace pour la sécurité nationale, ouvrant la voie au blocus économique imposé par Trump.
« De façon grossière et provocante Mme Jacobson nous dit ce qu’on doit faire , s’est plaint à l’époque Delcy Rodriguez, alors ministre des Affaires étrangères du Venezuela. Je la connais très bien car je l’ai vue personnellement, sa façon de marcher, de mâcher son chewing gum. Quand on traite avec des gens et avec des pays il faut avoir des bonnes manières. »
Derek Chollet et Ellison Laskowski, tous deux cadres supérieurs du German Marshall Fund (GMF), font également partie du groupe du Département d’État de Biden-Harris . Le GMF a fait pression pour que les Etats Unis et l’Europe adoptent une attitude plus belliciste envers la Russie tout en soutenant un projet douteux de guerre de l’information appelé Hamilton 68. Ce site web prétendait pouvoir identifier les « opérations d’influence russe » tout en attisant la censure des médias sociaux concernant les comptes qui faisaient la promotion de discours anti-impérialistes, en assimilant à tort des personnes réelles à des « bots russes » et en orchestrant des diffamations contre les manifestations « Black Lives Matter », les présentant comme des outils d’influence clandestine russe.
L’équipe des renseignements de Biden-Harris compte Greg Vogle, ancien chef de station de la CIA en Afghanistan et ancien partenaire du cabinet de conseil McChrystal Group fondé par l’ancien commandant du Commandement des opérations spéciales conjointes (JSOC) Stanley McChrystal. Tant le JSOC et la CIA, que les forces paramilitaires qu’ils ont entraînées, ont commis des crimes de guerre en Afghanistan.
Greg Vogle a également trouvé le temps de travailler pour un entrepreneur militaire américain, DGC International, qui fournit des services de construction, de ravitaillement en carburant, en oxygène, en azote liquide et d’autres formes de soutien logistique aux forces militaires américaines, en profitant des guerres au Moyen-Orient.
Comme Sarah Lazare l’a rapporté pour In These Times, « sur les 23 personnes qui composent l’équipe d’examen de l’agence du ministère de la Défense, 8 d’entre elles – soit un peu plus d’un tiers – citent leur « dernier emploi » comme étant des organisations, des groupes de réflexion ou des entreprises qui reçoivent directement de l’argent de l’industrie de l’armement ou qui font partie de cette industrie. » Parmi ces entreprises figurent Raytheon, Northrop Grumman, General Dynamics et Lockheed Martin.
Dans l’équipe de renseignement, Greg Vogle a été rejoint par Matt Olsen, ancien directeur du Centre national antiterroriste sous Obama et, brièvement, avocat général de l’Agence de sécurité nationale (NSA).
De 2006 à 2009, Olsen a occupé le poste de procureur général adjoint à la division de la sécurité nationale du ministère de la Justice. Il y a fait tomber les barrières qui empêchaient les procureurs de pouvoir utiliser les informations recueillies dans le cadre d’opérations clandestines et de surveillance sans mandat dans des affaires criminelles. Il a également contribué à l’élaboration de la loi d’amendement de la FISA, qui a accordé aux sociétés de télécommunications l’immunité pour leur rôle dans le programme d’écoute électronique sans mandat de la NSA, mis en place après les attentats du 11-Septembre.
Il défend les perquisitions clandestines des communications Internet des Américains, ayant fait valoir que le droit au respect de la vie privée prévu par le quatrième amendement est trop lourd à suivre pour le FBI. Il a passé les mois qui ont suivi la révélation par Edward Snowden, lanceur d’alertes de la NSA, des programmes de surveillance de masse, à discréditer Snowden en accusant le dénonciateur d’aider les terroristes.
Un autre adversaire d’Edward Snowden dans l’équipe de renseignement de Biden-Harris est Bob Litt, qui était la pointe de fer du bureau du directeur du Renseignement national. Lorsqu’une organisation médiatique publiait un article sur un nouvel aspect de l’appareil de surveillance américain, Bob Litt était chargé par l’État de sécurité nationale déployé pour minimiser ou réfuter la révélation.
Lorsque le directeur du renseignement national James Clapper a été mis en cause pour avoir menti au Congrès sur la collecte des métadonnées téléphoniques des Américains, par exemple, Litt a pris la défense de Clapper, arguant de façon absurde que le directeur était « surpris par la question et a recentré son attention sur la récupération du contenu des communications des Américains ».
En fait, les équipes d’examen de l’agence Biden-Harris sont truffées de personnalités susceptibles de cautionner l’anarchie et le mépris des libertés civiles si elles entrent dans l’administration.
Les agents de l’injustice
Parmi celles-ci figure Marty Lederman, membre de l’équipe d’examen du ministère de la Justice. Professeur de droit à Georgetown, Lederman a été l’assistant du procureur général adjoint au bureau des conseillers juridiques du ministère de la Justice de 2009 à 2010. Il a participé à la rédaction du « drone memo » qui a souligné la prétendue « base juridique » de l’exécution d’Anwar al-Awlaki, suspect de terrorisme affilié à Al-Qaïda, sans accusation ni procès malgré sa citoyenneté américaine.
Barbara McQuade, ancienne collaboratrice de la MSNBC et ancienne avocate du district Est du Michigan, qui a juridiction sur Dearborn, Detroit et Flint, vient rejoindre Marty Lederman. À l’époque où elle était la principale procureure du gouvernement à Flint, elle était en position pour porter des accusations contre les fonctionnaires du Michigan responsables de la contamination de l’eau de la ville et du mensonge à ce sujet, mais elle a attendu la fin de son mandat sans faire quoi que ce soit de concret pour les obliger à rendre des comptes.
Son bureau s’est rendu complice du profilage racial et de la surveillance intrusive des communautés arabes, musulmanes et sikhes de Dearborn. Elle a engagé des poursuites politiques contre Rasmea Odeh, une éminente militante palestino-américaine des droits civils à Chicago, ce qui a entraîné l’extradition de celle-ci vers la Jordanie.
Rasmea Odeh ayant été torturée par les forces israéliennes, le Département d’État savait qu’elle était accusée de violence par le gouvernement israélien, et cependant elle avait été autorisée à immigrer aux États-Unis dans les années 1990. Néanmoins, elle a été condamnée pour fraude à l’immigration et expulsée vers la Jordanie dans le cadre d’une opération de contre-espionnage du FBI contre les militants anti-guerre et de solidarité internationale.
Neil MacBride, ancien procureur américain du district Est de Virginie, fait également partie de l’équipe du ministère de la Justice de Biden-Harris. Bien que son bureau n’ait pas inculpé le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, Neil MacBride a supervisé le grand jury constitué pour aider le gouvernement américain dans ses efforts pour détruire l’organisation médiatique.
Il a présidé aux poursuites contre les lanceurs d’alertes de la CIA John Kiriakou et Jeffrey Sterling, ce qui a permis à Barack Obama de détenir le record honteux du plus grand nombre de poursuites au titre de la loi sur l’espionnage par rapport à toutes les administrations présidentielles précédentes réunies. Neil MacBride s’est également battu devant un tribunal fédéral pour obtenir l’autorisation de forcer le journaliste du New York Times James Risen à divulguer ses sources confidentielles dans l’affaire Sterling, en menaçant le correspondant d’une peine de prison s’il refusait.
Lors d’un événement du Forum sur la sécurité d’Aspen en juillet 2013, Michael Isikoff a demandé à MacBride : « As-tu dépassé les bornes, Neil ? » ce à quoi celui-ci a répondu : « Non, je ne crois pas. »
Le chef de l’équipe Biden-Harris pour le département du Travail est Chris Lu, enthousiaste avocate de l’accord de libre-échange des entreprises du Partenariat Trans-Pacifique en tant que secrétaire adjointe du Travail sous Barack Obama.
Une demi-douzaine des personnes nommées ont des liens avec des entreprises de haute technologie. La figure la plus significative est peut-être Seth Harris, un lobbyiste et ancien fonctionnaire du ministère du Travail de Barack Obama qui a rédigé un document politique pour le projet néolibéral Hamilton.
Ce document a servi de cadre à l’adoption de la proposition 22 en Californie. Uber, Doordash et Lyft ont dépensé environ 200 millions de dollars pour faire campagne en faveur de l’adoption de cette loi, qui les exempte, ainsi que d’autres sociétés, du paiement des avantages sociaux de leurs employés et interdit aux conducteurs d’Uber et Lyft de s’organiser en syndicat.
Max Moran, de The American Prospect, a affirmé que la proposition 22 était en fait l’audition de Harris pour le poste de secrétaire au Travail dans une éventuelle administration Biden. Vu son succès retentissant pour duper des Californiens soi-disant progressistes de toutes tendances afin qu’ils soutiennent l’oppression des travailleurs par les entreprises, Harris a mérité ce poste.
Et comme les interventionnistes qui dominent les équipes d’évaluation de la politique étrangère, Seth Harris incarne la promesse de Biden aux grands donateurs : « Fondamentalement, rien ne changera . »
Kevin Gosztola est le rédacteur en chef de Shadowproof. Il produit et co-anime également le podcast hebdomadaire « Unauthorized Disclosure ».
Source : Consortium News, Kevin Gosztola, 20-11-2020
Traduit par les lecteurs du site Les Crises« ♦ FRANCE. Le temps perdu ne se rattrape jamais♦ Crimes de guerre : L’Australie révèle les atrocités commises en Afghanistan, les États-Unis continuent d’ignorer les leurs »
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