• ♦ Amnesty International et son soutien à l’occupation de l’Afghanistan

     

    L’affichage d’Amnesty International sur des abribus lors du Shadow Summit for Afghan Women’s Rights le 20 mai 2012 à Chicago cautionnait l’intervention « humanitaire » de l’OTAN ainsi: « Droits humains pour les femmes et les filles en Afghanistan. Otan: Gage de progrès  » 


    Par ASHLEY SMITH
    Article publié initialement le 18 OCTOBRE 2012 sur le site silviacattori.net


    La plupart des gens associent Amnesty International à la lutte contre la torture, la contestation de la peine de mort et les campagnes pour la libération de prisonniers politiques. En plus de ces importantes campagnes, Amnesty s’est opposée ces dix dernières années à la guerre en Irak et a milité pour la fermeture du camp de concentration US à Guantánamo Bay, Cuba.

    Les militants contre la guerre se sont indignés lors du sommet de l’OTAN en mai dernier à Chicago quand ils se sont rendu compte qu’Amnesty International USA avait couvert les abribus de la ville d’affiches sur lesquelles était écrit :  » Droits humains pour les femmes et les jeunes filles en Afghanistan : OTAN, continuez les progrès ! ».

    Pire encore, Amnesty USA avait organisé son propre « sommet parallèle » au cours des réunions de l’Otan avec, comme intervenante, Madeleine Albright, la secrétaire d’État tristement célèbre de Bill Clinton, dont on n’oubliera jamais la réponse terrifiante qu’elle avait faite à une question sur 60 Minutes concernant les sanctions infligées à l’Irak dans les années 1990.

    Le journaliste Lesley Stahl lui avait dit : « nous avons appris qu’un demi-million d’enfants sont morts. C’est-à dire plus qu’à Hiroshima. Pensez-vous que cela en vaille le prix ? «  Albright avait répondu : « je pense que c’est un choix très difficile, mais nous pensons que c’est le prix à payer ».

    Avec, parmi ses intervenants-vedettes une véritable criminelle de guerre, le sommet parallèle d’Amnesty USA lançait une campagne qui, en tout état de cause, appelait l’OTAN à poursuivre le « bon travail » réalisé en Afghanistan. Les intervenants et la documentation promotionnelle recyclaient la justification “féministe” de George Bush de l’invasion et l’occupation – à savoir que l’OTAN libérerait les femmes de la domination des Taliban.

    Amnesty USA affirmait, dans une « lettre ouverte aux présidents Obama et Karzai« :
    « Aujourd’hui, trois millions de filles vont à l’école, par rapport à pratiquement aucune quand les Taliban étaient au pouvoir. Les femmes constituent 20 % des diplômées de l’Université. La mortalité maternelle et enfantine a baissé. 10% des juges et des procureurs sont des femmes, alors qu’il n’y en avait aucune du temps des Taliban. C’est cela que nous voulons dire quand nous parlons de progrès : ces avancées pour lesquelles les femmes ont lutté ces dix dernières années ».

    Comparez cela à la propre propagande de l’OTAN :
    « Au cours des dix dernières années de notre partenariat, les vies des hommes, des femmes et des enfants en Afghanistan se sont sensiblement améliorées en matière de sécurité, d’éducation, de soins de santé, de débouchés économiques et de défense de leurs droits et libertés. Il y a encore à faire, mais nous sommes déterminés à collaborer afin de conserver les importantes avancées que nous avons réalisées au cours de ces dix dernières années ».

    Il n’y a pratiquement aucune différence.

    La vérité sur les femmes sous occupation de l’OTAN

    Ces affirmations sont pathétiques. L’occupation de l’Afghanistan par l’OTAN s’est traduit par le règne de la terreur pour toute la population du pays, la répression, le bombardement de noces et le soutien au président fantoche Hamid Karzai et à son régime de seigneurs de la guerre corrompus.

    Même le New York Times reconnait qu’il n’y a pratiquement pas eu de progrès du tout. Un éditorial du Times raconte : « Selon la Banque mondiale, on estime que 97% du PIB en Afghanistan, qui s’élève à environ 15.7 milliards de dollars, proviennent de l’aide militaire internationale et de l’aide au développement et des achats dans le pays par les armées étrangères. »

    Toute revendication de la part des hauts responsables USAméricains ou de l’OTAN sur les améliorations des conditions pour les Afghans doivent être prises avec des pincettes. Dans les dernières révélations sur leurs mensonges concernant les progrès, on apprend, à l’issue d’une enquête menée par le congrès US, qu’à l’hôpital Dawood, qui a été financé par les US, les patients se retrouvent dans des « conditions dignes d’Auschwitz ». Comme le rapporte Democracy Now ! :

    « Les lanceurs d’alerte de l’armée ont publié des photos prises en 2010 qui montrent des patients privés de nourriture et laissés à l’abandon à l’Hôpital Dawood, considéré comme le joyau du système de soins afghan, où le personnel militaire du pays est soigné. Les photos montrent des patients terriblement émaciés, certains atteints de gangrène et avec des plaies rongées par les vers ».

    Femmes à Kaboul avant la guerre [1972. Laurence Brun/GAMMA RAPHO]

    Et après …

    Les conditions que connaissent les femmes en Afghanistan ne font pas exception à ce schéma général. Ni l’Otan, ni le régime de Karzai n’ont fait progresser les droits des femmes – Karzai a signé une loi qui donne le pouvoir aux maris de forcer leurs femmes à avoir des rapports sexuels et de les priver de nourriture. Comme l’ont écrit Sonali Kolhatkar, fondatrice de la « Mission des Femmes Afghanes », et Mariam Rawi, membre de l’« Association Révolutionnaire des Femmes d’Afghanistan »:

    « Sous le régime taliban, les femmes étaient confinées chez elles. Elles n’avaient pas le droit de travailler ou d’aller à l’école. Elles étaient pauvres et n’avaient aucun droit. Elles n’avaient pas accès à l’eau potable ni aux soins médicaux et elles étaient forcées de se marier, souvent alors qu’elles n’étaient encore que des enfants. Aujourd’hui, les femmes dans l’immense majorité de l’Afghanistan vivent exactement dans les mêmes conditions, avec une différence notable : elles sont cernées par la guerre ».

    Après plus d’une dizaine d’années d’occupation militaire, l’espérance de vie moyenne des femmes afghanes est de 51 ans. Le pays arrive à la dernière place à la fois en matière de mortalité maternelle et de mortalité infantile. L’UNICEF rapporte que 68 % des enfants en dessous de 5 ans souffrent de malnutrition.

    Depuis le renforcement des troupes décidé par Barack Obama, les conditions des femmes sont devenues bien pires, pas meilleures. « Le conflit qui a lieu sur le pas de leur porte », écrivent Kolhatkar et Rawi, « met leurs vies et celles de leur familles en danger. Cette situation leur procure aucun droit que ce soit dans le cadre familial ou en public, et elle les confine encore plus dans la prison de leur maison ».

    C’est la raison pour laquelle Malalai Joya, ancienne députée au parlement afghan, affirme que la seule chose sensée que l’OTAN et les US peuvent faire, c’est de quitter son pays. Lors d’une manifestation contre le sommet de l’OTAN, elle a déclaré :

    « Nous avons de nombreux problèmes en Afghanistan– le fondamentalisme, les seigneurs de la guerre, les Taliban. Mais nous aurons plus de chances de les résoudre si on nous laisse nous autodéterminer, qu’on nous donne notre liberté, notre indépendance. Les bombes de l’OTAN n’apporteront jamais la démocratie et la justice à l’Afghanistan, ni à tout autre pays ».

    Contrôle des dégâts

    A la suite du tollé qu’ont soulevé l’affiche d’Amnesty USA et le sommet parallèle, l’organisation publiait sur son site web un communiqué explicatif intitulé : « on comprend le message ». L’association admettait que son affiche était déroutante, surtout au moment où des milliers de manifestants s’apprêtaient à protester contre l’occupation de l’Afghanistan par l’OTAN.

    Mais, qu’Amnesty USA ait compris le message, ce n’est pas si évident que cela.

    L’organisation affirme : « Nous n’appelons pas l’OTAN à rester dans le pays », mais dans sa rétractation présumée, elle reprend tous les mythes sur les progrès qu’ont fait les femmes sous l’occupation de l’OTAN, et elle demande que l’OTAN mette en œuvre un processus de paix et un accord d’après guerre dans le but de faire progresser l’égalité des femmes. S’attendre à ce que l’OTAN s’affiche pro-féministe lors d’accords de paix c’est comme espérer d’un pyromane qu’il se transforme soudain en pompier.

    La déclaration d’Amnesty USA n’était qu’une opération de relations publiques pour détourner l’attention sur ce que son affiche révélait dans un lapsus politique – à savoir qu’Amnesty soutient l’occupation de l’Otan dans l’espoir que l’alliance militaire des pays les plus puissants au monde jouera un rôle progressiste en Afghanistan.

    La vérité, c’est que, alors qu’Amnesty USA a poursuivi son travail progressiste dans certains domaines – comme publier un rapport important critiquant la guerre de l’OTAN en Libye et les violations des droits humains qui ont suivi – elle semble adapter ses campagnes internationales sur les droits humains de façon à ce qu’elles collent avec le programme de politique étrangère de l’administration Obama.

    Pour ne citer qu’un exemple, Amnesty USA, fut un temps, ne cessait de critiquer le camp de prisonniers de Guantánamo, où sont détenus des prisonniers ciblés de la « guerre contre le terrorisme ». L’ancienne secrétaire générale d’Amnesty, Irene Khan, l’avait nommé « le goulag de notre époque » et avait décrit les États-Unis comme étant une « superpuissance politique militaire et économique sans égal » qui « fait des pieds de nez aux lois internationales et aux droits humains ».

    Mais lors du sommet parallèle d’Amnesty à Chicago, la co-fondatrice de Code-Pink, Jodie Evans, dénonçait ce qu’elle estimait être un recul par rapport aux tentatives qui avaient été faites pour fermer Guantánamo. Soutenue par une délégation de militants anti-guerre, Evans avait déclaré : « cela fait dix ans maintenant que je milite aux côtés d’Amnesty pour exiger la fin de la torture et la fermeture de Guantánamo, et j’apprends que vous avez laissé partir le personnel qui travaillait sur ce dossier, c’est lamentable ».

    Lors de son assemblée générale au mois de mars à Denver, Amnesty USA avait invité l’ambassadeur US en Syrie, Robert Ford. Ford a travaillé sous les ordres de l’ancien ambassadeur en Iraq, John Negroponte, pendant la période la plus violente de l’occupation de l’Irak par les États-Unis.

    Negroponte s’était fait connaître au cours des sales guerres en Amérique Centrale dans les années 1980, soutenant la montée d’escadrons de la mort d’extrême droite dans la région contre les forces de gauche. En Irak, les services de Negroponte et de Ford ont servi la même cause, mettant en place la prétendue « Option el Salvador » qui consistait à soutenir des paramilitaires sectaires pour réprimer la résistance irakienne. Leur travail a contribué à déclencher la guerre civile en Irak.

    Quiconque est attaché à la justice soutient la lutte parfaitement légitime contre Bashir al-Assad et son régime cruel. Mais Ford, lors de son court passage en tant qu’ambassadeur avant d’être rappelé, avait été accusé d’avoir cherché à créer des forces de collaboration qui serviraient de marionnettes des Etats-Unis dans une Syrie post-Assad – quelque chose qui semble dans la ligne de ce qu’il avait fait en Irak et des objectifs du gouvernement US en Syrie. Néanmoins, Amnesty a permis à ce porte-parole de la politique impériale de Washington de bénéficier d’une tribune importante à son rassemblement.

    La campagne d’Amnesty USA pour un traité sur le commerce des armes visant à restreindre la vente des armes légères soulève les mêmes questions. Comme l’écrit Brendan O’Neill, rédacteur en chef du site « the Spiked » :

    « La demande d’un traité qui empêcherait les pays occidentaux de vendre leurs armes à des pays tarés peut paraître radicale. En réalité, ce que veut Amnesty, c’est que l’armement soit concentré entre les mains des grandes puissances, censées être des pays dignes de confiance, et également que ces pays jouent le rôle de gouverneurs mondiaux de la guerre et de la paix en acceptant la circulation des armes dans certains pays et pas dans d’autres. Il n’y a rien de particulièrement radical à supplier Washington et ses potes occidentaux de décider qui a le droit ou pas de faire la guerre. »

    Putsch à Amnesty USA

    Et donc, que s’est-il passé à Amnesty USA ?

    L’organisation avait essuyé un feu nourri de critiques de la part de la classe politique US, en particulier, à cause de ses attaques virulentes contre le camp de prisonniers de Guantánamo. Le Wall Street Journal avait traité les rapports d’Amnesty sur Guantánamo de « propagande pro-Al-Qaeda ».
    Comme s’était insurgé le Washington Post dans un éditorial, disant que : « transformer un rapport sur la détention de prisonniers en une nouvelle excuse pour casser du Bush ou de l’Amérique décrédibilise les critiques légitimes d’Amnesty contre la politique US et affaiblit la force de ses enquêtes sur les sociétés fermées ».

    Mais Amnesty et ses dirigeants ont également été courtisés par l’administration Obama, qui a entrepris d’afficher un vernis de défenseur des droits humains pour masquer le programme de politique étrangère du gouvernement.

    Ce mélange de pression et de séduction a eu des répercussions à Amnesty USA directement. En janvier 2012, le conseil d’administration de l’association nommait Suzanne Nossel – qui venait à peine de quitter ses fonctions au Département d’État dirigé par Hillary Clinton – nouvelle directrice de l’organisation.

    C’est Nossel qui a accéléré le changement déjà amorcé à Amnesty avant sa nomination. Elle a utilisé l’excuse d’une crise budgétaire pour mettre en place un nouvelle stratégie qui a réorienté l’association pour être plus en phase avec l’empire US, a fermé de nombreux bureaux et licencié certains de ses employés parmi les meilleurs et les plus critiques.

    Nossel est un pur produit des milieux de la finance et de la politique. Elle est diplômée de la Faculté de Droit d’Harvard, où elle était rédactrice en chef du « Harvard Human Rights Journal ». Sitôt après avoir obtenu son diplôme, elle a travaillé dans des entreprises privées, au département d’État et au siège d’organismes de défense des droits humains.

    Dans le monde de l’entreprise, Nossel était cadre chez Bertelsmann, le grand groupe de médias, chez McKinsey & Company, la société de consultants et célèbre usine à fabriquer des PDG, et rien moins que le Wall Street Journal, l’ennemi juré des campagnes d’Amnesty contre Guantanamo.

    Dans les services administratifs de Washington, Nossel a travaillé au département d’Hilary Clinton en tant qu’assistante de l’ambassadeur de l’ONU Richard Holbrooke, qui avait manipulé les inquiétudes de la population à propos des droits humains pour justifier la guerre U.S. au Kosovo en 1999. Loin d’être menée pour défendre les droits humains, cette guerre a conduit à la plus grande vague d’épuration ethnique de l’histoire de ce conflit.

    Quand les démocrates ont perdu la Maison Blanche en 2000, Nossel a travaillé dans les groupes de réflexion de l’impérialisme libéral, notamment, au « Council on Foreign Relations ».

    Dans leur histoire du Council, intitulée « Imperial Brain Trust«  (« état-major impérial »), Laurence Shoup et William Minter disent que l’organisation joue « un rôle essentiel pour façonner la politique étrangère. Au « Council », les secteurs-clés des grands milieux d’affaires se réunissent avec les experts universitaires du monde de l’entreprise pour élaborer un cadre général pour la politique étrangère ».

    Nossel a également travaillé dans les milieux des ONG en tant que directrice générale à Human Rights Watch (HRW), ce qui a permis aux autres ONG humanitaires de devenir, à leur tour, les avocats de l’impérialisme. Par exemple, HRW avait légitimé le coup d’état orchestré par les États-Unis en 2004 contre le président démocratiquement élu d’Haïti, Jean-Bertrand Aristide. Peter Hallward décrit, dans son livre « Damming the Flood », comment HRW avait grossi le rapport sur les violations des droits humains sous Aristide à un point inimaginable. Ainsi, dit-il, l’association avait donné « sa caution morale pour un changement de régime imminent ».

    Nossel soutient éhontément l’hégémonie US dans le monde, l’économie néolibérale et le sionisme, tous drapés dans le manteau des droits humains. Dans un article de 2004 de Foreign Affairs, elle avait inventé l’expression : « Smart Power », le pouvoir de l’intelligence, qui a été reprise par Hillary Clinton pour être le maître-mot de la politique étrangère de l’administration Obama.

    Nossel avait proposé le « Smart Power » comme alternative aux faucons néocons de Bush, qui isolaient les U.S. de ses alliés historiques. Nossel expliquait que les États-Unis, au lieu de miser sur un déploiement de l’armée unilatéral, devaient utiliser tout leur éventail d’armes à disposition, depuis la diplomatie, les pressions commerciales et jusqu’à la machine de guerre, ce qui serait la « meilleure garantie à long terme de la sécurité des États-Unis contre le terrorisme et d’autres dangers ».

    Naturellement, elle exultait de savoir que la nouvelle Secrétaire d’État d’Obama, Hillary Clinton, avait adopté la formule “Smart Power”. Nossel lançait avec enthousiasme que Clinton ; « est fondamentalement optimiste. Elle dit qu’en utilisant tous les outils du pouvoir de concert, la trajectoire du déclin américain peut être inversée. Elle va faire du « Smart Power » quelque chose de super ». Obama a nommé Nossel à un poste du Département d’État où elle a retrouvé a clique des « interventionnistes humanitaires », parmi lesquelles Samantha Power, Susan Rice et Hillary Clinton elle-même.

    Alors, cela ne surprendra personne que Nossel considère les droits humains non pas comme une fin en soi, mais comme un moyen d’asseoir l’hégémonie des États-Unis. Dans un article publié en 2008 dans « Dissent », elle expliquait :

    « Plus les États-Unis rejoindront et mobiliseront les autres pour envoyer des messages similaires, prendre des positions communes et exercer des pressions coordonnées, plus Washington aura de l’influence ».

    Nulle part la subordination des droits humains aux intérêts impériaux n’a été plus évidente que dans son travail aux Nations Unies – où elle s’est fait un devoir d’écarter toute critique d’Israël et de la dépossession et l’oppression qu’il inflige actuellement aux Palestiniens. Dans « Testimony to Congress«  (Témoignage au Congrès) en 2011, par exemple, Nossel affirmait que :

    Le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU « est encore loin d’être l’institution qu’elle doit être, en particulier, en ce qui concerne le traitement partial dont Israël fait l’objet. En rejoignant le Conseil et en devenant sa voix la plus importante, la plus assurée, nous commençons à influencer l’orientation et la conduite de cette institution. Les Palestiniens et les autres cherchent à se servir des forums de l’ONU pour exercer une pression sur Israël et l’isoler. C’est simplement inacceptable et l’Administration a été claire sur ce point. Partout, nous avons rejeté les tentatives de mettre Israël à l’index et nous avons pris des mesures pour renforcer sa position à Genève ».

    Nossel a même exprimé son soutien aux menaces d’Israël de lancer une frappe militaire préventive contre les prétendues installations nucléaires iraniennes. Dans un article de 2006, elle avait déclaré : « la communauté internationale veut tester la diplomatie et d’autres formes de réponses pacifiques aux menaces de l’Iran. Si ces tentatives échouent, Israël devra peut-être remettre sur le tapis la question d’une guerre préventive ».

    Les ONG, le financement par les entreprises et l’impérialisme

    Si Nossel a joué un rôle décisif dans la dégradation d’Amnesty USA, les racines de sa collusion avec l’impérialisme s’inscrivent dans un cadre plus général au sein des organisations humanitaires traditionnelles. Beaucoup d’entre elles, parmi les plus importantes, ont établi des liens plus étroits avec les pouvoirs alors qu’elles sont perçues comme étant contestataires.

    Dans son livre, « The Thin Blue Line », Conor Foley explique comment les ONG comme Médecins Sans Frontières ont abandonné leur position traditionnelle de neutralité dans les conflits et ont même appelé à des interventions de l’empire pour « sauver des vies ». Ainsi, dit-il, les organisations dont la vocation était de « soulager les souffrances humaines pouvaient, à l’occasion, se voir confier la tâche de fabriquer un casus belli ».

    Il y a deux raisons importantes à cette transformation. D’abord, les ONG dépendent de dons pour fonctionner, et une grande partie d’entre eux provient d’institutions liées aux entreprises, telles que la Fondation Ford ou les Fondations pour des Sociétés Ouvertes de George Soros. Les ONG sont ainsi pied et poings liés avec des menottes en or au système et à ses priorités.

    En conséquence, les organisations humanitaires sont de plus en plus intégrées dans l’establishment libéral. Au mieux, elles parlent des abus et des difficultés, non pas pour donner le pouvoir aux exploités et aux opprimés de transformer le système, mais pour tenter d’inciter moralement la classe dirigeante et son gouvernement à adopter de meilleures politiques.

    Et c’est ainsi que les ONG dominantes se sont retrouvées étroitement liées aux dirigeants de l’empire et à leurs états. La manifestation la plus évidente de cette relation tranquille, c’est le jeu de chaises musicales qui a lieu entre les administrations des groupes privés, l’état et les dirigeants des ONG. La transformation de Nossel qui est passée de cadre d’entreprise à bureaucrate du Département d’État, puis directrice d’une ONG humanitaire est de plus en plus la norme, pas l’exception.

    Cette évolution coïncide avec l’utilisation de l’« humanitarisme » pour justifier la projection de la force militaire US dans le monde d’après la guerre froide. Aucun autre que l’ancien directeur du Comité des chefs d’États-majors interarmées, le général Colin Powell lui-même, n’a mieux exposé la relation incestueuse entre les ONG dominantes et le militarisme US quand il a déclaré que les ONG étaient « un multiplicateur de forces pour nous, une importante partie de notre équipe de combat ».

    C’est pour cette raison que le récent passage d’Amnesty USA à une politique partisane en faveur de l’empire américain n’est pas venu de nulle part.

    Francis Boyle, qui a été membre du Conseil d’administration d’Amnesty USA dans les années 1980 et au début des années 1990 a déclaré à Covert Action Quarterly que l’association est depuis longtemps plus zélée quand il s’agit de dénoncer les violations des droits humains dans les pays qui sont dans le collimateur de l’impérialisme US.
    Si, d’autre part, il s’agit de : « parler des violations des droits humains des Etats-Unis, de la Grande Bretagne, d’Israël, alors, c’est la croix et la bannière pour arriver à les obliger à faire véritablement quelque chose sur la situation. Ce n’est pas impossible, mais c’est fait vraiment à contrecœur et à la suite d’un maximum de luttes internes et de pressions, etc. Mais, vous savez, ce n’est pas comme la liste des ennemis officiels. »

    Boyle affirme également qu’Amnesty USA a joué un rôle en poussant Amnesty International, qui reçoit environ 20 % de ses fonds de sa section US, à prendre le parti de l’empire. Le pire exemple en est la collusion d’Amnesty avec les US pour justifier la première guerre du Golfe en 1991.

    Amnesty a joué un rôle-clé en se faisant l’écho de l’histoire qui disait que les soldats irakiens enlevaient les bébés koweitiens, les laissaient mourir et renvoyaient les machines à Bagdad. L’administration Bush Sr. avait claironné cela comme prétexte à une guerre qui était, de toute évidence, destinée à protéger la domination US sur le Moyen-Orient et ses réserves de pétrole stratégiques.

    Mais l’affaire des couveuses était un canular – rien de cela ne s’était produit. Et quand la vérité a éclaté, Amnesty avait refusé de se rétracter.

    « Il n’y a absolument rien eu », dit Boyle, « il n’y a jamais eu d’enquête, il y a eu un blackout total de la part du siège de Londres. Ils ont toujours refusé d’admettre qu’ils s’étaient mal comportés. Il n’y a jamais eu d’explication, jamais eu d’excuses. »

    Une Campagne pour des réformes à Amnesty

    Reconnaissant l’importance du mal à Amnesty USA, plus d’une centaine de bénévoles qui travaillent de longue date pour l’organisation mènent campagne pour empêcher Nossel de laminer davantage encore la mission du groupe. Dans une pétition adressée à la directrice exécutive, ils exigent « un moratoire immédiat … sur la mise en œuvre de la Nouvelle Stratégie et les changements de personnels annoncés dernièrement ».

    Sur une page Facebook créée pour pousser Nossel à écouter les membres d’Amnesty, de plus en plus en colère, Marcia Lieberman, dirigeante d’Amnesty- Providence, Rhode Island, écrit :

    « Nous vous avons demandé respectueusement de nous écouter, mais vous vous êtes bouché les oreilles. Nous vous avons demandé poliment qu’il y ait une courte pause pour permettre aux membres de s’engager vraiment, mais vous avez foncé pour imposer l’adoption de votre projet. Vous n’auriez pas pu faire de meilleur choix si vous aviez décidé d’éliminer les membres du personnel les plus avisés, les plus expérimentés et les plus précieux. Vous avez détruit la mémoire institutionnelle de cette organisation en vous en emparant si résolument ».

    Après le fiasco du sommet parallèle de Chicago et dans le mécontentement croissant des membres du personnel d’Amnesty USA, Code Pink a lancé une campagne de pétitions dont les premiers signataires sont, entre autres, la colonel Ann Wright et Medea Benjamin. Elles encouragent les membres du CA d’Amnesty USA « à demander la démission de Suzanne Nossel, son allégeance aux acteurs gouvernementaux puissants ne pouvant qu’être un obstacle à la véritable activité et à la mission d’Amnesty ».

    Ceux qui s’opposent à la guerre et aux injustices doivent soutenir cette démarche. Mais en même temps, la gauche doit constater la compromission du modèle d’organisation des ONG. Il arrive que les ONG participent à diverses actions, comme l’a fait Amnesty USA. Mais à cause de leur intégration à l’establishment libéral, elles ne peuvent pas contester le système et ses priorités.

    Le soutien désastreux d’Amnesty à l’occupation de l’Afghanistan est la meilleure preuve que la nouvelle gauche qu’il nous faut construire doit rompre avec le modèle des ONG et créer des organisations démocratiques de simples citoyens capables de mener une lutte contre le système.

    Ashley Smith
    8 août 2012.


    Ajout de la traductrice

    Déclaration d’Hillary Clinton lors de son audition devant la commission sénatoriale :

    « Nous devons utiliser ce qu’on a appelé « le smart power « , à savoir, l’ensemble des outils à notre disposition : diplomatiques, économiques, militaires, politiques, légaux, et culturels. Il faut choisir le bon outil, ou la combinaison d’outils la mieux adaptée à chaque situation ».

    NB : Le terme « smart power », n’a pas été choisi par hasard (smart veut dire intelligent, mais aussi : astucieux, futé).
    Le smart power veut marquer la rupture avec l’unilatéralisme agressif de l’Administration Bush.
    Ce nouvel outil est censé être la synthèse de la contrainte (hard power) et l’incitation par l’exemple (soft power).

    Encore un outil de propagande et de novlangue, si on me demande.
    Evidemment.
    Ca se saurait, si Clinton et Obama faisaient dans la subtilité et la diplomatie.

    Lecture complémentaire :

    « Amnesty International et Human Rights Watch : les mercenaires de l’Empire »

    « Les défenseurs des droits humains, guerriers de l’Empire »

    « Les ONG internationales, et l’industrie de la catastrophe : l’exemple haïtien »

    « ♦ Que cherche à faire notre Néron national en montant les vaccinés contre les non-vaccinés ?♦ « Tout le monde est concerné ». Edward Snowden réagit aux révélations sur le logiciel espion Pegasus »
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