• ♦ Amnesty dénonce la politique "d'apartheid" d'Israël contre la population palestinienne

     

    Nadia Boehlen, porte-parole d'Amnesty Suisse. [amnesty.ch] 
    Amnesty dénonce la politique "d'apartheid" d'Israël contre la population palestinienne: interview de Nadia Boehlen / Le 12h30 / 5 min. / aujourd'hui à 12:33
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                              Amnesty International qualifie "d'apartheid" la politique d'Israël envers les Palestiniens dans un rapport publié mardi, en dépit des appels de l'Etat hébreu à ne pas le diffuser. Le chef de sa diplomatie a dénoncé un point de vue antisémite.

    En avril 2021, Human Rights Watch avait jeté un pavé dans la mare en rejoignant des ONG palestiniennes et israéliennes qui avaient décidé d'utiliser le terme "apartheid" pour désigner les politiques d'Israël envers les Palestiniens et les Arabes israéliens, descendants des Palestiniens restés en Israël après la création du pays en 1948.

    Près d'un an après cette première utilisation du terme "apartheid" par une ONG internationale, Amnesty International publie un volumineux rapport pour expliquer son choix d'utiliser le terme "apartheid", tout en disant vouloir éviter les comparaisons avec l'Afrique du Sud.

    "Qu'ils vivent à Gaza, à Jérusalem-Est, dans le reste de la Cisjordanie ou en Israël, les Palestiniens sont traités comme un groupe racial inférieur et sont systématiquement dépossédés de leurs droits. Et ces politiques cruelles de ségrégation, de dépossession et d'exclusion d'Israël à travers ces territoires tiennent clairement de l'apartheid", souligne l'organisation.

    Des Palestiniens affaiblis

    Amnesty ajoute que les Palestiniens sont considérés comme une "menace démographique" par Israël. "On constate qu'il y a une volonté d'établir une hégémonie démographique israélienne, qui se traduit depuis 1948 par des expropriations discriminatoires au bénéfice de la population juive", explique la porte-parole d'Amnesty International en Suisse Nadia Boehlen dans le 12h30.

    Et de poursuivre: "Les Palestiniens sont réduits à des enclaves, la population est fragmentée en territoires, en systèmes politiques et administratifs distants. Cette fragmentation fragilise leurs liens sociaux et politiques. Ils sont affaiblis et ne peuvent pas se mobiliser politiquement contre leur oppression."

    "Déshumanisation du système"

    Aujourd'hui, quelque 6,8 millions de Juifs et autant d'Arabes vivent en Israël, à Jérusalem, en Cisjordanie occupée et dans la bande de Gaza, territoire où Israël impose un blocus depuis la prise du pouvoir du mouvement islamiste Hamas en 2007.

    "Les citoyens arabes d'Israël ne vont pas avoir la même expérience de l'apartheid que ceux de Gaza, mais cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de régime d'apartheid", a estimé la secrétaire générale d'Amnesty Agnès Callamard.

    "J'ai été choquée par la déshumanisation du système", a-t-elle ajouté. Elle a eu des entretiens en Cisjordanie et en Israël. Agnès Callamard n'a pas rencontré des responsables israéliens malgré une demande formulée "en octobre" aux autorités.

    Appel au Conseil de sécurité

    Dans son rapport, Amnesty a exhorté le Conseil de sécurité de l'ONU d'imposer un "embargo" sur les ventes d'armes à l'Etat hébreu - pays qui a connu en 2021 une guerre avec le Hamas - mouvement considéré terroriste par Washington et l'Union européenne, et des "sanctions" aux responsables israéliens "les plus impliqués dans le crime d'apartheid".

    Amnesty a aussi demandé à la Cour pénale internationale (CPI), qui a diligenté l'an dernier une enquête pour "crimes contre l'humanité" contre les Palestiniens, "d'ajouter le crime d'apartheid" à son dossier. Israël mène de son côté une campagne diplomatique, afin de convaincre des pays occidentaux de le soutenir face à la Cour.

    Mais pour Amnesty, il est surtout temps pour la communauté internationale d'en finir avec la "fatigue" du conflit israélo-palestinien, a fait valoir sa secrétaire générale, alors que le processus politique de paix reste dans l'impasse.

    vajo/jfe avec les agences

     
    Publié à 10:34 Modifié à 13:26

    Le chef de la diplomatie israélienne dénonce un rapport antisémite

    Dès lundi, alors que le rapport d'Amnesty circulait sous embargo, le ministre israélien des Affaires étrangères Yaïr Lapid a dénoncé un rapport "antisémite", "un recyclage de mensonges".

    "Amnesty était naguère une organisation estimée que nous respections tous. Aujourd'hui, elle est exactement le contraire", a déclaré Yaïr Lapid, accusant l'ONG d'être devenue "une organisation radicale".
    Yaïr Lapid, l'actuel ministre israélien des Affaires étrangères. [Oded Balilty - Keystone/AP Photo]Yaïr Lapid, l'actuel ministre israélien des Affaires étrangères. [Oded Balilty - Keystone/AP Photo]

    "Israël n'est pas parfait, mais c'est une démocratie attachée au droit international, ouverte à la critique (...). Je n'aime pas dire que si Israël n'était pas un Etat juif personne chez Amnesty n'oserait s'en prendre à lui, mais je ne vois pas d'autre explication", a ajouté Yaïr Lapid, membre d'une coalition gouvernementale soutenue par une formation arabe.

    "Pas une forme d'antisémitisme"

    "Israël est ciblé à titre de seul Etat juif. Ce rapport biaisé et politisé ignore à la fois les actes de terrorisme palestiniens et l'obligation d'Israël de défendre ses citoyens contre ce même terrorisme", a renchéri le président du Congrès juif mondial, Ronald S. Lauder.

    "Une critique des pratiques de l'Etat d'Israël n'est absolument pas une forme d'antisémitisme. Amnesty dénonce fortement l'antisémitisme", a réagi la secrétaire générale d'Amnesty Agnès Callamard. Et d'ajouter: "nous disons qu'en 2021, 2022, il y a de l'apartheid en Israël, nous ne suggérons pas qu'il y avait un système d'apartheid en 1948".

    Interrogée à ce propos dans le 12h30, Nadia Boehlen n'est pas surprise par la réaction israélienne suite à la publication du rapport. "C'est très commun de la part d'Israël de procéder ainsi. On s'y attendait. C'est une manière très cynique de ne pas considérer les conclusions de ce rapport. On attend que la communauté internationale change de comportement vis-à-vis d'Israël et que les Etats arrêtent de faire preuve de complaisance", a-t-elle réagi.

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